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Full text of "Recherches anthropologiques dans le Caucase;"

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REGHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


DANS 


FLE CAUCASE 


PAR 


ERNEST CHANTRE 
SOUS-DIRECGTEUK DU MUSÉUM DE LYON 


CIHARGË DE MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE 
PAR M, LE MINISTRE DE L'INSTRUGTION PUBLIQUE 


cl 8491881 


TOME PREMIER 
PÉRIODE PRÉHISTORIQUE 


PARIS LYON 
CH. REINWALD, LIBRAIRE HENRI GEORG, LIBRAIRE 


15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 65, RUE DE LA RÉPUBLIQUE, 65 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


LE GA UC 


TOME PREMIER 


PÉRIODE PRÉHISTORIQUE 


— IMPRIMERI 


PITRAT AIX 


; RUE GE 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


LE CAUCASE 


PAR 


ERNEST CHANTRE 


CHARGÉ DE MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE 
PAR M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 


— [anale 


TOME PREMIER 


PÉRIODE PRÉHISTORIQUE 


PARIS | LYON 


CE. REINWALD, LIBRAIRE | HENRI GEORG, LIBRAIRE 
15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 65, RUE DE LA RÉPUBLIQUE, 65 


1885 


PRÉFACE 


[Asie Occidentale est bien certainement une des contrées de la terre qui 
méritent le plus d’attirer l'attention du naturaliste, de archéologue et de l’historien. 

Quels souvenirs n’évoque pas cette vaste région qui s'étend entre l'Indus et 
PAmou-Daria, à l’est; la mer Caspienne, le Caucase et le Pont-Euxin au nord; la 
Méditerranée et la Mer Rouge à l’ouest; l'Océan Indien au sud ! Que l’Européen 
place son berceau sur les plateaux de l'Arménie, dans les gorges du Pamir ou 
aux abords du désert iranien, dans les vallées sauvages du Zagros ou en 
Mésopotamie, il n’en est pas moins presque démontré que les montagnes du 


Kurdistan et de lAsie-Mineure ont été les premières étapes de ses pères 


asiatiques durant leur primitive odyssée vers l'Occident. Et lorsque, à l’aube 


de l’histoire, de nouvelles tribus, parties probablement des régions méridionales 


de l’Inde transgangétique, apportèrent au monde occidental les premières notions 
de la métallurgie, semant partout des traces de leur passage, c’est dans le 


Khorassan, en Médie, en Géorgie, en Cappadoce, en Phrygie qu’elles s’établi- 


rent tout d’abord; puis, de ces pays favorisés elles répandirent en Grèce et dans 


l'Europe méridionale, et, quelques siècles plus tard, le long du Danube et en 


Cauc. TI. a 


vI PRÉFACE 
Scandinavie, les bienfaits de leur activité industrielle. Aussi la plupart des peuples 
de l’ancien continent ont-ils placé dans ces contrées le berceau ou l'enfance de 
leurs dieux. En Phrygie grandit Jupiter, protégé contre la voracité du vieux 


Saturne par les sons effrayants que produisaient les forgerons Curètes en frappant 


leurs boucliers de leurs lances d’airain. De l’Asgard partira Odin, avec les Ases, 
pour aller civiliser le Nord scandinave. 

Plus tard encore, combien d'événements et d’invasions se succédèrent sur les 
bords de ces fleuves vénérés et célèbres, Indus, Yaxartes, Tigre, Euphrate, Araxe, 
Cyrus ou Koura, Phase, Halys, Oronte et Jourdain. 


« Vu de haut, le grand drame de l’histoire universelle n’est autre chose qu’une 


latte incessante entre l’Europe et l’Asiet. » Or, la partie sud-ouest de cette der- 


nière était située à merveille, au centre des terres du vieux continent, pour être le 
théâtre le plus constant de cette lutte et servir de cadre à ses terribles épisodes. 
C’est là que se sont agitées de tout temps et, qui sait? que se décideront peut- 


être les destinées du monde asiatique. Là ont passé tour à tour les Aryas, les 


Égyptiens, les Iraniens, les Grecs des temps homériques, les  Macédoniens 
d'Alexandre, les Scythes, les Romains, les Arabes, les Croisés, les Tatars, les 
Mongols, les Turks et de nos jours les armées de Bonaparte, puis enfin celles 
des Russes, des Osmanlis et des Anglais, qui se disputent les lambeaux de ce 
territoire tant de fois dévasté. 

Ce n’est pas en vain que ces contrées jadis si fécondes ont été foulées pendant 
des siècles sous les pieds des envahisseurs. Ces lieux d’où sont sorties les plus 
nobles manifestations de esprit humain, comme ses aberrations les plus étonnantes, 
sont aujourd’hui la proie du fanatisme, de l’ignorance et de la misère. Cette terre 
qui vit naïtre les premiers germes de la civilisation et d’où partit aussi le souffle 


religieux qui domine encore une grande partie de lhumanité, cette terre qu'illus- 


trèrent Nemrod et Sémiramis, Mithridate et Tamara, Zoroastre, le Christ et 
Mahomet, expie cruellement la gloire dont ces grands noms l’ont couverte. Déjà 
VAsie antérieure se meurt d’épuisement, et tous ceux qui l’ont parcourue sont 
unanimes à déclarer que ce n’est pas entre les mains des Turks qu’elle pourra se 
relever. 


1 Euxsée Recius. Géographie universelle, t. VI (Asie russe), p. 41. 


PRÉFACE vil 

Une contrée aussi ouverte aux invasions n’a pas été délaissée par les voyageurs 

et les savants, Depuis le xwi et surtout le xvir° siècle, l'Asie occidentale a été mise 
en lumière par toutes les forces intellectuelles de l'Europe. 

Mais, bien avant cette époque, les peuples qui ont successivement dominé dans 

le bassin de la Méditerranée ont dù acquérir sur les terres du rivage oriental de 

cette mer des notions de plus en plus étendues et précises. Les Égyptes, durant 


leurs courses militaires à travers l'Asie, sous Thoutmès III et Ramsès IT, le 


Sésostris des Grecs, les Phéniciens au cours de leurs pérégrinations commer- 


ciales, ont recueilli sur cette partie du globe un ensemble de connaissances dont 


la géographie de la Genèse peut donner une idée, car elle est à peu près tout entière 

empruntée aux sources de la science égyptienne et phénicienne’. Nous ne nous : 

attarderons pas à examiner la date de ce document, objet de tant de discussions. 

Nous ferons remarquer seulement que les marchands de Sidon ont dù posséder des 

renseignements géographiques bien autrement complets que ceux du tableau de 

Moïse. Mais nous ne saurons probablement jamais où s’arrêtaient ces notions, ni 

la part d'influence qui leur revient dans les premières conceptions des Hellènes 

au sujet de l'Orient; aucun témoignage direct ne vient nous révéler les limites 

du savoir des Phéniciens, qui semblent avoir pratiqué cette politique de mystère 

naturelle aux possesseurs de monopoles commerciaux, dont le principe régulateur 

est le secret des découvertes. 
Les Hellènes, navigateurs comme les Phéniciens, conquérants comme les Éeyptes, 


connurent dès les temps héroïques les rivages de la mer Noire, la vallée inférieure 


du Rion et, plus tard, les pays bordant la mer Éoée et la côte syrienne. Ces hardis 


pirates eurent bientôt semé de leurs colonies les contrées où les portait leur soif 


d'aventures et leur amour du gain. Le poème orphique, Piade et surtout l'Odyssée 
sont les plus anciens monuments de cette géographie primitive qui soient parvenus 
jusqu'à nous. 

Mais ce fut surtout aux bouleversements qui marquèrent en Asie les vir et 


vi siècles avant notre ère, et dont le retentissement arrivait à leurs oreilles, que 


es Grecs durent leurs premières connaissances positives sur la configuration 


1 Vivien De Sainr-MARTIN. Histoire des découvertes géographiques des nations européennes dans les diverses 
parties du monde, t. I, p. 17. Paris, Arthus Bertrand, 1845. 


VIII 


PRÉFACE 


et l’ethnologie de l’intérieur de l’Asie occidentale. Vassaux de l'empire des Perses 


dépuis le grand Cyrus, leurs frères de l’Asie mineure durent apprendre à connaître 


leur nouvelle patrie, et il n’est pas douteux que les rapports continus qui existaient 
? 


entre eux et les Hellènes d'Europe n'aient maintenu à un niveau à peu près 


constant les notions 


asiatique. De plus, les 


que les uns et les autres possédaient sur la géocraphie 


grandes guerres de cette époque allaient susciter des histo- 


riens et des géographes qui se succédèrent sans interruption depuis la fondation de 


la monarchie persane jusqu’au triomphe du génie grec, caractérisé par les expé- 
Ê l 8 8 


ditions d'Alexandre le 


appartiennent à cette glorieuse période. 


Les marches du cor 


Grand, Scylax, Hérodote, Hippocrate, Ctésias et Xénophon 


iquérant macédonien du Nil au Sindth, de l’Iaxartes à la mer 


d'Oman vinrent préciser de plus en plus les récits concernant l'Orient et donner 


un certain corps aux vagues intuitions des Hellènes touchant ces pays encore en 


partie inconnus. Mais le résultat le plus important de cette rapide conquête fut 


la fondation d'Alexandrie qui devint, sous la domination des Ptolémées, un centre 


commercial et un foyer scientifique de première importance. Un négoce incessant 


s'établit entre l'Égypte et l’Inde et prit un renouveau d’activité quand les Romains 


en eurent enlevé le monopole aux Arabes pour laccaparer à leur profit. Il faut 


reconnaitre cependant que ce trafic, presque entièrement maritime, ne produisit, 


quant à la géographie 


des pays éloignés des cô 


es, que de médiocres résultats. Mais 


l’école d'Alexandrie devait inaugurer, avec Eratosthènes, vers 200 avant J.-C., 


l'ère des grands travaux que poursuivirent 


Ptolémée, et qui cont 


sur l’Ancien-Monde 


ribuèrent si puissammen 


vint s’ajouter tout l’appoint qu'avaient apporté 


Mithridate et ses alliés, les rois de Géorgie e 


A cette brillante é 


depuis le n° siècle ju 


poque succède une long: 


Strabon, Arrien, Pline et enfin 


à fixer les connaissances acquises 


jusqu'au n° siècle de notre ère, connaissances auxquelles 


les expéditions des Romains contre 
d'Arménie t. 


ue phase de stagnation qui s'étend 


squ'aux conquêtes de l 


slam et aux croisades. Cette période 


ne fut cependant pas également stérile pour toutes les parties de l'Asie occidentale; 


les déchirements don 


: l'Arménie et le Caucase furent le théâtre, ainsi que les 


! Vivien pe Sair Mami. Études de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique, t. Il, page 117. Paris, 


Arthus Bertrand, 1852. 


PRÉFACE 1x 
rapports forcés qui en furent la conséquence trouvèrent en Ammien Marcellin 
(vers 3170 après J.-C.), Procope (vers 550) et l’empereur Constantin Porphyro- 
génèle (950) des historiens circonstanciés et riches de documents nouveaux. 

Cependant le temps approchait où une diversion puissante allait être faite au 
milieu de ces luttes. Les Arabes préludèrent à leur expansion et répandirent sur 
leur passage les traces deleur civilisation déjà si remarquable. Ces conquêtes furent 
le point de départ d’un réveil géographique dont les envahisseurs donnèrent le 


premier signal. Une des causes efficientes de cette renaissance fut peut-être la 


passion des pèlerinages que le Koran prescrivait à ses fidèles et que surexcita, chez 
les chrétiens d'Europe, l’investissement du tombeau du Christ par les Musulmans, 
Quoi qu’il en soit, la géographie fut en honneur chez les Arabes dès les premiers 


siècles de l’hégire et l'Asie occidentale devint un des points de leur immense empire 


où s’exerça surtout leur activité scientifique. C’est dans les documents que nous 


ont laissés Maçoudi', Ebn-Haoukal*, Edrisi”, Aboulfeda‘, etc., que la science 
moderne à puisé ses renseignements les plus étendus en ce qui regarde le Caucase 
et l'Arménie de cette époque. 

Mais ces notions devaient longtemps encore rester inconnues à l’Europe et il ne 
semble pas que, de leur côté, les croisés aient rapporté ae leurs inutiles et san- 
glantes expéditions une bien profonde connaissance des pays mêmes qu’ils avaient 
parcourus. 

Ce n’était ni à ces héros enthousiastes el souvent naïfs ni même aux ambassa- 
deurs que, deux siècles plus tard, le pape Innocent IV envoya au Khan des 


dont Plan-Carpin (12 


Mongols — voya 5-1247) écrivit la relation — que 


devait échoir la tâche de faire connaître sous son jour véritable cet Orient, révélé 
d’une façon si incomplète et si vague par les classiques grecs et latins, presque 
oubliés à cette époque. 


Le commerce avec l’Inde, violemment interrompu par l'invasion arabe en Égypte, 


‘ Maçount. Les Prairies d'or, taduction Barbier de Meynard, 9 vol. in-8e, Paris, 1861-1878. 

? Esx-Haoukau. The oriental geography, translated by Ouseley. In-4°, London, 1800. 

3 Enrist. G'ographie, traduction Jaubert, 2 vol. in-40, Paris, 1836-1840. 

4 ABouLrÉDA. Géographie, traduction Reinaud, 2 vol. in-4o. Paris, 1848. 

5 P. BerGeron. Relation des Voyages en Tartarie des FF. Guill. de Rubruquis, de Plan-Carpin, Ascelin, ete., 
extraite du latin, 2 vol. in-80. Paris, 1634. 


x PRÉFACE 

avait déserté la route maritime et le marché jadis si florissant d'Alexandrie. 
Refoulé vers le nord, il avait retrouvé peu à peu, par la mer Noire, le Phase, 
l'Arménie et la Perse, l'antique route des caravanes que la voie ouverte par le 


conquérant macédonien avait fait abandonner presque complètementt, Constan- 


tinople, héritière de la cité d’Alexandre, devint à son tour le grand marché 
du monde. 

Les Vénitiens, puis les Génois, recueillirent le fruit de cette révolution commer- 
ciale et donnèrent à la fin du moyen âge et au début de l’époque moderne leurs 
géographes et leurs navigateurs les plus célèbres. 


Deux nobles de Venise, solao et Matteo, se rendirent vers 1250 à Constan- 
tinople et de là chez le khan des Tatars occidentaux, résidant à Bolghari, sur le 
Volga. Ne pouvant revenir par la même route, à cause d’une guerre qui éclata 
entre deux chefs de tribus, ils prirent la direction de l'Est, passèrent au nord de 
la mer Caspienne et du lac d’Aral, traversèrent l’Iaxartes et arrivèrent à Bokhara, 


où ils séjournèrent trois ans, puis se rendirent près du khan des Mongols et revin- 


rent enfin dans leur patrie. Ce premier voyage fut bientôt suivi d’un second, au 
cours duquel Marco Polo, fils de Nicolao, les accompagna. On sait ce que réservait 
la fortune au jeune Marco et quels succès couronnèrent ses longues pérégrina- 
tions. Ces résultats, importants surtout au point de vue de nos connaissances 
relatives à l’Extrême-Orient et aux Indes, ajoutèrent peu à ce qu’on savait alors 
sur l’Asie occidentale; il en fut de même pour les nombreuses relations de 
voyages que les xm° et xrv° siècles nous ont léguées et dont l'intérêt trop général 
a été éclipsé par les récits du grand explorateur vénitien. 

La défaite du sultan Bajazet à Angora (1402), qui fut le dernier acte de la conquête 
de l’Asie par Tamerlan, valut à la science deux nouvelles relations sur l'Asie 
occidentale. Ce sont : celle de l'ambassadeur espagnol Clavijo, qui alla jusqu'à 
Samarkand, auprès du conquérant tatar, et celle de l'allemand Schildberger, fait 
prisonnier par les Turks, et qui fut successivement, de 1395 à 1427, le compa- 
gnon de Bajazet et de Timour. Le début du xv° siècle compte deux autres 


voyages dont les mêmes contrées furent le point de départ ou l’objet. Le premier 


4 Vivien DE Sanr-Marrin. Histoire des découvertes géographiques, t. Il, p. 51. 


PRÉFACE x 
fut exécuté par un Vénitien, Nicolao Conti. Parti de Damas, il traversa en caravane 
le désert du sud de l'Euphrate, longea ce fleuve jusqu’à son embouchure et de là 
se rendit en Hindoustan. Le second est celui du chevalier français Bertrandon de la 
Brocquière. Après un pèlerinage à Jérusalem, il explora dans toute sa longueur 
la péninsule de l’Asie-Mineure et en laissa une excellente description’. 


Enfin nous ne saurions passer sous silence la relation que donna Josafa Barbaro 


es compagnons Zeno et Contarini, tous deux 


du voyage qu'il fit en Perse avec 


députés comme lui par le Sénat de Venise auprès du prince turcoman Ousoun 
Hassan ?. 

Nous arrivons à la fin du xv° siècle, qui marque pour la science, comme pour la 
politique et le commerce, une ère nouvelle. Les orandes découvertes de cette 
époque — route des Indes par le cap de Bonne-Espérance (1486), Amérique 
(1492), route des Indes par le cap Horn (1519) — offraient à l’activité des Européens 
un champ tellement vaste et nouveau que leur attention fut détournée quelque 
temps de ce bassin méditerranéen où s'était concentrée jusque-là leur vie presque 


tout entière. 


Mais l'Italie, que sa situation même isolait, à cet instant du moins, de la plupart 
de ces expéditions lointaines, ne cessa point de fournir à l’Asie antérieure des 


visiteurs et des marchands. 


Vers 1502, un Bolonais, Lodovico Barthema, visita le Caire, Alexandrie, 
Beyrouth, la Syrie, Damas, toute l'Arabie, atteignit le golfe Persique par la côte 
méridionale de cette péninsule, traversa la Perse en tous sens et, revenu à Ormouz, 


il s’embarqua pour l'Inde. 


Un autre Italien, Giorgio Interiano*, parcourut, un demi-siècle plus tard, Pextré- 
mité occidentale du Caucase, où il réunit, sur les Tcherkesses, des notions qui 


n’ont été dépassées que par nos contemporains Bell et Longworth (1836-1839). 


1 BERTRANDON DE LA Broaouière. Voyage d'outre-mer et retour de Jé em en France, pendant le cours des 
. Publié par LæcranD p'Aussyx dans les Mémoires de l'Institut national des sciences et des 


à 637. In-4o, Paris, 1804. 


années 1432 et 1 


arts, ete..…., t. V, p. 4 


a (de 1473 à 1478), Dans le recueil Viaggi fatti da Vinetiu 
931 


? Josara BarBaro. Viaggio alla Tana ed in Persi 


alla Tana, in Persia, ete. In-8v, Veneria, figliuoli di Aldo, 154 
3 Giorcro Inrerrano. Della Vita de Zychi (voyage fait vers 1550 ou 1557). Dans Ramusio : Navigasioni e 


Ey 


viaggi, t. Il, 3 vol. in-folio. Venezia, 1563-1574 (3e édition). 


xu PRÉFACE 
En même temps l’innombrable série des Voyages au Levant, inaugurée dès 1507 
par Baumgarten’, se continuait, de 1548 à 1615, par les ambassadeurs des rois de 
France près le Grand Seigneur, Aramon et de Brèves?, ainsi que par les natura- 
listes Pierre Belon*, Gilly“ (1546 à 1549) et Rauwloff (1573 à 1579). 

Le siècle suivant ne fut pas moins fécond en explorateurs. Citons seulement les 
noms de Pedro Texeira (1604), dom Garcia da Sylva (1621), Pietro della Valle® 
(1627), Olearius° (1636), Tavernier ?, Thévenot (1656), et surtout Chardin ° (1666- 
1677), dont les travaux sur la Perse et l'Asie antérieure ont encore une impor- 
tance capitale. Il n’est peut-être pas sans intérêt de trouver, parmi ces voyageurs 
célèbres à titres divers, un antiquaire vénitien, 3embo. Ses dessins non publiés 
et sa relation, connue seulement par un insuffisant extrait, ne donnent, d’ailleurs, 
qu’une idée médiocre des résultats auxquels aboutirent les investigations de ce pré- 
curseur. Un autre nom appartenant à la même période est celui de notre compa- 
triote Deshayes #. 

Le xvin® siècle, allait jeter entre la Russie et l'Angleterre les germes de cette 
rivalité d'influence qui menace aujourd’hui la paix de l’ancien monde. Il devait 
être tout particulièrement favorable à l'expansion des recherches scientifiques de 
tout ordre dont l’Asie occidentale était l’objet. Tandis que l’énergique Anquetil 
Duperron” rapportait de l’Inde le Zend Avesta, livre sacré des Iraniens, source 


d’ingénieuses inductions et de débats ardents; que Tournefort * continuait les études 


1 MARTIN DE BAUMGARTEN, Peregrinatio in Ægyptum, Arabiam, Palæstinam et Syriam. Studio ct opera 


Curisropaort DoNavert. Narimberg 


2æ, P. Kauffmann, 1594. 


? De Brèves. Relation de ses voyas 
3 Pixrre BELrox. Ob 
un vo 


, recueillie par Jac. pu CAsreL. 2 parties en 1 vol. in-4, Paris, 1628. 
bations en GC 


rèce, Asie, Judée, Égypte, Arabie, etc. (documents recueillis dans 
age fait de 1546 à 1549), Petit in-4o, Paris, G. Cavellat, 1553. 

* Perro Gxccio. De Bosphoro Thracio, lib III. In-40, Lugd. Batav. Elzev. 1561. 

5 Pretro D 
sin'al'1626. 


LA VaLue. I! pellegrino, descritti da lui medesimo in lettere famigliari… scritte dall'anno 1614 
in 3 parties (Turquie, Perse et Inde). 4 vol. in-40, Roma, 1650-1658-1663. 
5 Ocrarius. Relation d'un voyage en Moscovie 


Tartarie et Perse, trad. de l’allemand. Paris, 1656. 
7 TAvERNIER. Six voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, en 1631, 1657, 1664... 3 vol. in-40, Paris, 1676. 
$ Jean Tuevexor. Voyages au Levant et en Asie, vers 1656. 3 vol, in-40, Paris, 1665 à 1684. 
? CHarDix. Journal d'un voyage en Perse et aux Indes Orie 
Londres, 1680. 


tales par la Mer Noire et la Colchide. In-4°, 


19 Desxayes. Voyage au Levant, fait par le commandement du Roi en l'année 4621. In 4e, Paris, 1645. 

1 Anouerir DuperRon. Traduction du Zend Avesta. 3 vol, in-40, Paris, Tilliard, 1771. 

2 Prrron pe TourNerorr. Relation d'un voyage au Levant (fait de 1701 à 1702). 3 vol. in-8v, Lyon, Aniscon, 
1717 (2° édition). 


PRÉFACE xut 
d'histoire naturelle et les observations ethnographiques de Gilly et de Belon ; que 
Pococke ‘, Wood?, Mariti”, Richard Chandler‘, Volnc 


les antiquités de l'Égypte, de la Syrie, des iles du Levant, de l’Ionie et de la 


et Lechevalier 6 étudiaient 


Troade ; que Joseph Beauchamps” rectifiait par ses observations astronomiques les 
sartes alors existantes de la Basse-Mésopotamie et de la région pontique de Tré- 
bizonde; que Niebubr°, enfin, à la tête d’une expédition danoise, visitait l'Arabie, 
où devaient le suivre plus tard Seetzen° et Burckhardt, cette rivalité grandissait 
peu à peu ct suscitait, avec de nouvelles alliances, des missions diplomatiques et 


scientifiques qui contribuaient à faire connaitre de plus en plus les régions de 


l'Arménie, du Kurdistan, de la Perse et de l'Afghanistan. 
Olivier et Bruguière (1792 à 1798), Malcolm‘ (1801 à 1807), Amédée 


Jaubert® (1805-1806), Gardanne, Tancoiene‘* et Dupré*, Hartford Jones et 


Ouseley (1811) furent ainsi envoyés tour à tour à la cour du schah par la France 


et l'Angleterre, pendant que la Rus isait explorer activement toutes les 


1 RicuarD Poco: 


:. Voyage en Orier 


, trad. de l'ans 


; Paris, Costard, 17 


? Roserr Woo. Essai sur le génie original d'Homc 
, De Bure, 1777. 
Marin. Voyages dans l'Ile de Chypre, la Syrie et la Palestine avec l'Histoire générale du Levant. 
, Paris, Belin, 1791. 


4 RicuarD CHANDLE 


2, avec l’État actuel de lu Troade, comparé à son état 


ancien, trad. de l'anglais. I-80, Pa 


? ABBÉ 


2 vol. ir 


Toniun antiquities:3 vol. in-fol, parus successivement à Londres, chez Painter, le premier 


en 1769, le second en 1800 et le troisième en 1840. 


. Paris, 1787 (2e édition). 


5 Vorxey. Voyage en Syrie et en Egypte (178: 


$ Lecugvazier. Description de lu plaine de 


the Royal Society of Edinburgh, t. UT, 1794. — Voyage à la Propontide et au Pont-Euæin. 2 vol. in-8, Paris, 
Dentu, 1800. 


7 J. Beaucnamwps. Relation historique et géi 


aphique d’un voyage de Constantinople à 
pau) yas E 


izonde par mer, 
l'an V de la République. Dans les Mémoires sur l'Egypte, t. IL. 4 vol. in-8°, Paris, Didot, 4802. 
# Niesuur. Description de l'Arabie. 2 vol. in-40, P. 
9 SG 


Unter-. 


Brunet, 1779. 


ZEN. Reisen durch Syrien, Paläüstina, Phônicien, die Transjordan-Lünder, Arabia Petræa und 
gypten. Herausgegeben und commentirt von... Fr. Krusein Verbindung mit. Hinrichs. . Hermann 
Müller und mehreren andern Gelehrten. Berlin, G. Reimer, 1854-1859. 

10 G.-A. Orrvier. Voyage dans l'empire ottoman, l'É 
se, 1801 à 1807. 

1! Joux MarcoLm. Histoire de la Perse depuis 
1815. — Histoire politique de l'Inde. London, 18 

1 AmévÉe JAUBERT. Voyage en Arménie et en Perse. In-8°, Paris, 1821. 
NGE DE GARDANNE. Journal d'un voyage dans la Tu ie d'Asie et la Perse. In-80, Paris, 1809. 
; Paris, 1819, 


Egypte et la Perse. 3 vol. in-49, atlas gr. in-40, Paris, 


les temps les plus 


lès jusqu’à l'époque actuelle. London, 


NGOIGNE. Lettres sur la Perse et sur la Turquie d'Asie 
1 Dupré. Voya 


vol. i 
, Dentu, 1819. — Des 
GamBa: Voyage duns la Russie méridionale, t. 1, 1826 


> Perse. 2 vol. in-89, Par 


ption de quelques villes et ports de la 

Mer Noire. Dar 

16 W. Ouse . 3 vol. in-49, London, 1819-1823. 
CAUICUS b 


arte levée en 1785-1786. Dans Transactions of 


x PRÉFACE 
parties de son immense empire et que la Grande-Bretagne exploitait les inépuisables 
trésors scientifiques du sien. 

Ces ambassades ouvrirent le champ aux travaux spéciaux et nettement délimités 
qui allaient prendre peu à peu, au cours du x1x° siècle, le pas sur les relations 
d'ensemble et les erands voyages. 

Ce n’est pas que nous n’ayons à enregistrer dès lors aucune exploration générale 
en Asie occidentale et que les traditions des Chardin et des Tavernier se soient per- 
dues parmi leurs descendants. Les noms de Charles Teixier, dE. Buckingham et 
d'Emile Botta, pris au hasard parmi tant d’autres, répondraient victorieusement à 


une telle assertion. Mais les voyages acquièrent de plus en plus un caractère fran- 


chement scientifique et se répartissent entre toutes les branches du savoir humain. 

C’est ainsi que, grâce aux recherches de James Rich”, 3uckingham *, Coste et 
Flandin®, Botta', Layard”, Rawlinson®*?, Loftus, Schrader°, G. Smith”, etc., 
exécutées depuis 1810 sur le territoire des anciens empires assyrien et mède, on a 


pu reconstituer peu à peu leur civilisation, leurs langues et leur histoire, retrouver 


1 James Ricu. Narrative of a Journey to the site of Babylon in 1811; with Narrative of a Journey to 


Persepolis. In-8°, London, 1839. — Nurrative of «a residence in Koordistan. 


2 BuckiNanam. Travels in Assyria, Media and Persia, including a Journey from Bagdad by Mount Zagros 
to Hamadan, the ancient Ecbatan and Researches in Ispahan and the ruins of Persepolis, 2 vol. in-8o, 
London, H. Coburn, 1830. 4 

3 FLanpin et Coste. Voyage en Perse. 3 vol, gr. in-fol., Paris, 1843 et suiv. — Monuments de la Perse 
ancienne, 5 vol, in-fol., Paris. — Cosre. Monuments modernes de la Perse, mesurés, dessinés et décris. In- 
fol., Paris, 1865-18 

4 Borra. Lettres sur ses découverte: à Khorsabad, publiées par J. Mohl. In-8, Paris, Imprimerie royale, 


1845. — Bora et FLANDR 


Monuments de Ninive. 5 vol. gr. in-fol., Paris, Imprim. royale, 1849-1850, 


its remains. ? vol. in-8°, London, Murray, 1849. — Layanp, Raw 


5 Layarn. Nineveh and x, Norris, 


Smiru and Pinoues. Inscriptions in the cuneiform character from the Assyrian Monuments, discovered by 


A. Lavarn. 98 pl., London, Harrisson, 1854. — Layvanp. The Monuments of Nineveh. 2 vol. in-fol. — Discove- 


n the ruins of Nineceh and Babylon. Iu-8o, London, Murray, 4 


ri 
6 Henry Rawiinsox. Memoir on the Babylonian and Assyrian Inscriptions. In-80, London, Parker, 1851. 
— Nombreux travaux sur les peuples de l'Asie ancienne. 


7 GronGes Rawzisox. Manual of ancient History. London, 1869. — The five great Monarchy of the 
ancient Eastern World. 3 vol., London, Murray, 1871 (2e édition). — The simth great oriental Monarchy. London, 
Longmans, 1873.— The seventh great oriental Monarchy. In-8v. London, Longmans, 1876. 

S Lorrus. Travels and R searches in Chaldea and Susiana. In-8, London, Nisbet, 1857. 


° Scura 


. Die Hœllenfalrt der Istar. Ein altbabylonisches Epos, nebst Proben assyrischer Lyrik. In-89, 
Gissen, J. Ricker, 1874. — Die Namen der Meere in den assyrischen Inschriften. Berlin, Dümmler, 1878. — 
Das Elfte Jahr des Kambyses. Berlin, Vogt, 1879-1880. 

10 G 


. Smirm. Chaldean account of the Deluge from terra cotta tablets found at Nineveh, and now in the British- 


Museum. In fol., London, Mansell, 4872. — Assyrian Discoveries; an Account of explorations and discoveries on 
the site of Nineveh, during 1873 and 1874. In-8°, London, Sampson Low, 1874. 


PRÉFACE xv 
leurs plus célèbres cités, et mener à bien les magnifiques travaux d’assyriologie et 
d’ethnographie ancienne des Lenormant'*?, des de Saulcy*, des Oppert*, des 

8 


Spiegel®, des Longpérier®, des Norris’, des Lepsius° et des Menant”. 


C’est ainsi que l’ethnologie, la géographie et l’histoire recueillaient sans relâche 


1 Cu. Lenormanr. Cours d'histoire ancienne professé à la Faculté des Lettres de Paris. Première partie : Zntro- 
duction à l'Histoire de l'Asie occidentale. In-89, Paris, Angé et Cie, 4837. — Mémoire sur le classement des 
médailles pouvant appartenir aux treise premiers Arsacides. In-4°, Paris, Didot, 1840. 


2 Fr. LENORMANT. Essai sur un document mathématique chaldéen et à cette occasion sur le: 


ème des poids 
et mesures de Babylone. Paris, Lévy, 1868. — Manuel de l'histoire ancienne de l'Orient jusqu'aux guerres médi- 
ques. Paris, Lévy, 1869. — Lettres assyriologiques et épigraphiques sur l'histoire et les antiquités de l'Asie 


antérieure. 2 vol. in-40, Paris, 1872. — Essai sur la propagation de l'alphabet phénicien dans l'Ancien monde, 


Par 72-1875 — Études accadiennes. 3 parties en { vol. in-4o, Paris, 1873. — Les premières civilisations, 
études d'histoire et d'archéologie. 2 vol. in-80, Paris, Maisonneuve et Cie, 1873. — La langue primitive de la 


Chaldée et les idiomes touraniens. Gr. in-8°, Paris, 4875. — Les antiquités de la Troade et l’histoire primitive 
des contrées grecques. Paris, 1876. — Les Dieux de Babylone et de l’Assyrie. Paris, 1877, etc 


. Inscriptions des 


3 De Saurc. Recherches sur l'écriture cunéiforme assyrienne. I. Inscriptions de Van. — 


Achéménides, 2 parties in-40, Paris, 1849, 


5 Oppert. Les inscriptions des Achéménides conçues dans l'idiome des anciens Perses. In-8°, Paris, Imprim. 
ion de Borsippa relative à la restauration de la tour des 


nationale, 1851. — Études assyriennes. L Inscr 


langues de Nabuchodonosor. In-8°, Paris, Imprim. imp., 1857. — Expédition scientifique en Mésopotarnie de 


1851 à 1854. 2 vol. in-4° et atlas in-fol., Paris, Imprim. imp., 1859-1863.— Élémentsde la grammaire assyrienne. 
In-8°, Paris, Imprim. imp., 1860. — État actuel du déchiffrement des inscriptions cunéiformes. In-80, 1861.— 


Les inscriptions assyriennes des Surgonides et les fastes de Ninive. In-8°, 1863. — OPperr et MEnanr. Les 
#3 Di q ; 
‘astes de Sargon, roi d'Assyrie de 721 à 703 av. Jésus-Christ. In-fol., Paris, 1863. — Grande inscription du 
Ê , V£ , 1 


palais de Khorsabad, publiée et commentée. 2 parties. In-8°, Paris, 1863. — OPperT. Histoire des empires 


de Chaldée et d'Assyrie, d'après les monuments. In-8o, Versailles, Beau, 1865. — Mémoire sur les rapports de 


l'Egypte et de l'Assyrie dans l'antiquité. In-49, 1869. — Babylone et les Babyloniens. In-8°, 1869, — Les ins- 


criptions de Dour-Sarkayon (Khorsabad) publices et commentées. In-fol., Paris, Imprim. imp., 1870. — OPPERT 


et MENanT. Documents juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée. Gr. in-80, 1877. — Oppert. Le peuple et la 
langue des Médes. In-8, Paris, Maisonneuve et Cie, 4879. — Anciennes populations de la Mésopotamie; dans le 


Bulletin de la Société d'ethnographie. Paris, 1883, etc. 
5 SpreGe. Die Altpers. Keilinschriften. Leipzig, 1865. — 


‘änische Alterthumskunde. 3 vol, in-4°, Leipzig, 
Engelmann, 1871. 

6 A. pe LonGpériIER. Essai sur les médailles des rois perses de la dynastie des Sassanides. In-4#, Paris, 
Didot, 1840, — Antiquités 
cides. In-4°, Paris, Didot, 1853. 

7 Norris (Edwin). Memoir on the scythie version of the Behistun Inscription. In-8°, London, Harr 
Sons, 1853. — Assyrian Dictionary. 3 vol. gr. in-8°. London, William and Norgate, 1868-1872. 

8 Læpsius. Ueber die assyrischen Éponymen, 1869. — Die babylonisch-assyrischen Lœngemasse, nach der 
Tafel von Senkereh. In-4°, Berlin, Dimmler, 1877. 
rrienne. Les Écritures cunéiformes. Exposé des travaux qui 
, Paris, Duprat, 1864. 


yllabaire assyrien. Exposé 


le la Perse; Mémoires sur la chronologie et l'iconographie des rois Parthes Arsa: 


son and 


9 Menanr (Joachim). Éléments d’épigraphie & 


ont préparé la lecture et l'interprétation des ins 
iptions dela Perse. In-&, Paris, Lévy, 1872. — S, 


trait des Mémoires présentés 


riptions de la Perse et de l’Assyrie, In- 


— Les Achéménides et les insce 


des éléments du système phonétique de V'Écriture anarienne. 2 vol. in-4®, Paris (Ex 
y J q 


par divers savants à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres).— Annales des rois d'Assyrie, traduites et mises 


en ordre sur le texte assyrien. Gr. in-80, Pa 


du cabinet royal des médailles de lu Haye. In-”, La Haye, 1878. — Éléments d'épigraphie assyrienne. Manuel 


s, Maisonneuve et Cie, 4874. — Cataloque des cylindres orientaux 


de langue assyrienne. Gr. in-8o, Paris, Imprim. nationale, 1880, etc. 


xvI PRÉFACE 


les fruits de v 


yages tels que ceux de Leake'et Macdonald Kinneir* en Asie- 


Mineure; de Drouville*, Johnson‘, et Ker Porter en Perse, en Arménie et en 
Géorgie ; de Fraser° et Alexandre Burnes? dans l’Iran septentrional; d'Alexandre 
et Léon de Labordef, Michaud et Poujoulat® dans l'Asie-Mineure; du malheu- 
reux Schulz !, assassiné par les Kurdes dans la région du lae Van; de Charles 
Teixier * en Asie-Mineure, en Arménie et dans le bassin du Tigre ; de Hamilton #, 
Ainsworth®, Aucher-Eloy ‘, en Asie-Mineure, tandis que l’archéologie s’enri- 
chissait des documents numismatiques qu’en rapportait M. Waddington ! et des 
notes de M. G. Perrot‘, notes qui peuvent être considérées comme le point de 


départ du livre magnifique que ce savant archéolooue a consacré depuis à lÆis- 


1 Leake. Journal of a tour in Asia Minor. In-8, London, Murray, 1824. 

? Macvoxarn KinneïR. Journey through Asia Minor, Armenia and Koordistan, in he years 1813 and 
1814; with Remarks on the Marches of Alexander, and Retreat of the Ten Thousand. Suivi de Route from 
Merdine to Constantinople, by Sivas and Tokat (en 1810). In-8°, London, Murray, 1818. 
se, de 1812 à 1813 1826. 

% Jonxsox. Voyage de l'Inde en Angleterre par la Perse, la Géorgie, la Russie et la Prusse, fait en 1817. 
Paris, 1819, 

5 Roserr Ker Porter. Travels in Georgia, Persia, Armenia, ancient Babylonia, during the years 1817- 

1820. 2 vol. in-4°, London, Longmans, 1821-1822. 


5 Fraser. Norrative of « Journey into Klorasan in the years 1821 and 1822. London, Longmans and Ce, 4825, 


3 DrouviLce. Voyage en Pe 2 vol. in-8°, Par 


2 vol. in-8 


— Traxels in Koordistan 


2 vol. in-89, London, 1840. 
Travels into Bokhara. À 
N DE LABORDE. Voyage en Orien! 


ÂLEXANDER BUr 


grand in-fol., Paris, 1838. 


vol. 


Histoire et bibliographie des Croisades. T vol. in-8°, Paris, Michaud, 1822. — MicaauD et 


Pousour.Ar. Correspondance d'Orient. 7 vol. in-8, ; Ducollet, 1833-1834. — Barrisrin Pouyourar. Voyage 


dans l'Asie Mineure, en Mésopotamie, en rie et en Egypte. 2 vol. in-80, Paris, Ducollet, 1840. 

1 Scaurz. Lettres de Constantinople et d’Erzeroum; dans le Nouveau Journal asiatique, t.T, 1828. — Notice 
sur la ville de Trébizonde ; 0e recueil, 3°s , t. I, 1836. 

#4 Cu. Texier. Description de l'Asie Mineure. 3 vol. in-fol., Paris, 1839. — Exploration de l'Arménie, du 


Kourdistan et de la Suziane. Bulletin de la Société de Géographie de Paris, t. XIV, 2e série, 1840. — Renseigne- 
ments archéologiques sur quelques points de l'Asie Mineure, de l'Arménie et de la Per. V, 1841. — 
Itinéraire en Kourdistan, en Arménie et en Perse. Jbid., t. XX, 1843. — Coupes hypsométriques du plateau de 


842 


l'Iran ou arméno-caucasien. Thid., 1843. 
4 W.J. Hamirrox. Researche: 
18, AN: 


Resear 


in Asia Minor, Pontus and Armenia. 2 vol. in-8o, London, Murray, 1842. 


worTH. Researches in Assyria, Babylonia and Chaldea. In-80, London, Parker, 18 Travels and 


o, London, Parker. 2: 


n Asia Minor, Mesopotamia, Chaldea and Armenia. 2 vol. i 


44 Aucuer-ELoy. Relation d’un voyage en Orient. In-80, Paris, Roret, 
5 Le Bas et Waopin 


TON. Voyage archéologique en Grèce et en Asie Mineure. Paris, Didot, 1847. — Wan- 
DINGTON. Un voyage en Asie-Mineure au point de vue numismatique. In-8, Paris, Rollin, 1853. 
15 Perror, GUILLAUME et Decserr. Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie, d'une partie 


de la Mysie, de la Phrygie, de la Cappadore et du Pont. 2 vol. in-fol. avec 88 pl., Paris, Didot, 1862-1872. — 


PErRoT. Souvenirs d'un voyage en Asie-Mineure. In-80, Paris, Lévy, 4864. — L'ile de Crète, souvenirs de voyage. 
In-12, Paris, Hachette, 18€ s, Thorin, 1867. Perrot et Cniprez. 
Histoire de l'Art dans l'antiquité, t. I à IL Gr. in-80, Paris, Hachette, 1882-1834. 


— De Galatia provincia romana. In-8o, Pa 


PRÉFACE XVII 
toire de l’Art dans l Antiquité. Les sciences naturelles, enfin, en même temps que 
les précieuses observations de Hamilton, de Kolenati, de Parrot et d’autres dont 
nous parlerons plus loin, voyaient éclore un ouvrage considérable de Jaubert et 
Spach' sur la flore de l'Orient, ouvrage rédigé en grande partie d’après les 
collections recueillies par le comte Jaubert lui-même au cours du voyage qu'il 
fit en Asie occidentale en compagnie de Charles Teixier. 


2 


Dans le même temps, Sarkisiansk? publiait en arménien la description de la 


grande et petite Arménie, contrée qui avait été déjà au commencement du 


siècle l’objet d'importants Mémoires de la part de notre compatriote Saint-Martin * 


le naturaliste russe Tchihatcheff * consacrait à la configuration orographique et à 


la géologie de l’Asie-Mineure un travail de très longue haleine qui est resté un 
modèle en ce genre ; le commandant Duhousset”, puis Khanikofff, étudiaient les 


populations de la Perse; de Beaumont’ rédigeait ses intéressants articles sur 


l'architecture du même pays, sujet repris de nos jours avec succès par M. Marcel 
Dieulafoy*; Schliemann® préludait en Troade à ses belles découvertes archéolo- 


giques ; Deyrolle® parcourait en artiste et en naturaliste le Lazistan et l'Arménie, 


où devaient le suivre bientôt les Anglais James Creagh‘! et Fanshave Tozer 


rites d'Orient. Dans la Revue des Deux-Mondes, t. XXIX, fév. 1842. — 
— La flore orientale a 


! Le comte Jausenr. Lettres 


Jausert et Spacu. lustrationes plantarum orientalium, 5 vol. in-fol. 


trouv alement en M. G. BoissiEr, de Genève, un servant des plus di és. Sa Floria orientalis (5 vol. in-8°, 


Genève) F marcher de pair avec les meilleures public 


ions de ce genre. 

Sankisiansk. Voyage dans la grande et la petite Arménie (en arménien). In-8, Venise, 1864. 
Marin. Mémoires historiques et géographiques sur l'Arménie. Paris, 1818. 

1. de pl. in-4°, Paris, 1866. 


mestre 862 — Notice sur les chevaux orientaux. Dans 


 Touiar! sr. Asie Mineure. Des 


viption physique. 8 vol. gr. in-80 et 3 


s le Tour du Monde 
naire, &. I, Paris, 18 


5 Dunou 


le Journal de médecine ri 


— Études sur les populations de lu Perse. In-8’, Paris, 
de Soye et Bouchet, 186 


De Kaaxrrorr. Mémoire sur l’ethn 


hie de la Perse. Dans lé Recueil des Voyages et Mémoi- 


res publiés par la Société de Géographie: Paris, Arthus Bertrand, 18 


7 A. pe Braumonr. L'architecture en Perse. Revue des Deux-Mondes, 15 sept. et 15 oct. 1866. 
8 Manc se. In-fol., Paris, 4884. — Mme Jeanne Dieulafo 


e pendant lequel ont été recueillis les matériaux de cet important ouvr 


au retour de 


, Dieuraroy. L'art antique de la Pe 


a donné, dans le Tour du Monde 


aations 


3-1885) le récit de ses pé 


® ScaLiEMANN. lthaque, le Pélopon Troie. In 80. Paris, Reinwald, 1869. — Trojanische Alterthümer. 


Bericht uber die Ausgrabungen in Troja; Leipzig, 1874. — Mycenæ; a narrative of Researches and Discoveries 


1878. 
10 Devrozre. Voyage dans le Lazistan et l'Arménie. Dans le Tour du Monde, 1875-1876. 


CrrAGn. Armenians, Koords, and Turks 2 vol. in-8°, London, 1880. 


at Mycenæ and Tiryns. In-8, London, Murray, 


11 Jam 


12 H. Faxsnave Tozer. Turkish, Armenia and Eastern Asin Minor. In-8°, London, Longmans, 1881. 


Judaïque. In-4°, Paris, Didot, 4 


XVII PRÉFACE 


Jules Soury‘ décrivait, dans un ouvrage justement estimé, la civilisation de l'Asie 
antérieure ; Maspero® enfin, donnait une vie nouvelle, dans les pages de son 
Histoire ancienne des peuples de l'Orient à l'énorme quantité de matériaux épigra- 
phiques, linguistiques et archéologiques que notre siècle avait recueillis en Égypte 
et dans toutes les parties de l’Asie occidentale. 

La Syrie a nécessairement profité dans une large mesure de ce mouvement de 
découvertes et d’études, auquel l'Arabie n’a pas échappé non plus. Parmi les 
voyageurs que nous venons de citer, un grand nombre ont en effet visité la première 
de ces contrées en même temps que l’Asie-Mineure, et les érudits qui se sont 
occupés de l’Orient se sont arrêtés presque tous, non sans une visible prédilection, 
sur ce Levant si souvent parcouru. Notons, parmi les plus illustres, Buckingham, 


Botta, Aucher Éloy, de Laborde et surtout le D' Robinson‘; les archéologues 


de Luynes*', de Saulcy”, Ernest Renan°, G. Rey’, Schlumberger$, de Vogüé?, 


J. Halévy", Conder”, Clermont-Ganneau ©; puis les naturalistes Louis Lartet' et 


1 J. Soury. Études historiques sur la civilisation de l'Asie antérieure et de la Grèce. Paris, Reinwald, 4877. 
Hachette, 1878. 
ward), docteur en théologie à New-York. — Tri 


? Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient. Pari 


3 Rogrnson (professor E s nombreux Mémoires sur la Palestine, 


de 1838 à 1852. — Voir la Bibliographia geographica Palæestinæ, sunächst kritische Uebersicht gedruchter 
ig, 1861. 

% De Luynes. Essai sur la Numismatique des Sutrapies et de lu Phénicie sous les rois Achéménides. 2 vol. 
is, Plon, 1856. 


de la mer Morte 


und ungedruchter Beschreibungen der Reisen im Heiligen Land, von Trrus Tosrer. Lei 


in-4o, Paris, Didot, 1846. — Mémoire sur le sarcophage d'Esmumazar, roi de Sidon. In-4c 
SD: 


et dans les terres bibliques. 2 v —È É n-fol., Pe Gide, 18ë 


Rollin, 4847. — Voyage autou 


. — Recherches sur la numismatique 
Paris, 1864 
Didier, 1865. — Mémoire sur les monnai 


de l'art judaïque. In-8° 


édition). — Voyage 


en Terre-Suinte. 2 vol. gr. in-8, Paris, datées des Séleucides. 


Rothschild, 1874. — Sept siècles de 


In-8, Paris, 1871. — Numismatique de la Terre-Sainte. In-4, Pa 


l'Histoire Judaïque. In-8°, Paris 


5 Ernest Renan. Histoire générale et système comparé des langues Sémitiques. In-8o, Paris, Imprim. 


imp., 1855. — Mission de Phénicie. Avec atlas de 70 pl. Paris, Imprim. nationale, 1864-74. 

7 G.Rey. Voyage dans le Haouwran etaux bords de la mer Morte, exécuté pendant les années 1857-1858. 
Gr. in-fol. Paris, A. Bertrand. — Les colonies franques en Syrie aux XIIe et XIIIe siècles. In-8, Paris, 
Picard, 1883. 

8 SonLuMBErGer. Les principuutés franques du Levant. In-8o, Paris, Leroux, 1877. 

9 De Vocué. Mélanges d'archéologie orientale. In-8°, Par Imprim. nationale, 4868. — Syrie centrale, 
, Baudry, 1868-1877. 

10 J. Haévy. Mélanges d'épigraphie et d'archéologie sémitiques. In-80, Pari 


Inscriptions sémitiques. 2 parties. In-4, P 


“Maisonneuve et Gie, 1874, — 
Recherches critiques sur l'origine de la civilisation babylonienne. 1n-8°, Paris, Imprim. nationale, 4876. — 
Mélanges de critique et d'histoire relutifs aux peuples séinitiques. In-80, Paris, Maisonneuve et Cie, 1883. 

æ exploration found. London. 

u. La Pal 
i sur la géologie de la Palestine et des contrées av 


11 Conver. Palestir 


12 CLERMONT-(GAN stine inconnue. In-16. Paris 


43 JL. LARTET. sinantes, telles que l'Arabie et l'Égypte. 


Dans les Annales des sciences géologiques, 1869 et 1872. 


PRÉFACE xx 
Tristram ‘, auxquels il convient de joindre notre savant ami le D’ Lortet, dont 


Pimportant ouvrage, Ja Syrie d'aujourd’hui?, est le plus lumineux tableau que l’on 


ait tracé jusqu'ici de la Palestine et du Liban. On peut rattacher également à ce 
groupe de noms chers aux amis de l'Orient : celui de M. Girard de Rüalle, qui, 
dès 1866, en rapporta une série de crânes syriens”; ainsi que celui du D' Hamy, 
qui publia quelques observations intéressantes sur la crâniologie babylonienne “. 

En Arabie, enfin, comme nous l’avons dit, Burkhardt® avait brillamment 
continué la tâche entreprise par Niebuhr et à ces travaux fondamentaux étaient 


venues s'ajouter les notions que Chedufau® et Mary, deux Français entrés au 


service de Mehemet-Ali, avaient pu acquérir au cœur même de la péninsule pen- 
dant la guerre de trente ans que soutint le vice-roi contre les Arabes Wahhäbites. 
Jomard avait réuni dans ses Zéudes sur l'Arabie une foule d'informations pré- 


cieuses. Ruppell”, Ehrenberg, Rochet d'Héricourt et surtout Haines et Hulton 


avaient fixé d'autre part par leurs relèvements géodésiques le tracé de la côte occiden- 


tale de la mer Rouge. Les travaux historiques de Fresnel, de Caussin de Per- 


ceval° et de Lottin de Laval”, les explorations de Laborde“, de Tamisier?, de 


Botta , du lieutenant anglais Wellsted!#, de Burton ©, du Français Arnaud, qui copia 


1 TristraM. The 


survey of Western Palestina. The fauna and flora of Palestina. In-4o, London, 4884. 

? Dr Lorrer. La Syrie d'aujourd'hui. Gr. in-40, Paris, Hachette, 1883. — Causes des déformations que pré- 
sentent les crânes des Syro-Pheniciens. Bull. Soc. anth, de Lyon. T. UT, p. 50. — Poissons et reptiles du lac de 
Tibériade. Archives du Muséum des se, nat. de Lyon. T. III, 1883. 

> GIRARD DE RrALLE. Ü 


ânes syriens. Dans le Bulletin de lu Société d'Anthropologie de Paris série, 1866. 
* D' Hamy. Documents pour servir à l’anthropologie de la Babylonie. Nouvelles Archites du Muséum de Paris. 
ie, t. VIT. In-49, Paris, 1884. 

5 Burkuaror. Travels in Arabia. In-4o, London, 1829. 

5 Dr Cuepurau. Relevé 
7 RuppeL. Reisen in 


du pays d'Acir. Bulletins de la Société de Géographie, t. XIX. Paris, 1842. 


hen Arabien. In-8°, Frankf., 1829 et Reise in 


Vubi 


, Kordofan und dem Petr 


Abyssinien, t. I, Frankf. 8. 


$ FRESNEL. Quatre leltres sur l'histoire des Arubes avant l'Islwimisme. Gr. in-8o, ; Barrois, 1836-18: 
LE PERCEVAL. Essai sur l'histoire des Arabes pendant l'époque de Mahomet, jusqu'à la réduction 


de toutes les tribus sous lu loi musulinane. 3 vol. in-80, Paris, Didot, 1847-1848. 


? Causs 


10 LoTTiN DE LAVAL. 
Gide et Cie, 

11 Léon pe LABor Journey through Arabia Petrea, to Mount Sinaï and excavated city of Petra, the 
Edom of the Prophecies. In-8°, London, Murray, 1836. 

42 Tamiser. Voyage en Arabie. 2 vol. in-80, Paris, 1840. 


Voyage dans la péninsule Sinaïtique et l'Égypte moderne. In-49 et atlas de 72 pl., Paris, 


43 Borra. Relation d’un voyage dans le Yemen. In-80, Paris, 1841. 
# R. Werrsren. Travels to the city of the Califs. London, 4840. — Travels in Arabia. London, 1838. 
5 R. Burton. Personal narrative of a pilgrimage to el Medinah and Meccah. 3 vol. in-8, London, 1855. 


xx PRÉFACE 
le premier une partie des nombreuses inscriptions du Yémen, dont l'étude a été 
reprise, on sait avec quel succès, par un de nos compatriotes, M. J. Halévy'; de 
Palgrave*, d'Avril’, et enfin la publication que M. Lebon“ a consacrée, l’année 
dernière, aux Arabes et à leur civilisation, ont largement contribué à faire connaitre 


la Péninsule, ses habitants et les grands traits de leur histoire. 


Ainsi l’Asie occidentale fut peu à peu conquise à la science. Sa configuration, son 
ossature montagneuse, sa flore et sa faune, son histoire même, au moins sous 
certains aspects, se révélèrent à l’Europe. Mais tandis que les explorateurs, dont 
une minorité d'élite a seule pu trouver place dans le court exposé qui précède, 
relevaient à l’envi les mille productions curieuses de ces climats, Fhomme, dont on 
plaçait là le berceau, était incomplètement étudié. Même depuis l'aurore de 
l'anthropologie, bien peu de voyageurs ont parcouru ces contrées dans le but de 
recueillir les vestiges des plus antiques civilisations dont la connaissance s’impose 
aujourd'hui. Bien plus rares encore sont ceux qui ont rapporté de leurs péré- 
grinations des renseignements positifs, des mensurations anthropométriques, des 


documents ethnographiques et autres sur ces populations à la fois si diverses et si 


mélangées, et dont il serait si important de saisir les principaux caractères. 

On pourrait à bon droit s'étonner que certains esprits, malgré cette absence 
presque complète de recherches méthodiques et de résultats probants, aient voulu, 
sur la foi des données bibliques, placer en Asie occidentale le centre de dispersion 
des races blanches, et, sans rien savoir de l’ethnologie du Caucase, imposer à ces 
races le nom général de caucasiques. 


On pourrait s'étonner aussi de voir quelques archéologues décider, sur la seule 


interprétation de légendes éparses et nébuleuses, que le Caucase et les régions qui 


o 


l’avoisinent au sud ont été le point de départ d’une grande partie de la civilisation 
I 8 


néolithique et de celle du bronze tout entière. 


1 J. Harévy. Rapport sur une mission archéologique dans le Yemen. In-8°, Paris, Imprim. nationale, 1872. 

? PALGRAVE. Une année de voyage dans l'Arabie centrale. 2 vol. gr. 8°, 1860. 

3 AD. D'Avris. L’Arabie contemporaine, avec la description du pèlerinage de la Mecque. In-8°, Paris, 
Muaillet, 1868. 

4 Gustave Lesox. La civilisation des Arabes. Gr. in-89, P 


, Firmin-Didot et Cie, 1884. 

Pour l'exposition détaillée des travaux qui ont amené à son niveau actuel notre connaissance de l'Arabie à ses 
divers points de vue, voir l'Index dressé par M. Leson et la bibliographie de l’article AraBie du Dictionnaire de 
géographie universelle de M. V. pe Sair-MARTIN. 


Re 


PRÉFACE xx 

C'est; on le voit, sur le Caucase principalement qu'ont porté ces assertions au 
moins aventurées. Serait-ce peut-être parce que, de tous les points de l’Asie occi- 
dentale, l’isthme ponto-caspien a été jusqu'ici le moins exploré et l’un des moins 
parfaitement connus ? 

Le Caucase, en effet, est un pays moins ouvert que l'Asie mineure, la Syrie, 
PArabie, la Mésopotamie et la Perse. Tandis que ces contrées livraient peu à peu 
leurs secrets à leurs nombreux explorateurs, l’àpre plateau arménien et les puis- 
sants massifs qui le dominent au Nord ne s'étaient révélés que d’une façon sommaire 
aux lévions romaines, aux armées byzantines et aux quelques marchands génois qui, 


à de lonos intervalles, avaient abordé à la côt2 pontique. Il a fallu l'entrée en scène 


de la Russie et sa prodigieuse extension asiatique pour rendre à ces rudes montagnes 
toute leur importance et donner au monde occidental des notions à peu près exactes 
sur leur structure et sur leurs habitants. C’est, d’ailleurs, au gouvernement russe 
qu’appartint l'initiative du mouvement scientifique qui allait se poursuivre au 
Caucase pendant tout le dix-neuvième siècle. On ne peut guère compter au 
nombre des voyages utiles à la science ceux qui, antérieurement, avaient été 


accomplis depuis G. Interiano par les missionnaires italiens Lamberti et Zampi, 


par Jean de Luca', Olearius”, Ferrand”, Lerche, La Motraye', etc...; quoique 


leurs relations, de même que celle de Chardin”, contiennent d’intéressants détails, 
elles ont été bientôt distancées par les études du dix-neuvième siècle et de la fin 
du dix-huitième. 


Ce furent Gmelin° et Guldenstædt ? qui, parmi les savants désignés en 1768 par 
? F Le] j' 


1 Jean De Luca. Relation des Turtares, Percopites et Nogaïs, des Circassiens, Mingréliens et Géorgiens. 
Dans Tnevenor: Relations de divers voyages curieux qui n'ont pas été publiés. 2 vol. in-fol.,{re partie. Paris, 
1664 et sq. 

? OLEarius. Relation du voyage de Moscovie, Tartarie et Perse, trad. de l'allemand, Paris, 1656. 

3 Dans le Recueil des Voyages du nord, t. IV, p. 516 à 534. 


# La Motraye. Voyage en Europe, Asie et Afrique, t. II. 3 vol. in-fol., La Haye, 1727 


Ces deux derniers èrent les régions du Kouban (rive droite) et la Kabarda. 
a Colt 


it plus particulièrement aux provinces riveraines de la mer 


5 CHARDiN. Voyage en Per. 


5 Le voyage de Gmelin, quia t 


pienne (sud et 


sud-ouest), publié en allemand à Saint-Pétershourg (4 vol. in-4o), n'a jamais élé traduit en f 


sauf les longs 
extraits qu'on en trouve dans l'ouvrage intitulé : Histoire des découvertes fuites par divers savants voyageurs 


Berne, 1778-1781 (V. de Saint-Martin). 


dans plusieurs contrées de la Ru et de la Perse, 4 vol. in-8 


T DrJ.-A Gucpensrœæpt. Reisen durch Russland und im Caucasischen Gebürge, auf befehl der rus- 


sisch-kaiserlichen akademie der Wissenschafften, herausgegeben von P.S. Pazras. — Reisen nach Georgien 


und Imerethi. et Beschreibung des Kaukasischen Lande 


, publiés par KLaproru. IN-8°, Berlin, 1815. 


Cac C 


xx PRÉFACE 
Catherine II pour étudier les différentes parties de son empire, se chargèrent de 


l'exploration du Caucase. Ils ne tardèrent pas à être suivis par Engelmann, chef de 


l'escorte d’une mission russe qui se rendit en Perse en 1785, puis par l'Allemand 


Jacob Reineges (1790)', dont les notes réunies en désordre représentent bien 
OÙ | 


incomplètement les recherches auxquelles s’est livré leur auteur. Pallas*, qui avait 
appartenu, comme Guldenstædt à la grande expédition de 1768, visita à son tour 
les steppes de la Russie méridionale ainsi que les hautes vallées du bassin du 
Kouban (1793). L’antiquaire Jean Potocki* parcourut peu de temps après les 
mêmes contrées. Sa relation, écrite en français, fut éditée trente ans plus tard par 
Klaproth", qui lui-même avait fait, en 1807-1808, un très important voyage dans 
la partie centrale du Caucase. Steven en 1810, Engelhard et Parrot” en 1811, 


le D' Kupfer° et s 


s compaenons Lenz, Meyer et Menestriès en 1829, ajoutèrent 
de nouveaux matériaux à la géographie de cette région. Taitbout de Marigny’ et 
Tauüsch faisaient connaître vers le même temps (1818) quelques parties de la 


Cire 


sie; Gambaf (1822) ajoutait de nouvelles observations à celles déjà recueil- 
lies sur la Colchide et la Géorgie et sur leurs habitants; Eichwald° étudiait 
en naturaliste et en géographe les bords de la mer Caspienne que devait 


parcourir, quelques années plus tard, ainsi que les plaines du bas Volga, de 


1 Dr ac. Rengaüs. Al/gemeine Historisch-topographische Beschreibung des Kuuhasus, aus dessen nach- 


CHRŒDER. 2 vol. in-8°, Gotha und Samt- 


gelassenen papieren gesamelt und herausgegeben von Frimo. E 
Petersburg, 1796-17( 


? Profe 


Voyages entrepris dans les gouvernements méridionaux de l'empire de Russie, traduc- 


tion de MM. DELABour.A 


t ToxveLier. 2 vol. in-4° et atlas, Paris, 1805. 

trakhan et du Caucase, accompagné de plusieurs autres 
1829. 

avec une carie de la Géorgie. 2 vol. in-8s, Paris, 1823. 


3 Comte Jean Porocxt. Voyage dans les steppes d’: 


Kraproru. 2 vol. in-80, P 


mémoires, public 


# J. KLAproTH. yage au mont Caucase eten Géor 


purs. In-4° avec atlas in-fol., 


— Tableaux historiqu de Cyrus jusqu'à nos, 
Schubart, 1826 


provinces Limitr 


s de l'Asie, depuis la monarchi 
. — Tableuw historique, géographique, ethnographique et politique du Caucase et des 
, entre la Russie et la Perse. { vol. in-8o, Paris, 18 
Paris, Dondey-Dupré, 1827 

uhasus. 2 vol. in-89, Berlin, 1815, 


Par 


— Vocabulaire de la langue géor- 


la Société asiatique 


gienne, publié pe 


Ë :LHARD et ParRoT. Reise in die Krym und in dem 


6 Dr Kurrrer. Rapport fait à l'Acad. imp. des sciences de Suint-Pétersbourg sur le voyage dans les environs 
du mont Elbrous, dans le Caucase, entrepris par ordre de S. M. l'Empereur. In-i°, Saint-Pétersbourg, 1830 

7 Tarrs Bruxelles, 1821. 
$ Cheval 


del du Caucase, fait de 1820 


Voyage en Circassie, fait en 1818. In-8. 


dans la Russie mér culièrement dans les provinces siluées au 
à 1824. 2 vol. in-8o et atlas, Paris, 1826. 


Hcuwarn. Reise auf dem Kaspischen Mere und in den Kaukasus; Periplus des Kaspischen Meeres. 


dionale et pc 


3 vol. in-80, Stuttardt, 1834. — Alte geographie des Kaspischen Mecres, des Kauhasus, und des sudlischen 


, Berlin, { 


Russ'and. li 


PRÉFACE xx 
la Kama et du Kouban, le célèbre Hommaire de Hell !. La campagne du maréchal 
Paskewitch au sud du Caucase, en 1828 et 1829, contribua à l'avancement de 
nos connaissances positives sur l’ensemble de ce pays. Les observations qu’elle 
suseita furent réunies par M. Fonton°, dans un livre qui donne de plus la substance 
d’un certain nombre d'ouvrages russes publiés antérieurement sur les mêmes 
régions. Enfin Dubois de Montpéreux exécuta, en 1833, son Voyage aulour du 
Caucase, chez les Tcherkesses et les Abkhases, en Uolchide, en Géorgie, en 
Arménie et en Crimée®. Tel est le titre sous lequel il publia le plus beau livre 
qui ait été écrit sur le Caucase. Bien qu'il soit dépassé aujourd’hui sur quelques 
points, il est impossible de ne pas rendre hommage à la persévérance, à 
’opiniâtreté qu'il a fallu pour mener à bien une pareille tâche. Historien, archéo- 
ogue, géologue, artiste, Dubois de Montpéreux a su fondre ensemble avec un 
admirable talent, tout ce qui avait été publié avant lui sur ces contrées encore 
peu connues. Presque toutes les idées qui ont été émises depuis sur l’ethnologie et 
‘histoire ancienne du Caucase trouvent leur source dans son ouvrage. Il est vrai qu'il 


a abordé à peu près tous les sujets et toujours avec la même clarté, le même style 


«2 


naturel et égal rehaussé parfois par des pages empreintes d’un enthousiasme véri- 


able. Mais ce qui fait le principal mérite de ce travail, c’est la place que l’auteur 


r a faite à l'observation, place vraiment importante si l’on considère la pénurie des 


moyens que la science avait alors à son service. Quoiqu'il se soït laissé entrainer 


souvent par des identifications hasardeuses il faut avouer qu'il a produit, à l'appui 


de ses hypothèses, un bien plus grand nombre de faits que n’en exigeait son époque. 


1 Hommaire De Heu. Les Steppes de la mer Caspienne, le Caucase et la Russie Méridionale.3 vol. in-8° avec 
atlas, Paris, 1845. 

? Fonron. La Russie dans l'Asie Mineure (campagne du maréchal Paskhéwitch en 1828 et en 1829). précédé 
d'un Tableau du Caucas ï 


Gr. in-8° avec atlas in-fol., 
1839 à 18 
Môtiers, près Neuchâtel (Suiss 
iques et géologiques en Suisse, en Courlande, en Lithuanie et en Polog 
et enfin par une conne 


Leneveu, 1840, 
3 6 vol. in-8° avec atlas in-fo 


Paris. Gide 


Dubois de Montpéreux est né 


. Préparé par sa laborieuse jeunesse, par ses 


excursions archéolog: 


, par de fortes études 


universita ssance approfondie des antiquités scandinaves, il commença par l'Ukraine 


l'exploration de la Russie mé 


idionale, passa de là en Crimée 


uivit de Sébastopol à Redout-Kaleh la côte orientale de la 


mer Noire, puis se rendit successivement à Kouta! 


Akhaltzikh, dans la vallée de Bordjom, dans le Letchkhoum, 
lé 
Tiflis par Gori et Ouplis-Tzikhe. De Tiflis il alla à Éri 
l’Akstafe 


dans le Ratcha, revint sur ses pas pour visiter le 


du Rion, Poti, le Gouriel, puis à Koutaïs d'où il se rendit à 


an et visita chemin faisant les ées de la Débéda et de 


ainsi que les hauteurs qui dominent la côte occidentale du lac Gok-tchaï; puis, après une série d’excursions 


dans toutes les parties remarquables de la région qui s'étend entre Erivan et l’Araxe, il contourna au sud le lac 


xx PRÉFACE 


Dubois de Montpéreux n’a parcouru ni le Daghestan ni les basses vallées de 
la Koura et du Térek. Foutefois, il peut être considéré comme le dernier des explo- 
rateurs généraux du Caucase. Après lui les voyages se restreignent dans cette 
contrée soit à une région déterminée, soit à une branche spéciale de la science. 

Déjà Sjœægren‘ avait enrichi la philologie de notes nombreuses sur les dialectes 
de la partie centrale de la chaîne. Brosset” jeune, par ses travaux considérables 
touchant le géorgien et sa littérature avait préparé les matériaux des discussions 


ui ne pouvaient tarder à surgir à propos de la généalogie de cet idiome. 
8 g Ê 


arménien, vit Naïkchitchevan, Choucha, Elisavetpol et Tifi , qu'il quitta de nouveau pour faire une tournée rapide 


en Kakhétie; puis il traversa le Caucase par le Darial, visita Vladikavkaz, Ekaterimograd, Georgiewsk, Piatigorsk et 


Kislovodsk et revint à son point de départ, la Crimée. 
inactif; stimulé par les récompenses 


De retour en Suisse, et après la publication de son voyage, Dubois ne resta pas 


et les éloges qui lui arrivaient de tontes parts, il commença, avec l'appui généreux du gouvernement helvétique, la 


publication de ses Antiquités neuchâteloises, dont il ne put aborder le texte. Il avait rapporté de ses pérégrinations 


les germes de cette fièvre intermittente dont le Caucase est si prodigue. La mort vint mettre un terme à ses lor 


travaux, seize ans après son retour, le 7 mai 1850, Un ami, cueillit, dans les innombrables documents réunis par le 


7 


défunt, vingt pages qu'il plaça à la tête des Antiquités neuchâteloises, et l'album parut. Ce fut un dernier fleuron 


à sa couronne de savant; mais quelle que soit l'importance de cet ouvrage posthume, il reste pour nous bien loin 


du Voyage autour du Caucase, auquel Dubois de Montpéreux a dû sa gloire la plus durable et la reconnais- 


sance de tous ceux qui se sont occupés après lui de l’Isthme ponto-caspien. 


li 


1 Siügren. Ossetiche Stu 


en mit besonderer Rücksicht auf die Indo-Europäischen Sprachen, Erste Lieferung. 
l E ÿ 


Die Selbstlaute. Mém. Acad. Saint-Pétersbourg, NI, série polit. hist. phil. T. VIL, p. 571 et sq., 1847. — Jron 


etisc.en Würter- 


Jevs ist 05 


qukhour das sche Sprachlehre, nebst Kurzem ossctisch-deutschen und deutsch 0 
buche. In-%9 de 543 p., Saint-Pétersbourg, 1844. 
2 Brosser Chronique géorgienne, taduction, notes et texte géorgien, publiés par la Société asiatique de 


anne. Paris, 183%. — Description de la 


France. In-89, Paris, Imprimerie royale, 1831. — Grammaire géorg 
int-Pétersbourg, 1842.— Histoire de lu Géorgie. In-4o, Saint-Péters- 


Géorgie, par le tzarewitch Wackhoucht. S: 
bour& 1849 -1850 et 1854 1857. — Addition et éclaircissements relatifs à l'Histoire de la Géorgie. In-4°, 1851. 


— Rapport sur un voyage archéologique dans la Géorgie. In-8, avec atlas in-40, 1849-1851.— Ruines d'Ani, 
et XIe sù 2 vol. avec pl. et atlas, 1860-1861. — 
Histoire chronologique, traduite de l'arménien, In-4o, 1869. 


capitale de l'Arménie sous les rois Bagratides aux 


Le rôle de Brosset dans la reconstitution de l'histoire du Caucase et dans l'étude des dialectes Kartvéliens offre une 


telle importance que nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser d’accompasuer son nom d’une courte notice. 


Né en 1802, à Paris, Brosset, destiné d’abord à l’état ecclésiastique, fut pendant trois ans professeur d'humanités 


au Petit-Montrouge et à un autre collège de jésuites. Il abandonna bientôt la théologie pour se vouer à l'étude des 


langues orientales et principalement à celle de l'arménien et du géorgien. Ses premiers travaux, encouragés par 


Saint-Martin, allaient lui valoir une mission en Géorgie, lorsque survint la révolution de 1830. 


N'’attendant plus aucune ressource de « 
r de cette sit 


études spéciales, il se fit compositeur, puis correcteur dans une impri- 


merie. Mais il ne tarda pas à se la 


ion précaire, sollicita et obtint une chaire d'adjoint pour les 


littératures géorgienne et arménienne à l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, où il se rendit. 
Une vie nouvelle l'attendait dans cette seconde patrie. Nommé successivement académicien ordinaire, inspecteur des 


écoles primaires de Saint-Pétersbourg, bibliothécaire à la grande bibliothèque publique, conservateur de la collection 


des monnaies orientales du palais de l’Ermitage, il continua ses belles publications, puisant à pleines mains aux 


sources déjà abondantes de la science russe. Telle est en quelques mois, cette existence curieuse, l’une des plus 


remarquables qui se soient consacrées au Caucase. 


PRÉFACE xxY 
Le classement des races de l’isthme ponto-caspien d’après leurs coutumes 
respectives et leurs langues, déjà esquissé par Klaproth et Dubois, allait préndre 


un certain degré de précision sous l'influence des observations de Bell! ét 


Longworth? (1837-1839) sur les mœurs et le pays des Tcherkesses; de Koch ° 


$ 


et surtout de Rosen” sur la Lazie, la Colchide et lOsséthie, ainsi que sur les 


différents dialecies qui y sont parlés; M. Vivien de Saint-Martin ® publiait à 


cette époque ses belles recherches d’érudition touchant l’histoire géographique, les 


populations primitives et les plus anciennes traditions du Caucase. Bergéf donnait 
Le] ; 


en 1861, une remarquable étude sur les Tchetchènes el ne tardait pas à être suivi 
par le général Uslar”, qui complétait fort heureusement l'édifice ébauché par ses 


devanciers du commencement du siècle en faisant connaître successivement les 


dialectes Tchetchène, Avare, Lèke et Abkhaze. Un linguiste de mérite, M. Miller, 


a commencé enfin, il y a peu de temps, une nouvelle étude de la langue ossèthe, 


Dès 1870. une publication qui devait exercer une influence décisive sur 


les investigations dont le Caucase était l’objet, fut entreprise par l’éminent ethno- 


1 J.-S. BELL. Journal d'une résidence en Cireassie, traduit de l'anglais par Louis Vi 
2 vol, in-8°, Paris, Arthus Bertrand, 1841, 


2 J.-A, LoxcwortTa. À year among the Circassiuns. 2 vol. in-12. London, 1840. 


DE SAINT-MARTIN. 


A ces deux importants ouvrages il convient d'ajouter celui d’Enmuno Spencer: Travels in tle Western Cau- 
casus. 2 vol. in-8°, London, 1838, ainsi qu’un autre livr Ti 


2 vol. in 8°, London, 1837. On y peut joindre aussi les Observations historiques et géographiques s: 


du même auteur : 


ls in Circassia, Krim, Tar- 


tary,e 


les peuples barbares qui ont habité les bords du Danube et du Pont-Euxrin, faisant suite au Voyage à Magnésie, 


à T'yatire el à Sardes exécuté, près d'un e auparavant, par de Peys 


NNEL et publié à Paris, en 1 
3 Kanz Kocu. Reise nach dem Kaukasischen Isthmus. 2 vol. in-8°, Berlin, 1846. 


1 Rosex. Sprâche der La: 
e. Lemgo, 1846 


C4 


n, abhandlungen ueber dus Mingrelische. In-4°, Berlin, 1840, — Ossetisch 


grammati 
5 L. Vivien L 


Marrix, Recherches sur les populations primitives et les plus anciennes traditions 


du Caucus 


avis, Arthus Bertrand, 1847, — Etude de géographie ancienne et a‘ethnographie asiatique. 
2 vol. in-8°, Paris, Arthus Bertrand, 1850: 


6 BERGÉ 
de la Soci 
7 Prerre Uscar. Ueber die geog 
Sprache aus einem Briefe an Akademike 
tourg. T. N, p. 109 etsq. — Ts 


Même recueil, t. V, p. 175 ets 


La Tchetchenya et les Tchetchenzes. Le Globe. Genève, 1861. — Bencé er BAkRarzé. Mémoires 


é archéologique du Caucase. In fol. Tifiis, 1875. 


aphische Verbreitung der awa 


iefner. Mél, asiat. de l'Acad. imp. des Sciences de 


hetscher hes und Avarisches Auszüge aus Briefen an Akademiker Schiefner, 


— ScmiErNER. Ausführlicher Bericht über des Generals Baron Peter von Uslar. 
sche Studien. Mém. de l'Acud. d t. VI; n° 12 eb Et. VIII, p.61, 1863, — 
rlicher Bericht über Baron P. v, Uslar ? Studien. Même récueil, t. X, no 12, et VIN, 
p. 125, 1866. L'académicien Schiefner a publié, en outre, sous son propre nom, un certain nombre d'études sur la 


Abchas 


Saint-Pétérsbourg, vue sé 


? Kasikumukhis 


langue ossèthe. 


$ Mirrer. Études Ossèthes, en 2 parties. In-80, Moscou, 1882 (en ruse). 


| 
Il 
| 


XxVI >RÉFACE 


logue Seidlitz'. Entouré de tout ce que Tiflis compte de savants et d’intelligents 
chercheurs, M. Seidlitz a su réunir dans ce recueil une foule d'articles très divers, 
histoire et légendes, statistique et ethnographie, archéologie même, n'ayant d'autre 
lien commun que leur objet ou plutôt leur but, la connaissance de la grande chaîne 
à tous ses points de vue. C’est ce qui assure à l'Annuaire statistique du Caucase 


un caractère nettement scientifique et un durable succès. Depuis, son directeur a 


donné une magnifique carte ethnologique, la seule qui embrasse la totalité de 
l'isthme. La classification adoptée pour l'exécution de cette caïte est basée 


essentiellement sur les données de la linguistique et de l’ethnographie. 


D’autres travaux anthropologiques, d’une moindre étendue mais non moins 
sérieux, ont suivi l’éclosion de la Statistique. Le zoologiste Radde *, en même temps 
qu’il organisait au Musée caucasien de Tiflis une remarquable galerie ethnogra- 


phique, relevait des notes intéressantes sur les Khevsours et leurs montagnes. Le 


oénéral Komaroff* consacrait aux tribus plus dispersées et plus nombreuses du 


8 
Daghestan un travail et une carte justement estimés. 

Les problèmes soulevés par l’étude encore incomplète des langues du Caucase 
et'leur place dans les familles aujourd’hui acceptées le plus généralement conti- 


ssions et d’utiles recherches. M. Zagarelli‘ exposait 


nuaient à susciter des disc 


ses idées relatives au géorgien, en examinait à grands traits la littérature et 
concluait à l'indépendance des idiomes Kartveliens. M. Zagoursky”, enfin, recueille 
aujourd’hui encore parmi les populations du massif oriental, des documents phi- 


lologiques nouveaux et positifs. 


hie, dont M. Zagoursky est l’âme, a donné depuis son 
origine une impulsion énergique à l'exploration des diverses parties de la chaîne. 


1 Smipurz, avec la collaboration de MM. Amic, Bay FeruiTzine, KER- 


MARGRAFF, 


CHAVROFF, 


AKALOFF. AL, ZELITZKI, 


orr, KOULICHABAROrr, KONDAREN 


Sraunskr, Vorrokouk, ete, ete. Statistique du Cauca 
1880. 


12 vol. in-4o, Tiflis, depuis 1870 (en russe). — Seinrrz. 


Carte ethnologique du Caucase. Saint-Pétersbours 
1, 1878. 
3 Général Komarorr. Populutions du district du Daghestan, avec une carte ethnographique. In-8°, Tiflis, 1880 


2 Ranne. Die Chewsuren und ihr Land. In-8. G 


(en russe). 
AGARELLI. Éwamen de la littérature relative à la grammaire géorgienne. 


5 Zacoursky. Recherches sur les langues du Caucase. In-4°, Tiflis, 1880 (en russe). 


PRÉFACE XVII 
Aux ascensions des Parrot et des Kupffer, aux études des naturalistes Eichwald, 
Brandt’, Nordman*, Baer* et Kolenati ont succédé les excursions des membres 
de cette Société, les pérégrinations isolées de Douglas et Freshfeld”, de B. Veres- 
chaguine®, cet artiste si observateur et si fin, de Munsay”, Cunynghame*, de 
Kæchlin-Schwartz®, de Grove”, de M Carla Serena‘! et les observations 
scientifiques des zoologistes Kesler® et Radde‘, celles du botaniste Smirnoff 
et de quelques autres naturalistes. 
Les linéaments principaux de la géologie du Caucase, sur laquelle on n'avait 
encore que les aperçus jetés à longs intervalles dans les relations d’Engelhardt, 


d’Hommaire de Hell, de Dubois et de Koch se sont fixés peu à peu grâce aux 


41 Brant. Voyage dans une partie de l'Arménie et de l'Asie Mineure. Dans les Nouvelles annales des voyages, 


t. 1, 1838. — Notc sur quatre nouvelles espèces de Serpents de la côte occidentale de la mer Caspienne et de la 


de Suint-Pétersbourg, t. I, p. 241 et sq., 
n-80, Paris, 1840-1843. 


issenschaftlichen Reise im westli- 


Perse septentrionale, découvertes par M. Kareline, Bull. acad. à 
183 


? Norpma 


4 vo 


— Voyage dans la Russie méridionale et la mée. 


ner naturw 


Diagnosen einiger während 


(Alexandre). Voli 


en entdeckten und als neu erkannten Pflanzenspecies. Bulletin de l'Académie 


chen Theiïle der Kaukasischen Provir 


impériale des sciences de Saint- létersbourg, t. II, p. 311 et sq. 1837. — Ueber das Vorkommen des Auerochsen 


im Kaukasus. Bull. Acad. se. Saint-Pétersbourg, t. II, p. 305 et sq., 1838. 
iche Academie der Wissenschaften. Berichtüber die kapische Fischerei. Bull. phys. et 


1e Häring oder die Alse (franz. «lo 


3 Bar. An die Kaisc 
chim. Acad. Saint-Pét 
des Kaspischen Mecres. Butl. phys. et chim. Acad. Suint-Péters 
Fauna der Krym, ein Beitrag von Dr H. Rathke. Bull. acad. Saint-Pétersbourg, t. I, p. 16, 1835. 

Korea. Die Gletscherlawine am Kazbek. Bull. class. mathem., t. Il, Saint-Pétersbourg, 1843. 


strach 
ourg, t. XVI, p. 32 


bourg, t. XIV, p. 816 et sq. — Die 


et sq., 1 


5 DouGr1s et Fresurietp. Travels in the central Caucasus and Bashan. À vol. in-8°, London, Longmans, 
Green and Co, 1869. 

5 B. VERESCHAGUINE. Voyage ans les provinces du Caucase. Tour du inonde, 1868 et 1869. 
x. Journ2y through the Caucasus and the interior of Persia. À vol. in-8°, London, 1872. 
te au Caucuse. In-18, Paris, Hetzel, 1880. 


HWARTZ. Un tour 


. In-18, Paris, Quantin, 1881. 


10 Grove. Le Causase glu 
E e, 1581. — Abkhasie, 1882 (Ler semestre). — Kakhétie, 1882 


11 Carra S A. Le Cau 


: semestre) us successivement dans le Tour du Monde. 


(0) 


sultats scientifiques de son voyage sont consignés dans les Mémoires de la Société des natura- 


listes de Saint-Pétersbou (AVIS 


schen Untersuchungen in den Kaukasus-Lündern.Gr. in-4°, 
. Mittheil. de Petermann, 1867, p. 12 et 92; 


Tifiis, 48 
1868, p. 


— Reïisen und Forschungen im Kaukasus im Jahr 186 


azungsheft, n° 36. In-4°, 


et 129. ge über den Kaukasus. Mittheil. de Petermann. E 


ue de Lyon, t. X, n° ?, — On trouvera, de plus, de très 


bleau général méthodique et alphabétique des mat 


ndications bibliographiques dans le 


ule des sciences de Suint-Pétersbourg, depuis sa fondation. 


nues dans les publications de l’Académie impr 


In-8°, Saint-Pétersbourg, 1872. 


EE _ = — 


XXVIIT PRÉFACE 
persévérantes recherches de MM. Abich', Fréd, Bayern ?, Eirnest Favre * et 
Stebnitzky *. 

L’archéologie et l'anthropologie, malgré les ingénieuses dissertations de Dubois 
de Montpéreux et quelques travaux essayés çà et là sur les ruines les plus remar- 
quables de certaines régions de l’isthme, étaient restées au Caucase en arrière des 
autres sciences. Mais elles ne pouvaient tarder d’atteindre un niveau plus élevé, 
Le mouvement initial imprimé depuis quelque temps déjà par les premières fouilles 
de Bayern ainsi que par les travaux craniographiques de MM. Smirnoff® et 
Csepura fut accentué fortement en 1879 par le congrès et l’exposition anthro- 
ologiques de Moscou’. Comme au temps de la grande Catherine, la Russie 
fut alors parcourue par une pléiade de savants qui, sous la haute direction 
du professeur Bogdanofff, l’initiateur de cette œuvre scientifique et nationale, 
en étudièrent les populations et exhumèrent les vestiges de son passé le plus 
ointain. Le Caucase, dont les chants de Pouchkine, de Lermontoff avaient 
depuis longtemps popularisé en Russie les légendes étranges, les belles et libres 


peuplades, les sites pleins de grandeur, ne resta pas en dehors des préoccu- 
? Le] ? 


ations du savant professeur de Moscou. Tandis que M. Filimonoff”, conserva- 


£ Avicu. Erlüuterungen zu einem Profile durch den nürdlichen Abhang des Kaukasus vom Elbrus bis 
zum Beschtau. Zeistchr. für allgemeine Erdkunde, 1853. — Das Meschische oder Karthli-Imerethinische 


‘ge in geologischer und climatologischer 


siehung. Bull. class. math. et phys. IX. Saint-Péters- 
1857. — Ueber Manganese in Transcaucasien. Mel. phys. et chim. du Bull. Acad. Saint-Pétersbourg. 


leichende Grundsüge der Geologie des Kaukasus wi: der armenischen und nordpersischen 
Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, IX, 1859. — Sur la structure et la 
Daghestan. Mémoires de l'Académie impériale, 7€ série, no 4, Saint-Pétersbourg, 4862. — Beitrâge zur geo- 
logischen Kenntni 


gcologie du 


er Thermalquellen in den Kaukasischen Ländern, 1865.— Aperçu de mes voyages en Trans- 


— Elu 


kungen die über die Gerëll- und Trümmerabla 


sur les glaciers actuels et an 


1s du Caucase, 1870. — Bemer- 


rungen aus der Gletscherzeit im Kaukasus. Mél. Bull. Acad. 
Saint-Pétersbourg, 8. — Uber die Naphtabezirke d 


s nordwestlichen Kauka 


? Pour le rôle de Bayern dans l’accroissement de n. ssances sur le Cau 


FAvRE. Glaciers de la chaîne du Caucase. Archives de 


onna 


se, voir, ci-après, sa biographie. 


iences phys. et nat. Genève, 1869. — Recher- 
ches géologiques dans la partie centrale de lu chaine du Caucase. In-4° avec carte, Genève, Georg, 1875. 
{ Srenirzky. Iss 


estiga kavkaz. Osd' Roussk. geogr. Obchtcheston, 1877-78. — Mittlheilungen von Peter- 
_mann, 1875. 


5 SMIRNOFF. les fouilles entreprises dans les 


gions du Caucase. Bulletin de la Société d'Anthropoloyie de 
— Aperçu sur l’ethnographie du Caucase. Revue d'anthropologie. Paris, Masson, 1881. 


cours de MM. ANOUTGHINE, TIKHOMIROFF 


& Bospanorr, avec le co 


ZoGrarr, etc... L'exposition antluropolo- 
ouveaux mémoires de la Société des Amis de l'histoire naturelle, de l'anthroro- 
oscou, 1878 et 1879 (en russe). 


gique de Moscou de 1879. 


logie et de l'ethnographie. In- 


* Frmonorr. Culture préhistorique en Osséthie, Trataux de l'Expos.de Moscow. In-4°. Moscou, 1878 (en russe). 


PRÉFACE xxx 
teur du Musée archéologique de cette ville, fouillait les mégalithes de la Crimée, 


les nécropoles préhistoriques de Koban et de Kazbek, où il fut bientôt suivi 


par le colonel Olche *, à qui l’on doit également l'exploration des cimetières 
plus récents de la haute vallée de lOuroukh, M. Felitzine* ébauchait ses investiga- 
tions sur les dolmens du Kouban; M. Bogdanoff entreprenait, avec M. Tikhomiroff * 
une étude délaillée des crânes modernes de Chapsoughs et de son côté, M. Tcher- 
mienski* faisait connaître les crânes qu'il a extraits des tombeaux de l’'Abkhasie 


et de la Tcherkeska. 


A ces recherches se borne le premier emploi, au Caucase, des méthodes anthro- 
pologiques. Deux ans plus tard seulement, les mensurations sur l’homme vivant 
devaient être inaugurées dans ces montagnes. 


Nous ne saurions clore cette revue sans insister sur le rôle de l’infatigable Bayern *. 


1 Orcuewsrt Cet archéologue a publié en russe un travail autographié avec planches sur les nécropoles de la 
Digourie et de l'Ossethie. Cet ouvr 


: a été tiré à un très petit nombre d'exemplaires. 
2? FeuTzn 


Rapport sur les crânes et les objets ethnographiques découverts dans le district d'Ekaterinodar. 
Travaux de l'Exposition anthropologique de Moscou, 1879 (en russe) — Carte archéologique du district d'Eka- 
terinodar (en russe), inédite. 

3 Bogpanorr et Tikmomirorr. Crânes des Chapsoughs. Dans les Mémoires de la Société des Amis de l'Histoire 
naturelle et de l'Anthropologie de Moscou, 1881 (en ru 


# ToHERMIR . Travaux de l'Exposition anthropolo: 


ique. Moscou, 1879 (en russe). 
ption géologique et minéralogique et catalogue de la collection réunie par Bayern à l'établisse 


ment de Piatigorsk. Bulletin de la Société balnéaire, 1866 (en rus 


— Les tombeaux de Mtzkhet. — Les anti- 


quités caucasiennc 


— Dolmens. Bulletin statistique du Cauca-e 
Caucase. Bulletin de la Société technique du Caucase, 


en russe). — Matériaux de construction du 


. — Découverte d'une pierre à inscription 
hébraïque. Annaïes de la Société archéologique du Cauc 
En outre de ces publications, Bayern a dans les mains prêts à être publiés un grand nombre de mémoires tou- 
chant la géographie mythique, l’histoire, la géolo: 
Bayern est né en 1817. Il est origi 


e, l'entomologie et la botanique du Caucase. 


ire de la Transylvanie et fit ses premières études à l’école de Cronstadt. Il 
en sortit en 1830, déjà naturaliste, et, dix ans plus tard, devenu homme, il se rendit à Odessa, comme prol 
de langues. En 18 


eur 


; une découverte d’ossements fossiles que publia son maître et ami, le célèbre anatomiste 


Alexandre Nordmann, vint rellumer 


chez Bayern, le feu à demi éteint des, sciences naturelles, auxquelles il se 


voua entièrement. Trois ans , il fit son premier voy 


ze au Caucase, d’où il rapporta vingt-quatre mille 
insectes et de nombreuses observations de tout 


En 1850, il revint au Caucase, vis 


genre. De là datent véritablement les premiers pas de sa carrière. 
ivante l’Osséthie et l’Iméreth, et fonc 
belles coïlections qu'il avait su réunir, le Musée de la Société de Géographie; ce fut l'or 
dont la dirction appartient aujourd’hui au D' Radde. 


à l’année 


e aux nombreuses et 


1e du musée éaucasien 


Notre but n’est pas de suivre l’infatigable explorateur dans ses pérégrinations incessantes à travers l’isthme ponto- 


caspien. Chaque année amenait de nouvelles excursions, de nouvelles recherches et de nouvell 


découvertes. Il 
nous suffira de rappeler les principaux événements d’une vie qui peut se résumer en deux mots : 


vail et persévé- 
En 1860, il 
ions qui furent 


rance! En 1859, il fut nommé conservateur du Musée de la Socié 


phie, qu'il avait 
accompagna M. Abich dans ses 


reprises en {861 et 1862, dans 


géol 


exploration ques en Daghestan et en Tchetchèna, explora 
é ra. En 1864, il fut dép 


CGauc. fl, d 


ons d'Akhaltzikhe et de l'Adj dé des collections 


| 
| 


TZ] 


EE —— PARTS ; 


x PRÉFACE 


Depuis près de quarante ans qu'il est fixé au Caucase, il n’a cessé de l’explorer 
en tous sens recueillant sur sa constitution géologique, sa flore, sa faune, sa 
topographie, sur son histoire, enfin, des volumes de notes et de matériaux de 
toutes sortes, accumulant les collections, et mettant au service de ses recherches les 
ressources d’une érudition immense et prodigieusement variée. 

Ce sont les fouilles de ce savant dans Ia vallée de l’Aragva et à Mizkhet, ainsi 


ue celles pratiquées dans les nécropoles de Marienfeld, de Sartatchalo et de Redkine- 


= 


Lager qui attirèrent de nouveau l'attention sur l'anthropologie caucasienne, et c’est 
en partie l'intérêt de ses découvertes qui décida mon premier voyage, en 1879: La 
question de l’origine du bronze fut remise à l’ordre du jour. Tranchée successive- 
ment en faveur de la Phénicie, de l’Etrurie, de la Grèce; de la Scandinavie même, 


elle m'avait amené à visiter à différentes époques ces régions privilégiées, à étu- 


ier leurs collections et les gisements des trouvailles qui y avaient été faites. 


Ces théories ébranlées, on avait jeté les yeux sur la Transcaucasie et sur les 
régions qui la rellent à la Méditerranée. Mes travaux personnels sur la première 


étape de la métallurgie? m'avaient conduit aussi à tourner mes regards vers l’Orient, 


hagrin le fit tomber malade; il ne fallut rien moins pour le rappeler à 


qu'il avait eu tant de peine à former 
Ja santé et à la vie active que l'intervention bienveïllante du D' Smirnof. 


orsk, l’invita à venir 0: dans l'établissement thermal. 


Ce dernier, inspecteur des eaux de Pi 
Bayern s'y rendit et ce fut le point de départ d’une série de promenades 
îne. Il découvrit, de plus, dans la région de E 


logiques et d'observations sur les volcans 


et Djouba une s 


rie 


chad, Beregoy 


de la partie occidentale de la ch: 


e résultat 


1 y fonda un petit musée géologique. 1 
ctivité fut de jeter Bayern dans l'étude des légen- 


erinodar, sur le Kouban, 


de dolmens. Enfin, se trouvant à Ek: 
ériode d 


le plus important et aussi le plus inattendu de cette F 
recherches d'archéologie positive. 


s de Bordjom, l'Iméreth, le Ratcha, le Ka 


des caucasiennes et de le détourner quelque peu d 
;h furent, de 


ologie. Le 
atio 1 


Néanmoins il n’abandonna pas la 


1867 à 1870, l'objet de ses in 


lques découvertes — dolmens et tombes en dalles brutes — 


le rejetèrent de nouveau dans 
souterraines du globe avait failli l'entrainer quatre ans aupa 


son ardeur habituelle et les trouvailles de l’Arag 


ant. 
Mtzkhet, de Marienfeld, de Sartat- 
des amis del’ Archéologie du 


de 


Il se mit au travail avec 


chalo marquèren premiers pas dans la voie nouvelle. La fondation de 


sivement de ses collections 


ateur d’un musée composé presque excel 
s, La découverte de la nécropole de Redkine- 
1879 et 1880, ce repos 


re Société désorganisée, 


Caucase, la nomination de Bayen comme conse 
vinrent mettre, vers 1874, un terme à ses exc ns les plus lointain 


tehetchène ont interrompu cependant, 


ant ami.une déception cruelle : 
ien. Tels étaient les fruits de quarante années de 


annexées au 
t de luttes 


ses collections ont é 


caire, Son dévoûment à la 


travaux, de voy endus plus difficiles encore par sa situation souvent pré 
é se sont fait entendre et nous sommes heureux de 


ude, aumilieu des innombrables collections qu'il a réunies. 


des voi 


science n’a pourtant pas été tou 


penser que désorme 


1 du Rhône. I. Age du bronse ou Origines de lu 


olio. Paris, Baudry, 1895-76. II. Premier âge du fer. 


3 Ennesr Carre. Etudes paléoethnologiques da: 


Métallurgie en France. 3 vol. in-4e avec cartes et atlas in- 


ais, Baudry, 1879, 


1 vol. in-49. 


PRÉFACE xxx1 
mais bien au delà du Caucase, pour y chercher le point de départ de ces manifesta- 
tions d’une industrie nouvelle. 

Les régions orientales de la Méditerranée, que de nombreuses découvertes avaient 
fait considérer par quelques auteurs comme un centre de dispersion des instru- 
ments de bronze, ne me semblaient qu'une étape de la marche que ce métal 
avait suivie des confins méridionaux de l’Asie jusqu’en Europe. 

Il devenait nécessaire, pour conclure avec quelque certitude, de se rendre maître de 
toutes les données du problème, et pour cela, de visiter d’abord l’Asie occidentale. Les 
trouvailles archéologiques de la région de Tifis indiquaient naturellement la région 
ponto-caspienne comme point de départ de ce voyage d'exploration si longuement 
médité, caressé comme un rêve, et que des circonstances heureuses me permirent de 
réaliser plus tôt que je ne l’avais espéré. 

Invité à prendre part au Congrès et à visiter l'exposition anthropologique de 
Moscou avec quelques-uns de mes collègues et maîtres’, je profitai de cette excel- 
lente occasion pour étudier quelques collections recueillies au Caucase et augmenter 
la somme de renseignements que je possédais. 

Enfin, en 1879, chargé par M. le Ministre de l’Instruction publique de France d’une 
mission scientifique dans la Russie méridionale, je reçus du gouvernement de Saint- 


Pétersbourg les recommandations nécessaires pour faciliter mon voyage et les recher- 


ches que j'allais entreprendre. Le 6 septembre, je quittais la capitale de toutes les 
Russ 


qualité d’interprète. Ce jeune naturaliste avait fait partie de l'expédition scientifique 


es, accompagné de M. Jean de Poustchine, qui avait bien voulu me suivre en 


envoyée sur les rivages de la mer Caspienne et dirigée par Kesler ; il avait déjà 
l'expérience du climat et des choses du pays que nous allions parcourir. 

Nos préparatifs terminés à Nijni-Nowoorod, nous descendimes le majestueux 
Volga jusqu’à Tzaritzine, où nous primes la direction des montagnes en passant par 
Rostov et Vladikavkaz. 


Quelques promenades dans la vallée du Terek me permettaient de faire une série 


50 


d'observations anthropologiques et, pendant un séjour de six semaines à Tiflis, j’ai 


pu, grâce à l'obligeance de Bayern, pratiquer des fouilles en Géorgie et étudier les 


# MM. pe Quarreraces, Broca, De Morriccer, ToprwaRD. Hamy, MaGrror pt Leox. 


| 
| 
 
| 


xxx PRÉFACE 
collections de ce vénérable savant ainsi que celles de quelques autres archéologues 
et naturalistes. 
Mon retour s’effectua par la mer Noire et la Crimée, ce qui me permit de visiter 
les dolmens et les antiquités grecques de cette belle région. 
Les renseignements que j'ai recueillis dans ce premier voyage sont consignés dans 


un rapport que j’adressai à M. le Ministre de l’Instruction publique ‘. 


Mais, tandis que je rapportais des documents tout à fait nouveaux et fort curieux 


sur les nécropoles hallstattiennes du Caucase, je ne possédais, malgré les recherches 


les plus minutieuses, qu'un petit nombre de faits relatifs aux âges de la pierre et du 
bronze. Ces résultats, loin de me décourager, me firent désirer davantage de 
retourner dans cet admirable pays. 

En 1881, chargé d’une nouvelle mission afin de poursuivre mes recherches de 1879, 
je résolus d'étendre mes investigations à l'Arménie méridionale, avant de revenir au 
Caucase. Dans ce long et pénible voyage, j'étais accompagné par M. le commandant 
Barry et par M. Donnat-Motte, naturaliste préparateur du Museum de Lyon ?. 

Espérant découvrir quelques traces du passage des populations primitives à qui 
l'on attribue l'importation du bronze, je suivis, pendant les mois de mars, avril, 


maiet juin, à travers la Syrie septentrionale et la Haute-Mésopotamie, Pune des 


plus anciennes routes de lOrient, et j'atteignis l'Arménie russe par les hauts pla- 
teaux du Kurdistan, les régions du lac Van et de l’Ararat. 


recueilli 


Durant cet intéressant voyage dont le récit sera publié ailleurs 
d'importantes collections relatives à la faune et à la flore des pays que j'ai traversés: 
J’ai relevé près de deux mille mensurations céphalométriques sur les populations 


arabes, ansariées, kurdes et arméniennes. Enfin j'ai rapporté plus de cinq cents 


photographies de types, de monuments et de paysages. 


Quelques observations ont été déjà publiées sur les principaux résultats de cette 


partie de ma mission 


! ERNEST CxanTRe. Recherches palé 
1881. 
nile Bruyas, de Lyon, qui s'étai 


oethnologiques dans la Russie méridionale et spécialement au Caucase 


et en Crimée, In-8. Lyon, Georg 
2M.É 
à Bir 


joint d'abord à ma caravane, forcé de rentrer en France, nous a quittés 


ariés et des Kurdes. — L'âge de la pierre et 
ec. IT, 1882. 


sur les caractères ethniques des Ar 
identale. Dans le Bulletin de la Société d'Anthropologie de Lyon, t. W, fa 


PRÉFACE XXXIII 

J’arrivai au Caucase en juin, et jy séjournai jusqu'à fin de l'été. C’est alors qu'il 
me fut donné de reprendre mes travaux sur les nécropoles préhistoriques et les 
premières mensurations qui aient été relevées dans ces montagnes! sur les popu- 


lations actuelles — Ossèthes, Géorgiens, Imères et Laz 


Je retrouvai avec plaisir, à Tiflis, la civilisation européenne dont j'étais privé 
depuis plusieurs mois, ainsi que la plupart des personnes avec lesquelles j'avais 
noué des relations lors de mon premier voyage. Toutes m'ont été de nouveau très 
utiles et se sont efforcées de n'être agréables. 

Bayern m'avait proposé, en 1879, de m’accompagner quand je viendrais con- 
inuer mes recherches. Il voulut bien donner suite à son projet, et c’est grâce 


à sa bienveillante intervention que je suis parvenu à réunir en un temps aussi court 


es nombreux documents que j'ai rapportés de cette mission. Durant nos excursions, 
j'ai appris à connaître, à apprécier ce savant si modeste et cependant si supérieur à 
sa réputation. Quelque soit le sort réservé à ses idées, dont j’ai exposé les grands 
raits dans un précédent opuscule*, je garde mon admiration et ma plus vive 
sympathie à l’homme qui, seul, sans ressources personnelles, presque sans rela- 


ions scientifiques, a lutté contre toutes les difficultés, surmonté tous les obstacles 


et tenu si ferme, au Caucase, le drapeau de la science indépendante. 


Peu de temps après mon départ se tenait, à Tiflis, sous la présidence du général 


<omaroff, la cinquième réunion du Congrès archéologique russe, institué par le 


comte Ouvaroff dont nous déplorons la perte récente. À l'occasion de ce congrès, 


des fouilles importantes ont été entreprises sur plusieurs points de la chaîne 


ré 


ainsi qu'en Arménie; ultats de ces recherches seront consignés dans le 


compte rendu du Congrès, et les objets qui en proviennent ont été déposés au musée 


— Rapport sur une Mission scientifique en Asie occidentale et spécialement dans lés régions de l'Ararat et du 
e e. t. X. In-80, Pa 


hantre pendant son 


Cauca 
1883. — 
Mésopotamie, Kurdistan et Caucase. Bulletin de la Société phi'omathique de Pari 


Missions scientifiques et littéraires 


imprimerie nationale, 


AUVAG rnest 


ogue des poissons recueillis par M. age en Syrie, Hante- 


— Notice 
sur la faune ichthyologique de l'Asie et plus particulièrement sur les poissons recueillis par M. Chantre pendant son 


voyage dans cette on. Nouvelles archives du Mus. d'Hist. nat. de Paris, 2 série, t. VII, Paris, 1884. 


mice et naturelle de l'Homme, 2e série, t. XIII, Toulouse, Aperçu sur les caractèr 


thes. Bulletin de la Socièté d'Anthropologie de Lyon, t. II, fas 


s céphalométriques 


I 1883, et Rapport, p. 43 et sq. 
Baxenx. Contribution à l'archéologie du Caucase, avec une biographie de l’auteur par Ernesr 


E. In 8". Lyon, Georz. 1882. 


| 
| 
| 
l 


LE 


XXI PRÉFACE 
de Tiflis. Vers le même temps, le bruit des découvertes archéologiques faites au 
Caucase amenait dans ces montagnes le savant anthropologiste Virchow qui profitant 
de la réunion de Tiflis, se livra à de nouvelles explorations dans la nécropole de 
Koban. Enfin, M. Erkert opéra, en 1883, plusieurs séries de mensurations 
anthropométriques sur quelques peuples de l’Isthme‘. 

Tel est dans ses linéaments les plus généraux l’état actuel des travaux auxquels 


cette intéressante contrée a donné lieu. 


Dans le corps du présent ouvrage dont l'apparition a été retardée de plusieurs 
années par suite du mauvais état de ma santé fortement ébranlée par le climat 
caucasien, on ne trouvera pas ce que beaucoup de gens éherchent dans les récits 
d’expéditions lointaines. Ce ne sont point des émotions étranges et nouvelles, 
des aventures plus ou moins romanesques que j'allais chercher dans cet Orient 
dont l’éclatant soleil et les merveilles incomparables ont inspiré tant de récits 
poétiques. Perdus dans les flots de cette lumière éblouissante, une foule de pro- 
blèmes se présentent à l'esprit. J'ai tenté la solution de plusieurs d’entre eux et j’ai 
constaté sans surprise que ceux-là mêmes qui paraissaient avoir été le plus éclairés 
par les traditions et les légendes qui étreignent l’histoire des civilisations primitives 
sont encore plongés dans une profonde obscurité. Mon plus grand désir est de 
poursuivre dans les autres parties de lAsie occidentale ces attrayantes recher- 
ches que je n’aï pu qu’ébaucher en Syrie, en Arménie et même au Caucase. 


Le nombre des explorateurs de ces vastes contrées est déjà grand, on l’a vu. 


mais ils sont rares ceux qui, pouvant consacrer beaucoup de temps à des recher- 
ches scientifiques, se résignent à abandonner les chemins battus et s’avancent dans 


des résions vierces de toute étude. 


Les difficultés jadis considérables d’un voyage en Orient, en dehors des grandes 
lignes commerciales, ont actuellement disparu. Les attaques des hordes errantes 
de Bédouins, de Kurdes ou de Tcherkesses ne se rencontrent plus que dans les récits 
des touristes. Toutefois, ce n’est pas sans courir quelques dangers que lanthropolo- 


giste parvient à entreprendre des fouilles dans les nécropoles de ces contrées où le 


4 Erkerr. Mensuration anthropométrique de quelques peuples du Caucase et des Petits-Russiens du gouverne 
géographique de Tiflis. T. VI, in-8°, Tiflis, 1882-1883 (en russe). 


ment de Kharkov.Dans Soc 


PRÉFACE xXxV 
fanatisme musulman règne encore en maître. Extraire de leurs tombeaux des crânes 
appartenant même aux temps préhistoriques est une témérité qui expose incontesta- 
blement l’imprudent voyageur à la vengeance des populations. Si l'étude des anciens 
habitants de l'Asie occidentale présente quelques difficultés, celle des populations 
actuelles n’en est pas exempte. Beaucoup d'individus se refusent à toute mensuration 
anthropométrique ou n’acceptent pas d’être photographiés ; chez la plupart enfin 
ces manœuvres, étranges assurément pour eux, excitent leur méfiance et peuvent 


avoir des conséquences assez graves pour compromettre la sécurité de l'opérateur. 


La cupidité des agents subalternes des douanes et des postes est toujours à la 
hauteur de son ancienne réputation et cause encore de sérieuses anxiétés aux 


voyageurs naturalistés et photographes; mais avec un peu de patience et d'énergie 


on parvient le plus souvent à obtenir gain de cause, à la satisfaction de tous. 


En somme, grâce aux excellentes mesures d'ordre prises depuis ses dernières 


acquisitions par le gouvernement russe, grâce surtout au naturel hospitalier des 


populations de PAsie occidentale, tout Européen, tout Français surtout qui sait 
respecter les devoirs qu'impose l’hospitalité, et ne se mêle ni aux dissensionsreli- 
gieuses, ni aux luttes politiques, est sûr de trouver partout un accueil amical et 


autant de sécurité sinon plus que dans la plupart de nos grandes villes d'Europe. 


, d'offrir mes remerciements à 


Qu'il me soit permis, avant de clore cette préfac 
toutes les personnes qui m'ont aidé dans l’accomplissement de mon voyage, dans mes 
recherçhes scientifiques et dans Pexécution de cet ouvrage ; qu’elles veuillent bien 


agréer ici l’expression de ma profonde gratitude. 


LL. EE. M. le professeur Anatole Bogdanofï, de Moscou, fondateur de l’anthro- 
pologie en Russie; le prince Mirsky, le prince Melikoff, le prince Gagarine, 
8 I Y» { 8 
le prince Troubetzkoï, m'ont accordé leur haute et indispensable protection. 
M. le général Komaroff, archéologue distingué, a mis à ma disposition, avec la 


plus grande obligeance, les intéressantes collections qu'il a réunies à Tiflis. 


M. le colonel Olchewski, de Vladikavkaz, dont l’accueil sympathique m’a laissé 


le plus agréable souvenir, m'a ouvert généreusement ses riches collections, ses 


albums,me prodiguant tous les rense 


onements désirables sur l’Ossethie et la Digourie. 


Ce savant est resté pour moiun aimable correspondant, un précieux collaborateur. 


| 


XXXVI PRÉFACE 

M. le D' G. Radde, n’a permis de visiter librement le musée caucasien de Tiflis 
où il a su grouper une série de collections dont l'étude est indispensable à quiconque 
veut avoir une idée du pays, de sa faune et de ses populations. 

La cordiale hospitalité de M. le commandant Camsaragan, consul de Russie à 
Van, sera longtemps présente à ma mémoire. C’est grâce à la haute influence de ce 
savant officier que j'ai pu traverser sans aucun accident les vallées sauvages qui 
séparent Van du massif de l’Ararat et visiter certaines tribus kurdes, des plus 
redoutées et qui passent pour inabordables aux Européens. 

M. Seidlitz, dont les belles publications m'ont été d’un grand secours, n’a pas 
cessé de m'aider de ses vastes connaissances ethnologiques. 

M. Felitzine s’est 


ment communiqué sa magnifique carte archéologique, encore inédite, du district 


empressé de répondre à mon appel et m'a très obligeam- 


d'Ekaterinodar, ainsi qu’une série de très intéressantes photographies de dolmens. 


Ma gratitude est également acquise aux artistes qui m'ont prêté le concours 


de leur talent et se sont attachés à mes recherches. J'ai eu le reoret de perdre 
deux d’entre eux, MM. Blériot et Brossette, à qui je dois une partie des planches de 
mon deuxième volume. MM. Lunel et Gauthier continuent honorablement l’œuvre 
commencée, à laquelle M. Pilloy a bien voulu s'associer. 

Je dois enfin à mon ami Adrien de Mortillet la plupart des vignettes intercalées 


dans cet ouvrage. Il m’a accompagné dans un récent voyage à travers l'Italie, 


l'Autriche et la Russie, dont je voulais visiter les collections. Grâce à lui, j’ai pu 
rapporter un grand nombre de croquis, très utiles pour l'étude comparée des: civili- 
sations dont les nécropoles du Caucase nous ont conservé les trésors. 


Je n’oublierai pas non plus M. Louis Petit, mon jeune et zélé collaborateur, 


dont l'activité intelligente ne s’est jamais ralentie. L’exactitude rigoureuse qu'il a 
toujours apportée dans l'exécution de mes cartes et de mes calculs anthropo- 


métriques sont au-dessus de tous éloges. 


1 
DUBOIS DE MONTPÉREUX 
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INTRODUCTION 


Depuis la conquête définitive du Caucase par la Russi 


, on a étendu son nom 


à toute la région comprise entre la mer Noire, la mer d’Azof, la Jega, les lacs 


Manitch, la mer Caspienne, l’Araxe, l’Ararat, et cette ligne conventionnelle qui, 
tracée arbitrairement à travers l'Arménie et le Lazistan, sépare aujourd’hui les 
possessions russes de la Turquie asiatique. 

Géographiquement, on peut diviser cette contrée en trois zones bien distinctes : 

L'une, au nord, basse et entrecoupée de steppes, forme la Ciscaucasie, terre 
européenne en quelque sorte, qui ne fait guère pressentir la puissante barrière 
qui la termine au sud. 

Au delà de cette limite, une région bien asiatique, faite de vallées et de pla- 
teaux, la Transcaucasie. 


Entre les deux, une chaine aux pics en dents de scie, à cols élevés, presque 


CHATONS 


Il 


> INTRODUCTION 
partout à double ou triple arête, rappelant en plus d’un point les Andes et les 
Pyrénées ‘, c’est le Caucase proprement dit, le mont Caucase des poètes. 

Cette dernière appellation n’est point aussi erronée qu'on pourrait le croire. De 
loin, la chaîne ponto-caspienne apparaît en effet comme un seul et énorme massif 
étendant sa crête neisgeuse d’un bout à l’autre de l'horizon. Ce « rempart aux mille 
créneaux », qui s'élève entre l’Asie et l’Europe et les sépare sur une longueur 
d'environ 1200 kilomètres, présente au voyageur qui vient de parcourir les mornes 
steppes de la Russie méridionale un aspect saisissant de orandeur et de majesté. 

Orographiquement, et d’une façon générale, le Caucase peut être divisé en deux 
parties, l’une occidentale, l’autre orientale. Les vallées du Terek et de l’Aragva, 
suivies par la route dite de Géorgie, qui conduit de Vladikavkas à Tiflis marquent 
avec une précision remarquable la délimitation de ces deux branches principales. 

La partie occidentale prend naissance au nord de la mer Noire, à la presqu'île 
de Taman, s'élève et s'étend assez rapidement dans la direction E.-S.-E. pour 
atteindre son maximum de largeur et d'altitude au mont Elbrous (5646 m.) 
et se rétrécir et s’abaisser ensuite, fort inégalement, jusqu'au mont Kazbek, son 
pic le plus occidental (5043 m.). 

C'est entre ces deux massifs que se trouvent les sommités les plus élevées du 
Caucase, Kochtan-taou (5211 m.), Dikh-taou (158 m.), Adaï-Khokh (4646 m.), 
Guimarai-Khokh (4785 m.) *, etc., pour ne citer que les plus connus. 

Si la hauteur de la chaîne se maintient en moyenne à près de 4000 mètres de 
l’Elbrous au Kazbek, la largeur, par contre, décroît assez rapidement, et, sur le 
méridien du haut Terek, elle n’est pas même de 100 kilomètres. 

La zone orientale, plus large que l’autre et d’une hauteur moyenne un peu 
moindre, forme le massif du Daghestan, aux vallées enchevêtrées, tortueuses. 


disposées sans ordre apparent au nord de l’arête principale et parsemées de sommets 


S, Géographie universelle, &. NI, p.63 et 64. 


AVRE, Chaine du Caucase, aperçu orographique, p 1. 


INTRODUCTION 3 
dont quelques-uns atteignent plus de 4000 mètres d'altitude (Teboulos-mta, 
Diklos-mta, Chah-dagh, etc...) 

La disposition orographique des deux versants du Caucase est très différente et 
dépend surtout de leur structure géologique. La pente qui regarde le sud est plus 
brusque que celle qui s'étend au nord, vers les steppes. Du faïîte de la chaîne à 
la plaine de la Koura, la distance est moitié moindre que de ce même faîte au 
Terek ou au Soulak”. Cette disposition est très sensible aussi à l’ouest, où les 
montagnes s’abaissent vers la Russie en pentes douces contre lesquelles s’appuient 
des plateaux inclinés couverts de magnifiques pâturages et s’élevant par intervalles 
en faîtes secondaires et parallèles à la crête centrale. Le plus important de ces contre- 
forts est le Kara-Jaïla, où Montagne-Noire qui court le long du Caucase entre le 
Fish-dagh et l’Elbrous, et qui laisse passer, à travers les dentelures de sa crête, 
le Kouban et ses principaux affluents de la rive gauche. 

A l’est de la Montaone-Noire et toujours sur le versant septentrional, se 


trouvent successivement les massifs de l’Elbrous, du Kochtan-taou, du Dikh-taou, 


du Kion-Chokh, ete., tous situés en dehors de l’arête maitre 


Des gorges étroites et sauvages, d’où s’échappent d’impétueux torrents, coupent 
ces contreforts eu plusieurs points. Celles du Tcherek et du Tcheghem sont les plus 
remarquables. 

Le massif de l’Elbrous projette vers le nord de nombreuses ramifications qui 
séparent les bassins septentrionaux du Caucase, caspien et pontique, représentés 
le premier par le Terek et la Kouma, le second par le Kouban. 

Toute cette partie centrale de la grande chaîne présente, du moins sur le versant 
septentrional, une grande unité de structure géologique. 

De l’Elbrous à l’Adaï-Khokh, les cimes sont formées de roches crislallines, occupant 
vers le premier sommet, leur noyau principal, une large zone qui va, en se rétré- 


cissant, se perdre, vers l’ouest, dans le massif du Daghestan. Cette région, coupée 


RecLus, loc. cit ,t. VI, p. G5. 


| 


| 
| 


INTRODUCTION 


au nord et au sud de profondes vallées transversales, est surtout favorable au 
développement des glaciers. 

À partir de l'Adaïi-Khokh, la ligne de partage des eaux est reportée dans un 
tronçon secondaire formé de schistes argileux qui décrit, au sud, une courbe 
très allongée, et vient rejoindre, au mont Borbalo, l’arête principale de la chaîne 
dominée dans cette partie par la cime trachytique du Kazbek. 

Les contreforts septentrionaux du Caucase central, sous-jurassiques ou crétacés, 


sont coupés de vallées profondes. L’uniformité de leur structure géologique les rend 


à peu près semblables ; depuis l'Ar-don jusqu'au Kouban on retrouve presque partout 

les mêmes sites, les mêmes rameaux perpendiculaires à la chaîne, s’infléchissant 
? [ ? 

un peu vers l'est et allant se perdre dans le steppe. 

La configuration du versant méridional est plus variée, et nous retrouvons, bien 
plus encore que du côté opposé, un certain contraste entre les deux branches 
orientale et occidentale de la chaîne. 

Dans la première la déclivité est brusque et plonge sans ressauts ni contreforts 
dans le large steppe où coule la Koura, à 60 kilomètres à peu près du pied des 
montagnes. 

Dans la seconde la pente, moins accentuée, est hérissée de chaînons secondaires 
M k _ ET < 
s’abaissant graduellement vers la mer Noire, et disposés à peu près comme sur 
le versant septentrional de la même région : d’abord, des collines escarnées. 

(e ; pees, 


parallèles à la chaîne basse encore, formant avec elle d’étroits bassins et coupées 


de cols laissant passer des torrents côtiers insignifiants. Puis, à mesure que la 
crête s'élève, les contreforts deviennent plus importants, leurs contours plus 
tourmentés, les torrents qui s’en échappent plus considérables. Tels sont les monts 
d’Abkhasie, circonscrivant les bassins du Bzib, du Kodor et de l’'Ingour. 
Enfin, près de la source de ce dernier fleuve, un rameau élevé se détache et court 
entre son lit et celui de la Tskenis-Tskali, séparé à son tour du Rion par un autre 
rameau, très important aussi, qui prend naissance au mont Passis-mta. La séparation 


des bassins du Rion et de la Koura est constituée par une série de hauteurs issues 


INTRODUCTION D 
du massif de Zikari et rejoignant, au sud de la Gourie, les monts du Lazistan et, 
par le Souram, ceux de l'Arménie centrale. 

La structure géologique présente, sur ce versant, la mème variété que le système 
orographique. 

Au sud des roches cristallines du faite court, de la Mingrélie au Daghestan, une 
zone de schistes argileux, qui s’élargit en sens inverse de la zone cristalline, c’est- 


à-dire de l’ouest à l’est. 


Ces schistes paléozoïques sont représentés, sur le versant nord, par une bande 
très étroite, qui prend naissance vers la source de l'Ouroukh et se continue, 


comme son homogène du sud, dans le Daghestan occidental. 


La région des schistes argileux s'appuie, au sud, sur de larges as jurassiques 
recouvertes par parties de terrains crétacés ou tertiaires et limitées par des 


dépôts quaternaires composant les bassins du bas Rion et de la Koura. 


La région sud orientale se caractérise surtout par l'absence de roches calcaires. 
Elle est découpée de nombreuses vallées, que les eaux n’ont pas eu de peine à 
creuser dans un sol souvent peu solide, à base de schistes argileux ou de grès. La 


Koura, son principal fleuve, sort des org 


es de Bordjom, coule au pied des derniers 
contreforts des monts Arméniens, traverse toute la Géorgie et va se jeter dans la 
mer Caspienne après son confluent avec l’Araxe. Elle reçoit sur sa rive gauche 
un grand nombre d’affluents dont deux seulement, la Leakhva et l’Araova, descen- 


dent du Caucase central. 


Beaucoup moins large 


et étendu est le bassin du Rion (l’ancien Phase), dans la 
partie sud occidentale du Caucase, bassin essentiellement calcaire, qui peut être 
considéré comme un ancien golfe de la mer Noire, comblé peu à peu par les apports 
du fleuve et de ses affluents, la Kvirila, la Tskenis-Tskali, ete... 


Le Rion, avant de se jeter dans la mer Noire, forme, probablement à cause de 


sa barre, et aussi du peu d’inclinaison de sa basse vallée, des marécages pesti- 


lentiels, qui rendent toute cette région excessivement malsaine. 
? t 


En somme, le Caucase est formé dans sa partie la plus élevée de schistes, 


| 


6 INTRODUCTION 


ï i û SN D at II VS axe a 
cristallins au nord, argileux au sud, courant de l’est à l’ouest suivant l'axe de la 


chaîne, et limités de part et d’autre par des assises jurassiques recouvertes, dans 
es contrées plus basses, de dépôts crétacés, miocènes et quaternaires. Sur tout le 
parcours de la chaîne, mais principalement dans sa partie centrale et méridionale, 
des jets de porphyre affleurent le sol et s'élèvent jusqu'aux plus hauts sommets. 
artout on retrouve les traces d’une action volcanique indiscutable et puissante. 
La presqu'ile de Taman est semée de volcans boueux; l’Elbrous, le Kazbek sont 
des cônes de trachyte et sont considérés comme des volcans éteints depuis 
a période miocène. Des sources thermales nombreuses, des puits de naphte, 
disposés symétriquement de part et d'autre de la chaîne, des colonnades de basalte 


rouvées sur plusieurs de ses points, attestent surabondamment cette action sou 


erraine, qui n'est point encore complètement calmée. 


Au sud du Caucase, entre les vallées de l’Araxe et de la Koura, s’élève un 
vaste plateau hérissé et bordé de sommets escarpés qui projettent leurs ramifications 
en tous sens, mais dont l’axe général est dirigé de l’ouest à l’est parallèlement 
au rempart gigantesque du nord. 

Au centre de ce plateau, un lac dont la surface est double de celle du Léman, 
s'étend à près de 1950 mètres d'altitude. Cest le Gok-tchaï, le lac aux eaux bleues. 
aux bords dénudés et tristes qui déverse, au moment des crues. le trop plein de 
ses eaux dans l’Araxe par la rivière Zanga. 

Le plateau du Gok-tchaï est relié, à l’est, par une série de hauteurs et de plaines 
élevées, aux monts du Lazistan, au Caucase, et enfin, au sud, aux massifs volca- 


niques de l’Alagüz et de l’Ararat qui élèvent leurs cimes géantes au-dessus 


des sommets environnants et dominent de chaque côté la haute vallée de 
l’Araxe. 
Plus encore peut-être que la grande chaîne, le plateau arménien, l’Anti- 


Caucase, présente des vestiges d’une effervescence souterraine récente, témoin le 


tremblement de terre qui eut lieu en 1840 à la suite d’une éruption d’un ancien 


INTRODUCTION ü 
cratère de l’Ararat, situé au-dessous du couvent de Saint-Jacques, et qui se fit sentir 
dans toute la contrée, à Erivan, à Bayazid, à Nakhitchevan, où il fit des milliers 


de victimes. 


Le climat du Caucase est généralement chaud, notamment sur les côtes et 
dans les plaines basses. Sur le versant méridional, à Bakou, la moyenne annuelle 
est de 15°, à Tiflis de 13° environ, tandis que sur le versant nord, à Stavropol, 
elle n’est que de 8’. 

Grâce à cette température relativement élevée, la végétation caucasienne atteint 
une altitude inconnue dans nos montagnes de l’Europe occidentale. Cette parti- 


cularité ne contribue pas peu à établir une différence de physionomie assez con- 


sidérable entre le Caucase et les Pyrénées auxquelles on l’a comparé quelquefois. 
Il n’a point non plus de nos montagnes françaises les cascades écumantes et les 
lacs innombrables. Mais il s'élève, comme les Pyrénées, entre un pays de sables 


et de plaines et une contrée faite de plateaux arides et brûlés, de vallées fertiles et 


de chaînes montagneuses qui lui sont à peu près parallèles. semble encore aux 
Pyrénées par ses pics dentelés, par ses glaciers moins étendus, moins beaux que 
ceux des Alpes, par ses nombreuses sources minérales, par létroitesse et l'aspect 


sauvage de ses gorges, par l’impétuosité de ses torrents. 


celle des 


D'une facon générale, la flore du Caucase se rapproche plutôt de 
provinces atlantiques de la France et des régions danubiennes que de la flore plus 
luxuriante et plus variée du littoral méditerranéen. 

Cependant, certaines parties de la chaîne, comme le bassin du Rion, unissent 
les productions de ces deux zones climatériques et lon y voit, à l'ombre des 
noyers, que l'on rencontre encore à 1.650 mètres d'altitude, croître, à plus de 


1.100 mêtres, la vigne et le mûrier blane, et à 630 mètres le cotonnier. 


Malgré d’incessantes dévastations et un déboisement conduit d’une façon déplo 


rable, les pentes du Caucase, surtout celles qui avoisinent la mer Noire, sont 


8 INTRODU 


NON 

encore couvertes d’admirables forêts. Conifères, tilleuls, chênes, frênes, érables, 
hètres et bouleaux, alternent et se succèdent suivant leurs diverses conditions 
d'existence, et y disputent le terrain aux arbres fruitiers, aux fougères serrées et 
impénétrables, pourrissant sur place et emplissant l’air de leurs exhalaisons, 
aux masses verdoyantes du buis, aux bouquets superbes d’asalea pon- 
tica, jetant vers l’automne la note gaie de leur feuillage rouge de sang au 
milieu des sapins monotones et toujours verts. 

Le marronnier, le châtaignier, le cèdre et, dans quelques endroits les rhododen- 
drons sont nombreux au Caucase, ainsi que le noyer qui passe pour originaire de 
lImérie. 

Aux branches de ces arbres si variés s’enroulent et festonnent, mélés à 
diverses lianes, les pampres arimpants de la vigne dont les grappes pesantes 


suspendues aux rameaux sont, pour la plus grande part, abandonnées aux 


oiseaux. Peut-être est-ce dans ces montagnes qu’il faut chercher la patrie orig 
nelle de cette plante si utile. Peut-être la légende biblique qui la fait naître 
vers l’Ararat et fait s’enivrer là le premier patriarche at-elle un certain fond de 
vérité. Quoi qu'il en soit, le corbeau de Noé ne trouverait pas facilement en Trans- 
caucasie la branche d’olivier, symbole de la paix’ du Seigneur. Cet arbre, floris- 
sant sur les côtes méridionales de la Tauride, n'a pu être implanté définiti- 


vement en Mingrélie. 


Le citronnier a disparu de cette région vers le milieu du siècle et toutes les 
tentatives de réacclimatation ont également échoué. En revanche, l’indigotier, 
le cotonnier, le grenadier, le camphrier même y prospèrent à merveille. 
Parmi les céréales, l’orge occupe, surtout dans la partie centrale du Caucase, 
une zone très étendue, s’élevant, en Ossèthie, jusqu'à près de 2500 mètres d’al- 


titude. Dans les régions plus basses ce froment, sont aussi cultivés avec 


beaucoup de succès. 


La faune du Caucase, moins variée que la flore, est à peu près toute euro- 


INTRODUGTION 9 
péenne. L’ours, le renard, le loup, le Iynx, le sanglier, le cerf, le chamois, le mou- 
fon, le bouquetin et l'aurochs en sont les représentants les plus remarquables. 

A peine rencontre-t-on, dans les provinces méridionales de la Transcaucasie et 
sur les bords desséchés de la mer Caspienne, quelques animaux plus asiatiques, 
tigres, chacals, gazelles et quelques autres ruminants. 

Il en est de même des oiseaux parmi lesquels on peut voir nombre d’individus 
non seulementeuropéens, mais français, tels que le srand-due, la cresserine, le 
vautour percnoptère, la pie-grièche écorcheur, l’hirondelle de cheminées, l’en- 
goulevent, le merle noir, etc..., accompagnés de quelques espèces appartenant 
à des contrées plus chaudes, comme le traquet noir et blanc, le traquet isabelle, 


le bruant à tête noire, ete... 


Il faut noter enfin comme types spéciaux au Caucase le Tetragalus caucasicus 


et le T'etras mlohosiewiksu. 


Nous citerons aussi, parmi les animaux les plus nombreux du Caucase, sur- 
tout du Caucase méridional (lac Gok-tchaï, environs de Tiflis), les tortues et les 
serpents qui sont, comme les mammifères et les oiseaux, semblables pour la 
plupart à ceux des climats tempérés. 

Il faut remarquer enfin que les lacs et les cours d’eaux du Caucase fort riches en 
poissons variés ne renferment que peu d'espèces très intéressantes. On peut citer 
cependant le Siurus chantrei, Cyprinus carpio, Barbus myrtaceus, Barbus 
lacerta, etc. Toutes ces formes sont communes aux eaux de presque toute PAsie 
occidentale. Ce fait montre une fois de plus que la faune du Caucase appartient plutôt 


aux climats européens qu'aux climats asiatiques. 


Gaue. [. 2 


Lorsque l’on se propose d'exposer les grands traits de l’ethnologie du Caucase, il 


convient de se reporter au moins un demi-siècle en arrière, vers l’époque où 


l’œuvre de pacification accomplie par les armées russes n’avait pas encore cha 


de ces belles montagnes les libres peuplades qui en parcouraïient autrefois les vallées. 


En effet, la plupart des tribus Caucasiennes du versant septentrional, c’est-à- 


dire les moins connues et les plus intéressantes, ont quitté leur patrie ; le mo- 


ment n’est pas éloigné où dans les gorges du Caucase, dans les aouls perchés sur 
ses pentes abruptes, on ne trouvera plus ni Tcherkesses, ni Lesghiens, ni Tchet- 
chènes. On ira les étudier en Arménie et en Asie-Mineure, où ils joignent leurs 
bandes aux tribus pillardes des Kurdes. 

Nous nous bornerons ici à énumérer brièvement les populations qui habitaient le 
Caucase avant l'invasion slave et à indiquer, d’une facon sommaire, les limites de 


leur ancien habitat. 


Il est à remarquer que ces limites ethnographiques correspondent à peu près aux 


diverses régions naturelles qui partagent l’isthme ponto-caspien. Les différences que 


INTRODUCTION 11 
nous avons sionalées précédemment entre les deux versants de la chaîne se retrou- 
vent entre leurs habitants. L'influence de la disposition orographique de ces deux 
grandes divisions sur les destinées des Circassiens et des Géorciens est évidente. 
Nous espérons la faire ressortir dans l’exposé rapide que nous donnerons, plus loin, 


de l'histoire de ces différents peuples. 


Le versant septentrional du Caucase est occupé par trois groupes principaux : 


A l’ouest, entre la presqu'île de Taman et le Terek, sur les pentes qui dominent 


la mer Noire et le Kouban, sont établis les Tcnerx 
? 


, plus connus dans le monde 


occidental sous le nom ture de Cire 


s, et qui se subdivisent en trois branches 
principales, assez nettement délimitées : 

Les Anrqnës, sur les parties les plus élevées de la chaîne entre la mer Noire et 
VElbrous. 

Les AgkHasss, sur le versant opposé, le long du littoral, jusqu'au Bzib. 

Les KABARDIENS, dans une région plus accessible, plus ouverte, entre les rameaux 
que projette au nord le massif de l’'Elbrous et les derniers contreforts septentrionaux 
du mont Kazbek. 

Au centre les TcoxercnÈnxs, ou Kistes, dont une des principales tribus, celle des 
INcoucues, occupant le défilé du Darial, a depuis longtemps accepté un rôle neutre 
entre la Russie et la tribu mère. Celle-ci habite la zone comprise entre le Térek et 
le Koï-Sou et comptait encore, en 1815, plus de 20.000 membres. 

A l’est des Tchetchènes,un grand nombre de tribus, vingt-sept d’après Komarof, 
différentes par le langage et les habitudes, presque toujours en guerre mutuelle, sont 
réunies sous le nom de LEsGHIENS et éparses dans tout le massif du Daghestan. 

La plus importante de ces tribus est celle des Avars, qui comprend plus du cin- 


quième de tous les Lesghiens. Elle habite, à l’est du massif du Borbalo, tout le territoire 


compris entre les trois affluents du Soulak qui portent le nom de Koï-Sou. Ces 
Avars sont considérés comme une fraction de la population hunnique de ce nom 
qui s’avança, vers le septième siècle, jusqu’au Bas-Danube. 


Le versant méridional du Caucase, plus accessible et beaucoup plus connu, est 


42 INTRODUGION 


habité par la grande race Karrvertene dont l’origine est très discutée, et dont la 


pureté originelle (si toutefois les peuples si différents qu’elle renferme ont une com- 
mune origine), a été certainement fort altérée par les mélanges que lui ont fait subir 
toutes les nations qui l’ont asservie tour à tour. 

Cette race peut se subdiviser en cinq grands rameaux : 

Les GROUZIENS où GuorGIENS, dont on étend souvent le nom à toute l’ancienne 
nation géorgienue et qui habitent, entre le faîte du Caucase et la Koura, la région 


comprise depuis Gori jusqu’à Signakh. 


Les Iuères, Imérëres ou IMÉREHENS, occupant, à l’est de la Géorgie proprement 
dite, le haut bassin du Rion. 

Les MincriLrens, entre la basse vallée de ce fleuve et le Kodor:. 

Les GouriEns, habitant le versant septentrional du plateau d’Adjara, 


Les Lazes, 


disséminés le long du littoral de la mer Noire depuis Trébizonde jus- 


qu’à Poti. Ce sont les seuls Caucasiens dont le territoire soit encore en partie turc. 


Outre ces branches, d’autres tribus de race Kartvelienne habitent les gorges 
les plus élevées, les défilés les plus sauvages du Caucase. Ce sont probablement en 
grande partie des bannis ou des réfugiés, chassés des plaines de la Mingrélie et de 
la Géorgie par les guerres ou par l'oppression des grands seigneurs, et qui sont 
venus chercher un asile dans ces hautes régions. 

La principale de ces populations, confinée dans les vallées supérieures de l'Ingour 
et de la Tskenis-Tskali, est celle des SvaNEs ; plusieurs de ces tribus, organisées en 
petites républiques où communes, ont vu leur liberté reconnue par les Russes et 
sont appelées Lisres-Svaxes. 

Sur le versant méridional du mont Borbalo et vers la source de l’Aragva, habitent 


trois tribus importantes et surtout fort curieuses. Ce sontles Pcxaves. les Toucnes 


et les Kxevsours. 
Entin, à l’ouest de Derbent, près des bords du fleuve côtier Bougan, vivent, au 


milieu des Lesghiens, les Kougrrer, métallurgistes habiles qui se disent eux-mêmes 


Européens, mais qu’il faudra peut-être rattacher au groupe Kartvelien. 


INTRODUCTION 13 


Ce groupe indépendant n’habite pas seul le Caucase méridional. Des colonie 


différant beaucoup par leurs usages, leurs mœurs et leur langage de la population 
principale, sont cantonnées çà et là, comme ces poussées de porphyre qui émergent, 
dans les mêmes régions, des schistes et des assises jurassiques de la grande chaîne. 

Une des plus intéressantes de ces peuplades isolées, perdues en quelque sorte au 
milieu de la grande mosaïque ethnographique qui nous occupe, est la tribu des 
Ossèraes. Nous y reviendrons longuement dans lune des parties de cet ouvrage, 
où nous exposerons les diverses spéculations qui ont cours sur l’origine et la langue 
de ce petit peuple, ainsi que nos travaux particuliers sur ses caractères anthro- 
pométriques, qui semblent, d'accord avec la linguistique, le rattacher au groupe 
iranien. 

Les Ossèthes habitent le cirque de montagnes que domine, à l’ouest du Darial, la 
crête glacée du mont Kazhek, ainsi que les hautes parties du versant septentrional 
de ce massif et les vallées supérieures de l’Aragva, du Ksan et de la Liakhva. Is 
sont donc enclavés entre les Kabardiens au nord et au couchant, les Tchetchènes à 
l’est, les Khevsours et les Géorgiens proprement dits au sud. 

Au nord et au sud de la chaîne, des tribus Tarares, de langue turque, restes 
peut-être de l’ancien empire des Khazars mélés aux descendants des Turks Seldjou- 
kides, sont disséminées dans les bassins orientaux de la Kouma, du Terek, de la 
Koura et de l’Araxe. Leurs principaux groupes sont les Nocaïs sur la rive droite 
de la Kouma et du Terek inférieurs, les Koumxs à l'embouchure du Soulak, les 
Kararonaï,au sud-est de l’Elbrous entre les Kabardiens et les Adighès. On trouve 
également des Karatchaï en Transcaucasie, dans tout le bassin de la Koura et 
de l’Araxe et sur les côtes de la Caspienne, 

Dans la Transcaucasie orientale, à côté de ces Turks, vivent des PsrsAns, 
connus sous le nom de Tares, Tapxixs, où TaricHEs, ces derniers dans le district 
de Lenkoran, (frontière Perse). les autres dans l’arrondissement de Bakou et dans 


la partie méridionale du Daghestan caspien. 


Tous les grands centres de la Géorgie proprement dite comptent un grand 


\i 


| 
| 


| 
ni 


14 INTRODUCTION 


nombre d'ARMÉNIENS. Ils sont surtout répandus dans les environs et la ville 
de Tiflis et sur le plateau qui, entre l’Araxe et la Koura, avoisine le lac 
Goktchaï. Instruits, industrieux et dominateurs, ils délaissent de plus en plus les 
provinces encore turques pour se masser dans la sphère d’attraction de la Russie. 


Nous ne citerons que pour mémoire les restes épars des tribus Kurpes, autrefois 


lus nombreuses, qui habitent encore les divers points de la Transcaucasie et 


rincipalement le cours inférieur de l’Araxe,où ils se mêlent beaucoupaux Tatares. 
’émigration de ces tribus s’accomplit en sens inverse du courant arménien et le 


moment n’est pas éloigné où celles qui resteront seront confondues avec les autres 


peuplades musulmanes du Caucase méridional. 

Nous ne parlerons pas non plus des représentants de la nation slave, qui ne se 
sont établis dans ces contrées que depuis le commencement du siècle, mais qui 
formeront certainement, dans un avenir prochain, le noyau principal de la 
population caucasienne. 

Ilnous reste à dire un mot des Jurrs, dont la venue au Caucase est bien antérieure 
à notre ère et qui, disséminés parmi les villages arméniens, tatares et géorgiens, 
ne semblent nullement sy considérer comme étrangers. Ils sont connus des 
Kartveliens sous le nom d’Ourrau. 

Nous reviendrons, dans notre partie ethnologique, sur le rôle capital que certains 
auteurs attribuent, à tort ou à raison, aux SÉMITES en général et aux Juirs en 
particulier, dans la formation des races actuelles du Caucase, 

Enfin pour achever notre énumération très succinte de ces races, nous citerons 
les rares colons européens qui, en dehors des Slaves, se sont fixés dans l’isthme 
ponto-caspien. Ce sont surtout des ALLEMANDS, établis principalement aux environs 
de Tiflis et d'Elisavetpol, et vivant complètement à l'écart des autres habitants. 

Tel est le tableau, forcément rapide et incomplet, des peuples si divers qui 
habitent le Caucase. 

Nous allons examiner, non moins sommairement, le rôle de chacun d’eux dans 


l’histoire encore si peu connue de cette partie de notre globe. 


[II 


Nous avons fait remarquer, au début de cette introduction, combien la destinée 
des peuples caucasiens a été intimément liée à la confieuration générale de la 
grande chaine. Ce rapport est surtout évident lorsque l’on considère la dernière 
période de l’histoire du Caucase, celle de la conquête Russe. 


Mais on le constate cependant à toutes les époques, depuis les temps mytholo- 
l F ! 


giques jusqu'à nos jours. Comme au géographe et à l’ethnolooue, les deux versants 
du Caucase présentent à l’historien un contraste frappant. 

Au nord, et aux deux extrémités de la chaîne, des peuples offrant entre eux, 
comme mœurs et comme aspect physique, les plus grandes analogies, protégés 
tous deux par des forteresses naturelles inexpugnables, s’organisèrent, dès la plus 
haute antiquité, en tribus indépendantes et guerrières et surent se garantir toujours 
de toute domination étrangère et de tout mélange. On retrouve à travers les âges 
chez ces deux peuples, Tcherkesses et Lesghiens, chez le premier surtout, les mêmes 
noms, les mêmes coutumes et, à travers leurs nombreuses conversions, la même foi. 


le même culte primordial que nous « 
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ssaierons de définir dans la suite de cet ouvrage. 


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16 INTRODUCTION 

Le versant méridional, au contraire, habité par la grande race Kartvelienne, 
ouvert, à l’est et à l’ouest, par le Rion et la Koura, à toutes les incursions et à 
tous les envahissements fut sans cesse le théâtre de luttes acharnées, et ses 
habitants durent subir tour à tour toutes les dominations et, par suite, d’innombra- 
bles croisements. En un mot, le côté asiatique du Caucase fut mêlé, dès les temps 
les plus reculés, au mouvement général de l'humanité; il eut une histoire. Le 


versant opposé n’en eut pas, où la sienne, du moins, ne date que d’hier. 


Les premières notions connues sur le Caucase nous sont révélées par les histo- 
riens grecs, qui y font voyager leurs héros et aborder, sur les côtes de la Colchide, 
les Argonautes et leur chef Jason. 


Ils ne connurent, du reste, que quelques parties du littoral oriental de la mer 


Noire, où ils fondèrent des colonies bientôt florissantes, Olbia, Tanaïs, à l’embou- 
chure du Don, Phanagorie, Panticapée, Dioscourias, Phasis, à l'estuaire du Rion 


(Phase), ete. 


D’après les renseignements que nous ont laissés ces auteurs, ainsi que leurs 
successeurs, Arrien, Strabon, Pline, Procope, etc... il paraît résulter qu'à ces 
lointaines époques, la disposition des tribus montagnardes du Caucase occidental 
était sensiblement la même qu'aujourd'hui. Nous avons fait remarquer plus haut 
que leurs noms ont également fort peu varié; il y a, en effet, peu de distance 
entre les Zyghè, Dzighè, Zeckhi, ete... etles Adighès de nos jours. 

Nous ne nous attarderons pas sur cette période primitive encore enveloppée de 
ténèbres pour ce qui concerne la Grèce elle-même et qui ne saurait être plus claire 
pour la région qui nous occupe. 

C'est à l'archéologie préhistorique qu'il appartient, aidée de la linguistique et 


de l’anthropologie, de résoudre tous les problèmes que soulèvent les origines de 


ces peuples que nous trouvons répandus dans l’isthme ponto-caspien dès l’aurore 
de la civilisation du fer. 


Nos travaux, bien incomplets encore, n’ont pas d’autre but, et nous nous 


INTRODUCTION ‘li 
estimerons heureux si, à force de recherches et de patientes investigations, nous 
parvenons à jeter un seul rayon de lumière dans ce chaos. 

L'histoire véritable du Caucase ne commence en réalité qu'aux expéditions des 
Romains contre Mithridate, à cette époque de domination et de grandeur où Sylla, 
Pompée et Lucullus vinrent tour à tour mesurer leurs légions contre les souverains 
de Géorgie et d'Arménie, fidèles alliés du grand roi. 

Mais bien avant cette époque, les lévendes de la Transcaucasie nous montrent 
le pays de l’Ararat et du Caucase partagé entre deux puissances tantôt alliées, 
tantôt ennemies, unies le plus souvent par une certaine communauté de dynastie 
et de destinées, en butte constamment aux mêmes invasions, aux mêmes compéti- 
tions et disparaissant de l’histoire à peu près dans le même temps. 


Ces deux puissances sont la Géorgie et l'Arménie. Les annales de la première 


nous sont contées par Vakhtang V, roi du Kartvel de 1703 à 1721, celles de la 


seconde par Moyse de Khorène, historien arménien du cinquième siècle. 


Leur origine se perd dans la nuit des temps. Les écrivains des deux nations, 
recueillant les récits populaires de leur époque, récits tout empreints encore de 
l'influence chrétienne, essayèrent de rattacher cette origine aux données bibliques 
et faussèrent ainsi complètement le point de départ historique de l'Arménie et du 
Caucase. 

Quoi qu'il en soit, les deux fondateurs des premières dynasties, Karthlos et Haïk, 
qui nous paraissent être la personnification de chacun de ces peuples, et que la 


légende fait venir de Babylone, eurent d’abord à défendre leur territoire contre 


l’envahissement des As ens. Leurs successeurs durent continuer cette lutte où, 


naturellement, on fait intervenir l’inévitable Sémiramis, à laquelle on attribue la 
construction de la citadelle de Van, en pleine Arménie. Toute cette période est fort 
obscure et ce que l’on en sait de plus certain, c’est que l'Arménie resta, jusqu’à la 
chute de sa première dynastie, vassale de l'empire assyrien. Il ne paraît pas 
douteux que la Géorgie ait partagé, dans sa partie méridionale du moins, le sort de 
sa voisine du sud. Le roi Baroïr, trente-sixième successeur d’Haïk, contribua, en 


CGauc. I. 2 


MSA ET 


PES 


| 
| 
| 


18 INTRODUCTION 
565 avant Jésus-Christ, à renverser Sardanapale et réussit à rendre à son pays une 
certaine indépendance. Plus tard, Tigrane, un de ses descendants, fit alliance avec 
Cyrus pour chasser Astyage du trône d’Assyrie. 

Enfin, la dynastie de Haïk, détruite par les généraux d'Alexandre, dut céder le 
pouvoir aux Séleucides, rois de Syrie, tandis qu'au nord la Géorgie tombait en 
partage au Macédonien Ason, qui exaspéra les Kartveliens par sa tyrannie et fut 
détrôné par Pharnavaz, héros national dont la légende fait un descendant collatéral 
de Karthlos. 

C’est alors seulement que les deux nations transcaucasiennes commencent à 
posséder chacune une histoire propre. 


Nous les séparerons donc, dès à présent. 


En Géorgie, Pharnavaz, par des alliances habiles, sut réunir sous sa direction 
suprême la Colchide, l'Ossèthie et le Kartvel proprement dit. La partie occidentale 
du bassin du Rion resta seule aux Grecs, qui aeceptèrent cependant sa suzeraineté. 

Le royaume de Géorgie était fait; il ne, devait pas durer longtemps. Après avoir 
vu à sa tête deux princes persans et le dernier détrôné, il se donna à un Arsacide 
d'Arménie, fils d’Ardachès Le", prit, avec l’État du sud, parti pour Mithridate et 
se vit confondu dans sa ruine. 

Dès lors, la Colchide fut de nouveau séparée de la Géorgie et devint province 
romaine sous le nom de « Lazique ». Sa soumission à l'empire, toute nominale, 
mentraînait aucun tribut; elle était marquée seulement par la confirmation que 
donnèrent, plus tard, les empereurs d'Orient au roi que les Colches et les Lazes 
s’étaient choisi. 

Pendant les cinq premiers siècles de notre ère la Lazique suivra toutes les 
vicissitudes de l'empire et subira sans relâche l'influence romaine, puis grecque, 
puis byzantine. Le fait principal de cette époque fat l'introduction précoce du chris- 
tianisme, lequel ne pénétrera que deux siècles plus tard dans les États voisins, à 


l’est. 


INTRODUCTION 19 

La Géorgie, au contraire, divisée, humiliée, après le rapide passage au trône 
d’une nouvelle branche Arsacide, après une lutte inepte contre l'Arménie, après 
avoir vu l’empereur Trajan l’ériger en province romaine, se donnera aux Sas- 
sanides de Perse et, par un singulier contraste, au moment de tomber sous le 
joug du grand empire mazdéen, la Géorgie se fera chrétienne, comme l'Arménie, 
au-troisième siècle. 

La domination persane, qu’elle avait appelée de ses vœux, lui fut bientôt 


intolérable. Les sectateurs de Zoroastre essayèrent de lui imposer de nouveau leur 


culte pur et leur morale. Des persécutions s’ensuivirent, D'autre part, l'ambition des 
Sassanides s’accrut avec leur influence, et bientôt les empires rec et persan 
se heurtèrent de front. 

Le théâtre principal de la lutte fut le bassin du Rion ; mais toute la Transcaucasie 
fut ravagée à souhait par les deux adversaires et, les Persans étant battus, les 
choses restèrent à peu près en leur état primitif, c’est-à-dire la Colchide, l'Abkhasie, 


la Gourie et le Lazistan aux Grecs, et le bassin de la Koura, pour quelque temps 


encore, sous le pouvoir indirect des rois perses. 
Vers la fin du sixième siècle, alors que l'influence erecque commençait à devenir 


prépondérante en Géorgie, se place la scission religieuse des deux Églises armé- 


nienne et géorgienne, celle-ci acceptant le rit formulé par le concile de Chalcédoine, 
l’autre le rejetant et se rattachant aux sectes monophysistes, dont le philosophe 
Eutychès avait été l’inspirateur. 

C’est vers le même temps que l’on vit pour la première fois, sur les marches du 
trône géorgien, un membre de la famille des Bagratides, qui exerça plus tard son 
autorité sur l'Arménie et le Caucase. 

Enfin, vers le milieu du septième siècle, les Arabes, vainqueurs des Persans, 
commencèrent à prêcher, par le fer et le feu, leur nouvelle doctrine, l'Islam. Deux 


cents ans se passèrent, pendant lesquels l’histoire de la Géorgie ne fut qu'un tissu 


de calamités et qui furent marqués, vers 743, par l’avènement définitif des 


Bagratides. 


20) INTRODUCTION 
La Colchideetl’Abkhasie avaient continué à vivre sous la domination de l'empire 


d'Orient. Au commencement du dixième siècle, elles furent réunies à la Géorgie 


sous l'autorité de Bagrat II, souche des souverains du royaume restauré. 


L'avènement de cette dynastie fut marqué par des rébellions intérieures, des 
dissensions et une révolte ouverte contre l'empire, révolte qui amena plusieurs 
expéditions grecques. D'un autre côté, des bandes des Tures Seldjoukides vinrent 
joindre leurs déprédations à celles des soldats impériaux, et s’établirent, à l'aurore 
du onzième siècle, sur les rives de la Koura, de l'Alazan et de la Yora. 

Malgré ces ravages, cette époque vit renaître en Géorgie une certaine prospérité. 
La langue nationale se fixa et la littérature prit un brillant essor. C'était l’aurore 
de cette période d'indépendance et de grandeur que devaient illustrer les règnes 
olorieux de David IT, David I, Georges IT, Tamara, Georges IV et Roussoudan, 
et qui fut close d’une façon assez triste par le partage du royaume et les suites 
désastreuses qu'il entraina. 

Cette phase de l'histoire géorgienne, qui s'étend entre le dixième et le 
treizième siècles, est dominée par un grand nom, qui en résume toutes les oloires 
et toute l’heureuse fécondité; c’est celui de la reine Tamara. 

Héritière du trône vers 1180, elle l'occupa jusqu'en 1206 et sut faire respecter 
son autorité par tous les peuples du Caucase dont la plupart, sous son règne, 
embrassèrent le christianisme. 

Grande, éclairée, courageuse, elle plaça son pays à la tête des nations de l'Asie 
occidentale et, par la crainte qu'elle sut inspirer, elle éloïgna constamment les 
invasions, et fit goûter à son peuple trente années de bonheur et de sécurité. 

Jamais reine n’en fut mieux récompensée et nul peuple ne poussa plus loin le 
fanatisme d’un grand nom. Tamara est vénérée au Caucase, autant que la Vierge 
Marie. Il n’est pas de monument un peu antique qu'on ne lui attribue, pas de 
sage réforme qui n'ait pris date de son rèone, pas de glorieuse expédition qui 
n'en ait rehaussé l'éclat, 


Cest sur ce nom béni que les Géorgiens aiment à reporter encore leurs pensées 


INTRODUGTION 21 
et c’est en le prononçant qu'ils évoquent le souvenir de cette grande époque où 
tomba de leur front le joug de l'Empire d'Orient, où naquit leur littérature 
et dont la fin marqua pour toujours le terme de leur liberté et de leur existence 
nationale. 

Après cet instant d'activité et de vie exubérante, la Géorgie maintint pendant 
deux siècles encore son importance et l’on vit passer sur le trône des souverains non 
sans grandeur, Georges IV, la reine Roussoudan, ete. 

Mais la vigoureuse impulsion du douzième siècle alla s’affaiblissant de jour en 
jour et les peuples divers que Tamara avait su réunir sous sa puissante main cher- 
chèrent peu à peu à reprendre chacun leur antique existence, indépendante et sans 
lien commun. l'invasion soudaine des hordes de Tamerlan vint mettre le comble 
à ces divisions en livrant toute la contrée à une dévastation sans précédent. 

Du treizième au quinzième siècle ,deux souverains, Georges VIT et Alexandre I* 


tentèrent encore, mais en vain, de relever ce malheureux pays. Le dernier comprit 


bien qu'un royaume caucasien était désormais impossible et, après avoir partagé co 
qui en restait entre ses héritiers, il se retira dans un monastère et y mourut, 
en 1442. 

Désorganisée pour toujours par ce démembrement aussi funeste qu’inévitable, la 


Géorgie, livrée sans merci aux appétits de ses grands seigneurs, vit renaître chez 


elle, plus avilissant que jamais, cet odieux régime féodal qui se chargea de lui imposer 
l'apprentissage de la servitude. Elle ne fut plus désormais qu’une pomme de discorde, 
un jouet, entre la Perse et la Porte Ottomane. Vassale de cette dernière, elle dut 


voir sans rougir ses princes minoréliens, imérétiens et lazes acquitter chaque 


année l’infâme tribut d’un «lot » de jeunes filles et de jeunes garcons. 


Le sort de l'Arménie fut peu différent, et, à part cette contribution immorale, 
presque aussi malheureux que celui de sa sœur caucasienne. 


Nous reprenons ici l'histoire de cette nation où nous l’avons quittée, c’est-à- 


dire à l'invasion macédonienne et à la ruine de sa première dynastie. La domination 


2 INTRODUCTION 


des rois de Syrie ne fut pas de longue durée, et Antiochus-le-Grand, vaincu par 


les Romains, ne put réduire les Arméniens à l’obéissance. Un certain Artaxias, qui 
était l’instigateur de leur révolte, prit la couronne, mais il en fut bientôt dépossédé. 

L’an 149 avant Jésus-Christ, les Arsacides conquirent l'Arménie. Après une 
ère de prospérité et de conquêtes, après avoir étendu leur domination en Asie- 
Mineure, en Lazistan, et, comme nous l'avons vu, jusqu’au Caucase, ils se brisèrent 
contre les Romains en soutenant la cause de Mithridate. Sans indépendance et 
sans fierté, ils furent trop heureux de tenir le pouvoir des mains de leurs 
vainqueurs ou des princes persans, qui ravagèrent tour à tour leur patrie. 

Entre les troisième et quatrième siècles se place une lutte mémorable dont 
le théâtre principal fut la Perse, mais qui eut son contre-coup en Arménie où 
elle eut pour résultats la conversion au christianisme et le démembrement du 
royaume. 

Pendant la domination arsacide, l'antique culte mazdéen avait été fort altéré au 
contact de la mythologie orecque et des doctrines araméennes ; mais le culte bâtard 
qu'avaient enfanté ces mélanges, comptait en Perse et en Arménie de nombreux 


adversaires. Ceux-ci parlaient sans cesse de revenir à la morale élevée, à la religion 


pure de Zoroastre pour résister à l'influence croissante du chris 


ianisme. 

Une vieille famille parthe, qui prétendait se rattacher aux anciennes dynasties 
nationales, se mit à la tête de ce mouvement. C’est du sein de cette famille que 
sortirent les Sassanides. Le premier souverain de cette dynastie, Ardachès, trouva 
un redoutable compétiteur en Khosrov, roi d'Arménie, qui, aidé des Romains, 


lui résista désespérément. Ardachès mit sa tête à prix et le fit assassiner par un de 


ses parents, Arnag. Ce forfait accompli, il s'empara du trône de sa victime et 
l’occupa vingt-six ans. 

Après sa mort, son fils ne put s’y maintenir et en fut chassé par Tiridate, 
échappé, ainsi que Grégoire, le futur Z/wminatewr, au massacre de la famille 
d'Arnag, ordonné par Khosrov à son dernier soupir. 


Ce fut sous le règne de Tiridate, persécuteur acharné des Mazdéens, que le 


INTRODUCTION 25 


goire, frère du roi. D’abord hostile au 


christianisme fut prêché en Arménie par Gré 
nouveau culte, celui-ci l’embrassa bientôt et en poursuivit la propagation avec une 
sorte de fureur. 

Cette période si agitée ne fut pourtant point dénuée de prospérité et de gloire. 
Tiridate, énergique et puissant, sut faire respecter l'indépendance de son pays, et son 
rèone de cinmquante-six ans, qui prit fin en 314, malgré les troubles et les persécu- 
tions qui l’attristèrent, fut une des époques les plus heureuses qu’ait traversées 
l'Arménie. Ses successeurs, faibles et incapables, ne purent contenirle flot montant 
des colères qu'avait soulevées l'introduction violente d’une nouvelle religion. Les 
Sassanides, profitant de ce mouvement, suscitèrent à leurs voisins des embarras 
sans nombre et jetèrent sur le territoire arménien, à plusieurs reprises, les 
peuplades inoccupées du Caucase septentrional, Massagètes et autres, ainsi que les 
rois Arsacides de Géorgie, restés fidèles à l’ancienne foi. Khosrov, fils de Tiridade, 
appela les Romains à son secours et soutint avec eux contre ses ennemis une lutte 
victorieuse, après laquelle, toutefois, craignant pour son repos, il se reconnut 
vassal des Sassanides. Dès lors, l'autorité royale alla s’affaiblissant de plus en plus, 
et, peu à peu, les patriarches, profitant de cette décadence, agrandirent leur 


pouvoir et leur rôle et devinrent bientôt l’axe naturel du peuple arménien. 


Ce sont les patriarches que l’on verrä, sous peu, prendre la direction des affaires, 


porter la parole au nom de leurs coreligionnaires, et, plus tard, lorsque leur patrie 


morte aura été foulée depuis des siècles par le talon des oppresseurs de toutes 


vil: 


races, revendiquer encore, à la face des pays s, les droits de leur nation à 
l’autonomie ! 

Cependant, cet ascendant des patriarches, tout spirituel, ne pouvait arracher 
l'Arménie au sort qui l’attendait. Balancée entre l'alliance des Grecs et de la 


Perse, elle devint en grande partie dépendante de cette dernière et fut gouvernée, 


jusqu’à la chute des Sassanides, par des Harzbans, entièrement à la discrétion du 


pouvoir qui les nommait. Il y eut des alternatives de tolérance et de persécution, 


24 INTRODUCTION 

de paix et de guerre, d'intervention brutale et de liberté relative. Mais ce royaume, 
tout montagneux qu'il fût, était une trop riche proie pour ne pas exciter toutes les 
convoitises, et trop faible, trop divisé pour s’en garantir. Lorsque la lutte qui 
s'engagea, pour la possession de l’isthme ponto-caspien, entre les deux empires 
byzantin et persan, fut terminée, de nouveaux envahisseurs vinrent achever de 
ruiner l'Arménie, mais, en même temps réveiller pour deux ou trois siècles son 
ardeur nationale. 

C'étaient les Arabes, qui venaient la dévaster, au nom du Koran, comme 
l'avaient fait les chrétiens au nom de l'Évangile. 

Mais ce peuple, qui avait souffert, presque sans murmurer, la tyrannie des 
Sassanides, qui avait vu sans regret les Grecs lui imposer leurs volontés à diffé- 
rentes reprises, ce peuple qui avait accepté sans colère la perte de sa liberté se 
leva tout entier pour conserver sa foi, désormais le seul lien qui lui assurât une 
existence propre. 

La famille des Pagratides, que Moyse de Khorène croit d’origine sémitique, prit 
alors la direction des affaires et, à force de diplomatie, sut se concilier la faveur 
simultanée des Grecs et des Arabes, et parvint à éviter à son pays bien des désastres 
et peut-être une imminente destruction. L'un de ses membres obtint même, en 885, 
le titre de roi d'Arménie, sous la protection des khalifes et fonda cette dynastie qui, 


maloré son or 


sine étrangère, fut la plus arménienne qui ait jamais régi la destinée 
du peuple d’Haïk . 

Elle tomba, en 4079. détruite par les Grecs et par ses dissensions intérieures, 
après avoir rendu au royaume un peu de son antique prospérité. 

Vers la fin de sa domination, les Turks Seldjoukides avaient envahi son terri- 
toire et, après une lutte acharnée contre les Grecs, réussi à s'établir, comme 
nous l'avons vu, dans le nord de l'Arménie et sur les rives de la Koura, en Géorgie. 

La chute des Bagratides marqua la fin de l'indépendance nationale arménienne. 


En vain accepta-t-elle volontairement la suzeraineté des Mongols, qui l’avaient 


envahie et horriblement dévastée vers le milieu du treizième sièele; en vain s’allia- 


INTRODUCTION 25 
t-elle avec les Croisés et put-elle étendre encore, par ce moyen, son influence 
sur les côtes de la Cilicie et de la Syrie septentrionale jusqu’à Antioche; en vain le 
groupe de familles arméniennes émigrées de la mère patrie dans les montagnes de 
la Cilicie parvint-il à se constituer, sous l’autorité d’un parent de la dynastie 
morte, en royaume indépendant et à chasser les Grecs de toutes ses possessions ; 
le rôle de l'Arménie était terminé. Les coups des Mameluks, des Mongols et des 
Perses eurent bientôt raison de cet empire agonisant. Les envahisseurs se le 
partagèrent et les Arméniens ne furent plus désormais qu'un grand peuple sans 
territoire, dispersé comme la nation juive, et uni seulement, comme elle, par une 


même foi, un même langage et les mêmes olorieux souvenirs ! 


Tandis que ces événements se succédaient sur le versant méridional du Caucase 
et en Arménie, grandissait, au nord, par delà les steppes de Mozdok et de 
Stavropol, un État qui devait, un jour, balancer toutes les influences et, finalement, 
les anéantir. 

Établis depuis le dixième siècle dans la presqu'ile de Taman, avec l’aide de 
Basile IL, les Russes s’approchaient peu à peu de la grande chaîne et voyaient 
grandir rapidement leur empire. 

Ils avaient eu à lutter tout d’abord contre les débris des États éphémères que les 
envahisseurs asiatiques avaient laissés tour à tour derrière eux. L'immense plaine 
qui s'étend, au nord de la dépression du Manych, depuis la Caspienne jusqu’au Pont- 
Buxin, a été, en effet, le lieu constant du passage de toutes les hordes qui, sorties 
de la grande officine ethnogénique à laquelle on a appliqué le nom fort vague de 
Touran, se sont répandues successivement sur l’Europe. Là passèrent et s’établi- 
rent, après les innombrables peuplades dites scythiques : 


Les ALAINS 


avec lesquels Klaproth et quelques autres auteurs ont voulu iden- 
tifier les Ossèthes actuels — et que l’on voit s’établir au nord du Caucase vers le 


milieu du premier siècle de notre ère, pour être dispersés, presque anéantis, par 


Gauc. 4 


26 INTRODUCTION 
l’avalanche hunnique du quatrième siècle. On les voit cependant reparaître à diverses 
reprises sur la scène de l’histoire, notamment lors des invasions arabes au dixième 
siècle et de celle de Tchinghiz-khan au treizième. 

Les Huxs, rapide et sanglant météore, qui passèrent comme une tempête sur 
l’Europe épouvantée, portèrent leurs ravages, à travers le Caucase central, jusqu’en 


Arménie, puis disparurent presque tout à coup pour faire place à d’autres peuples 


probablement de même origine. C’est ainsi que nous voyons le Volea traversé succes- 
sivement par les Burcares, les Sagrrs, les Avans et les Kaazares, tous Huns, tous 
finnois sans doute, puis par les Turks qui vinrent, au onzième siècle, s'établir et 
régner en maîtres sur les ruines de leur empire. 

Les KnazaRes surtout, « par l'étendue et la durée de leur domination, par leurs 


rapports avec les États contemporains, par les circonstances mêmes de leur propre 


développement historique et les longs souvenirs qu'ils ont laissés après eux, les 
Khazares eurent dans l’histoire un rôle beaucoup plus considérable qu'aucune des 
hordes qui les avaient précédés dans les steppes sarmatiques ou qui les y ont 
suivis antérieurement aux Mongols de Tchinghiz-khan ?. » 

Nous ne tenterons pas de retracer ici l’étendue de ce rôle, même sommairement. 
Nous nous contenterons, dans cet abrégé rapide de l’histoire de la Russie méridionale, 
de jeter un coup d’œil sur les destinées dernières des Khazares et sur la chute de leur 
empire. Leur sort fut, en grand, celui qu'ils avaient infligé à leurs prédécesseurs les 
Avars. Amollis par une vie sédentaire et un certain degré de civilisation, ils ne purent 
résister au flot des populations turques qui les pressait à l'Orient, tandis que la 
monarchie russe, fondée parles Varèenes leur enlevait la domination des tribus slaves 
du Dnieper et du Don et s’établissait en 965, comme nous l'avons dit, dans la 
presqu'île de Taman. 


Les Mongols qui vinrent, à la suite de Tchinghiz-khan, achever leur ruine 
Le) te , 


SAINT-MARTIN, Étude de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique. Paris, Arthus 
EU p. 97 


4 VIVIEN DE 
Bertrand, 18 


INTRODUCTION 2 
séparèrent en même temps de nouveau les Russes du Caucase ; Ceux-ci n’eurent, du 
reste, avant les temps modernes que de rares rapports avec les habitants de la chaîne 
soumis nominalement les uns à la Perse (Lesghiens, Avars), les autres à la Turquie 
(Tcherkesses, Abkhases) ; ces montagnards ne furent longtemps connus des tribus 
de la plaine que par leurs incursions périodiques et leurs déprédations dans les vallées 
du Kouban et de la Kouma. Quelques alliances furent bien conclues avec certaines 
tribus par le gouvernement russe ; mais elles n’eurent guère d’autres résultats que 
les représailles de la Perse pour le Chirvan et le Daghestan, de la Turquie pour 


V’Abkhasie et la Tcherkeska. 


Il fulait Pierre-le-Grand pour concevoir tout le parti que pouvait tirer la Russie 
de la possession du Caucase. 

L'homme de génie qui ouvrait à son pays «une fenêtre sur l’Europe » en 
lui donnant l’empire de la Baltique, devait fixer ses regards sur le Caucase, 
qui devait être pour lui « une porte » ouverte sur l’Asie-Mineure, l'Asie centrale et 


l’Indoustan. Ce rêve était fait pour tenter l’activité prodigieuse du réformateur, 


et, lorsqu'en 1712 Schah Houssein, l’avant-dernier des sofis, lui demanda l’a )pui 
de ses armes contre les Afohans, il eut bientôt pris un parti. 


Aiguillonné par la crainte d’une intervention ottomane, il jeta résolûment une 


armée de trente mille hommes dans le Daghestan oriental, prit Derbent et Bakou, 
les fit occuper, et revint sur ses pas, à Astrakhan. La mort le surprit dans 
laccomplissement de cette tâche colossale. Mais le sillon était ouvert et <es 
successeurs n'avaient qu'à marcher sur ses traces et à exécuter relicieusement son 


fameux testament politique. 


Pour réaliser les plans de Pierre-le-Grand, il fallait combattre tour à tour la 
Turquie et la Perse, affranchir de la domination de ces deux empires les chefs 
transcaucasiens qui, harcelés par leurs anciens maîtres, ne pouvaient tarder à se 
jeter, par désespoir, dans les bras de la Russie. 

Ce fut la première phase de la conquête, et la moins sanglante 


Cependant, l’action vigoureuse du tzar s’éteignit après Ini, et limpératrice Anne 


25 INTRODUCTION 


Ivanovua abandonna ses acquisitions pour en revenir à l’ancienne ligne de villa 
fortifiés peuplés de Cosaques (stanitzas) le long du Térek inférieur. Sous son règne, 
pourtant, en 1739, les deux Kabardas étaient déclarées indépendantes, c’était un 


premier pas. 


Catherine II reprit, dès son avènement, les projets de son illustre prédécesseur. 
Tout en prolongeant vers l’ouest la ligne des stanitzas depuis Mozdok, du Térek 
à la Malka, elle sut se concilier les deux princes souverains de Plmérie et 
de la Géorgie, Salomon Let Héraclius II. Elle les poussa à une révolte 
ouverte contre la Porte Ottomane, leur envoya une armée de trente mille 
hommes, et bien que cette armée, après avoir pris Koutaïs et échoué devant 
Poti, eût été forcée de battre en retraite, cette première campagne n’en eut pas 
moins une influence décisive sur les événements qui suivirent, En 1774, un 


traité donne à la Russie la souveraineté des deux Kabardas; l'indépendance du 


district du Kouban, de la Petite-Tatarie, de l’fmérie et de la Géorgie est 
reconnue. Catherine ne demandait pas autre chose. La Crimée, la Petite-Tatarie 
et le Kouban devinrent bientôt provinces russes et Héraclius, en 1783, se 
reconnut le vassal de sa puissante protectrice. 

Ce mépris des traités amena une nouvelle guerre terminée par un nouveau 
contrat, qui donnait à la Russie tout ce qu’elle avait pris. Cette guerre fut marquée 


par la prise de Soudjouk-Kaleh et d’Anapa, forteresse construite par les Turks, 


en 1784, sur le littoral de la mer Noire, dans le but de se garantir des empiètements 
moscovites. 

La Perse alors entra en lice. La défection d'Héraclius y avait passé, tout 
d’abord, presque inaperçue. Cependant, en 1796, les successeurs de Nadir Schah 
songèrent à en tirer vengeance. L’un d'eux, Aga Mohammed, se jeta en Géorgie, 
la ravagea, chassa Téraclius et fut assassiné au moment où l’impératrice, 
mourante aussi, envoyait une armée contre lui. Paul l‘rappela l’armée, mais 
acquit définitivement la Géorgie, que Georges XIII, fils d’Héraclius, incapable de 


la défendre contre les Turks, les Le 


ghiens et même contre sa propre famille, lui 


INTRODUCTION 29 
céda en 1799 par un acte solennel, qui fut confirmé, en 1801, par un manifeste 
impérial. 


De 1800 à 1829, la guerre ou les promesses acquirent successivement à la Russie 


la soumission de l’Imérie, de la Mingrélie, de la Gourie, tandis que l’Araxe, au 
sud-est, séparait de la Perse ses possessions transcaucasiennes. 

Mais tandis que l’antique Géorgie et l’antique Colchide, ouvertes l’une par le 
Darial et Derbend, l’autre par le bassin du Rion, déchirées par les divisions, par la 
tyranniedes seigneurs, par les exactions des Turks et des Persans, acceptaient presque 


sans résistance la domination des Slaves chrétiens, le Haut-Kouban, lAbkhasie et 


le Daghestan, montueux, inaccessibles, soutenaient contre l’envahisseur une lutte 
terrible, acharnée, sans merci. Cette lutte présente, suivant que l'on considère les 


diverses régions où elle éclata, des aspects bien différents. 


Du côté de la mer Noire, chez les Tcherkesses et les Abkhases, elle fut surtout 
patriotique et se fit par la seule haine qu’inspirait à ces peuples libres et énergiques 
la perspective d’une autocratie militaire plus insupportable encore que le joug otto- 


man. Dans le D: 


hestan, au contraire, elle offre un caractère nettement religieux et 


nous apparaît, dirigée par les prophètes musulmans, avec une unité admirable et 


une persévérance que n’abattirent point les plus éclatants revers. 
Le précurseur de ces Murides, qui devaient si longtemps tenir en échec les armées 
russes, avait été le cheik Mansour. En 1790, il avait essayé de soulever les Tcher- 


kesses et prêché la guerre sainte dans le bassin du Kouban. Mais ses prédications 


n’avaient eu que peu d'influence sur ces musulmans de la veille, que l’amour de la 
liberté devait émouvoir si fortement quelques années plus tard. 

Mal secondé, le cheik Mansour avait été fait prisonnier au siège d’Anapa et les 
Russes l’avaient envoyé, derrière les murs de Schlussebourg, expier sa tentative 
d’insurrection. Ce ne fut que trente ans plus tard que Kasi- Moullah, son premier 


sSucCC 


seur, commença à prêcher la résistance à l'étranger et à réunir sous son auto- 
rité toutes les forces vives du Daghestan. 


Jeté une première fois au milieu de ces luttes ardentes, en 1820, il avait échoué 


 
| 
| 


30 INTRODUCTION 
devant l’opposition du prince des Avars, et s'était retiré momentanément de la 
scène. 

Mais il n’avait point cessé d’exciter ses compatriotes et de préparer, par tous 
les moyens, la guerre sainte. Espérant que la Perse pourrait venir à son aide, il 
hâta dans ses montagnes, la réconciliation des deux grandes sectes de l'Islam, 
sunnites et chiites. La Perse fut vaincue, et Abbas Mirza, fils aîné du schah, sur 
qui le prêtre avait compté, dut se tenir tranquille et signer le traité de Tourment- 
chaï. Mais le muridisme (c’est ainsi qu'on appela cette réconciliation), fruit 


des prédications enflammées de Kasi-Moullah et de ses disciples, avait rapidement 


gagné la plupart des tribus et les avait ralliées presque toutes autour du premier 
de ses chefs. 

Sa cruauté, son épouvantable tyrannie, les ravages affreux qu'il exerça sur le 
territoire des naïbs qui refusaient de s’allier à lui, son activité merveilleuse, ne 
purent empêcher Kasi d’être vaincu partout. Malgré la sauvage énergie qu'il déploya 
dans cette campagne, toutes ses entreprises échouèrent. Les Ingouches et les 
Ossèthes avaient livré aux Russes les passages centraux du Caucase. Impuissant à 
se rendre maitre de Derbent et de Kizlar qui commandaient, dans le Daghestan 
oriental, les bords de la mer Caspienne, il fut acculé par le général Villiaminoff 
dans Ghimri, s’y défendit comme un lion, réussit à s’en échapper, mais tomba au 


acré, à la tête 


milieu des Russes du baron Rosen et, refusant de se rendre, fut ma 
de ses compagnons dont la plupart périrent avec lui. 
Pendant que le prophète était cerné, un de ses plus brillants disciples, le jeune 


Chamyl, parvint à s’enfuir. Son évasion passa pour un miracle et l’entoura d’un 


prestige sans égal. Il prit en main la direction de la guerre sainte et devint, en 
Tchetchena et dans PAvarie, l'âme du mouvement insurrectionnel. Il parvint, en 
1844, à tirer les Lesghiens de Papathie qu'ils avaient montrée lors des premières 
entreprises. de Kasi-Moullah. Depuis 1836, il guerroyait contre les Russes, agran- 
dissant son influence, vaincu le plus souvent, mais toujours confiant et agile, 


réparant par son audace et sa célérité tous les échecs qu’il subissait. 


INTRODUCTION 31 


En 1843, Chamyl résolut de porter la lutte jusque dans les Kabardas. Mais là, 


sa prédication n'eut qu'un médiocre succès. Depuis un demi-siècle les Kabardiens 
avaient courbé la tête et il eût fallu autre chose que le fanatisme et la perspective 
désespérante de dangers sans fin pour la leur faire relever. 

Cependant, les tribus Adighès, contre l'attente des Russes, présentaient à leurs 
armes une courageuse résistance. En vain les Cosaques, rompus depuis longtemps 
à cette guerre d’escarmouches, mieux armés, avec plus d'expérience, poussèrent-ils 
des reconnaissances jusqu'à Pchad et Soudjouk-Kaleh. 


Fanatisés par les Murides, ces montagnards, Chapsoughs et Oubikhs, faisaient 


échouer toutes les entreprises de leurs adversaires. Le premier de leurs chefs 
Hadja-Moullah, le véritable successeur tcherkesse du cheik Mansour, s’unit 
avec Chamyl au moment même où ce dernier cherchait en vain à soulever les 
Kabardiens. 

La lutte dura, sans interruption, jusqu'à la guerre d'Orient de 1855 et se 
ermina par sa seule issue possible, la défaite des Caucasiens. 

À Pouest, les Tcherkesses, mal soutenus, méprisant le gouvernement turk 
presque autant qu'ils haïssaient les Slaves, durent mettre bas les armes, et, maleré 
es espérances qu'avaient fait naitre en eux les promesses de l'Angleterre, ils furen 
déportés, impitoyablement, au nombre de plus de trois cent mille. 

À l’est, Chamyl, dont le prestige avait rapidement décru,abandonné par Danie 


3ey, sultan d’Elissorie, son plus puissant auxiliaire, sentant se refroidir le zèle de 


ses partisans, alla s’enfermer dans Gounib, où les Russes le cernèrent, et, lorsqu'il vi 


que rien qne pouvait le sauver, entouré seulement de quatre cents compagnons, il se 


remit à la magnanimité du prince Bariatinski, qui l’as 
On l’envoya terminer en Russie sa brillante carrière, tandis que l’on mon- 
trait à ses guerriers, Lesghiens et Tchetchènes, le chemin de l’exil. 


Aujourd’hui, la lutte est finie; maiselle est encore trop près de nous pour que nous 


puissions la juger avec toute l’impartialité désirable. Elle n’e du reste, qu’un 


épisode, héroïque à la vérité, du combat que soutient l'Europe, bouillonnante et trop 


32 INTRODUCTION 
à l'étroit, contre l’Orient immuable et vieilli. Envisagés de cette hauteur, les crimes 
odieux, les massacres inutiles, les déportations en masse et autres procédés de 
« colonisation » se confondent et disparaissent. Ce sont des maux inséparables de 
l’universelle concurrence vitale. Il appartient à la civilisation d’en atténuer les 
effets, au sage d’en plaindre les victimes, à la postérité de peser les excès commis et 


les bienfaits répandus. 


Nous avons fait passer sous les yeux du lecteur, dans les quelques pages qui pré- 
cèdent les traits généraux de la configuration, du peuplement, et de l'histoire du 
Caucase. Nous avons vu que cette dernière ne commence en réalité qu’au premier 
siècle avant notre ère etque, même à dater de cette époque, bien des faits, bien des 
circonstances d'organisation intérieure sont encore plongés dans l'obscurité la plus 
complète. 

Il nous reste donc, et c’est la le but de ce livre, à esquisser la préhis- 
toire de cette belle région. Nous prendrons l’homme à l’époque la plus reculée où 
Von y signale sa présence. Nous suivrons ses progrès à travers les âges de la 
pierre éclatée, taillée, polie, puis des métaux. Nous étudierons en détail tous les 


es de ces diverses périodes, en notant avec soin les rapports qu'ils peuvent 


présenter avec d’autres objets plus où moins synchroniques découverts dans des 
contrées différentes ou employés actuellement dans les mêmes lieux. 

Notre travail présentera, sans doute, quant aux temps les plus primitifs surtout, 
de nombreuses lacunes. Si l’on songe que les travaux relatifs à l'anthropologie et 
à l’archéologie du Caucase sont à peine commencés, on pourra s'étonner que nous 
ayons cru devoir dès maintenant réunir en un tout les faits encore peu nombreux 


recueillis dans cette région. 


INTRODUCTION 33 
Notre désir, en établissant cet ensemble, est d'indiquer l'importance et la diversité ‘ 


des problèmes qui s'imposent au naturaliste, au linguiste et à l’archéolooue à 


mesure que progressent les études scientifiques dans la région du Caucase. On ne | 
sait pas assez combien sont encore incomplètes nos connaissances anthropologiques à 


sur cet isthme montagneux où tant de populations sont venues chercher asile. | 


Aussi, nous croirions-nous suffisamment récompensés si cet ouvrage, en déroulan 
aux yeux la perspective d’un champ de recherches si vaste, si varié d’aspect et 
si plein de promesses réussissait, non seulement à stimuler l’activité des savants 
voués déjà à l’ethnographie caucasienne, mais encore à susciter de nouveaux 
investisateurs. L’attrait irrésistible de ce beau pays nous y rappellera probablement 
plus d’une fois encore. Heureux de contribuer par nos recherches spéciales à la 
connaissance de cette partie de l’Asie occidentale, nous ne négligerons aucune 
occasion de poursuivre la tâche que nous nous sommes tracée. 

Il n’est pas douteux que la grandeur de l’œuvre ne séduise également quelques 
persévérants chercheurs et que, dans un avenir prochain, l’on ne parvienne à 


répondre aux désiderata de la science. 


L’archéologie préhistorique caucasienne est toute entière à créer. Les dépôts 
tertiaires ainsi que les puissantes alluvions quaternaires ont été étudiés avec soin, 
mais ils n’ont pas encore livré des vestiges de l’époque paléolithique. 

Cette pénurie de documents va d’ailleurs s’atténuant à mesure que l’on approche 
des temps actuels. Les découvertes relatives à la période néolithique offrent déjà 
un caractère positif. Celles qui se rapportent aux métaux se multiplient même à tel 
point que l’on doit se tenir en garde contre certaines confusions et passer tous les 
objets de provenance caucasienne au crible d’une critique minutieuse et sévère. 

Pour les époques plus rapprochées des temps modernes et auxquelles on a donné 
le nom de protohistoriques, ce sont de vastes nécropoles qui fourniront des ren- 
seignements capables souvent de nous guider dans nos recherches. On se trouve 


déjà en présence d’un nombre relativement considérable de faits qui permettent 


Gauc. I. 5 


—__ A ds 


34 INTRODUCTION 
d’esquisser les principaux linéaments de la civilisation du Caucase depuis le premier 
âge du fer jusqu'aux époques scytho-byzantine et persane. 

Les documents historiques que nous fournit l'antiquité et quelques légendes 
locales nous aideront alors à comprendre l’origine de ses peuples et à déterminer 


leurs rapports avec les populations actuelles de cette vaste région. 


Nous étudierons successivement aux divers points de vue anthropologiques les 


populations anciennes et modernes du Caucase dans l’ordre chronologique suivant : 


1° Périone PRÉHISTORIQUE — Age de la pierre et Age du bronze. 


2° PÉRIODE PROTOHISTORIQUE — Premier Age du fer. 
3 PÉRIODE MODERNE — ÉÆypoques scytho-byzantine et persane — Moyen 


Age — Populations actuelles. 


MISSIONS SCIENTIFIQUES DANS L'ASIE OCCIDENTALE 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


DANS 


LE CAUCASE 


ÉDÉRIC BAYERN 


HR 


PÉRIODE PRÉ 


HISTORIQUE 


EPOQUE PALÉOLITHIQUE 


Sur quel point de la terre et à quelle époque ont apparu nos premiers ancêtres ? 


À ces questions qui ont tenté si souvent 
réponses ont été faites. 
Les uns, imbus des traditions bibliques, 


pentes méridionales du grand Caucase le 


déjà la sagacité des penseurs, bien des 


ont placé soit en Arménie, soit sur les 


berceau primitif de Phumanité. 


D’autres, comparant entre elles les légendes écrites de plusieurs peuples de l’an- 


cienne Asie, ont reporté vers l'Est, au célè 


Jersion des races supérieures. « Dans 
Ï 


èbre plateau de Pamir, ce centre de dis- 


oute l'Asie, écrit M. Renan, le plateau 


de Pamir est considéré comme le faîte, le dôme du monde (bami-dunia), le milieu 


entre le ciel et la terre. Les plus grands f 
quel il se rattache, et de vieilles traditions 


bleues-vertes dans lesquels M. de Humbo 


euves de l’Asie découlent du massif au- 
y placent des peuples blonds à prunelles 


dt voit des Ariens... Tout nous porte à 


placer l’Eden des Sémites au point de sé 


paration des eaux de l'Asie, à cet ombilic 


38 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

du monde que toutes les races semblent montrer du doigt comme le point où se 
rencontrent leurs plus anciens souvenirs... Les races mongoles rattachent aussi 
leurs origines au Thian-Chan et à l’Altaï, et si les races finnoises semblent plutôt 
désigner l’Oural, c’est sans doute parce que cette chaîne leur dérobe la vue d’un 
plan de montagnes plus reculé. ! » 

Il ne saurait être question, dans ces quelques lignes de lun des maîtres de la 
philologie moderne, d’autres choses que des origines historiques. Le problème des 
origines naturelles de l’homme reste donc tout entier jusqu'ici. Quelques natura- 
listes l’ont résolu en faveur des régions tropicales ou même d’un continent submergé 
aujourd'hui par l'Océan Indien. 

Là seulement, se seraient trouvées réunies les conditions d’existence néces- 
saires à nos ancêtres, incapables encore de se défendre contre les intempéries. C’est 
dans les pays situés au sud de l’Inde que vivent encore une partie des êtres qui se 
rapprochent le plus de nous par leur organisation... 

Mais à ce raisonnement s'opposent des faits irrécusables démontrant que le climat 


de l’Europe a été tropical durant la période tertiaire. Les transformations biologiques 


sous l'influence desquelles se serait produit l’être hypothétique que l’on assure avoir 


précédé l’homme ont done pu s'effectuer, à cette époque, aussi bien en Europe 
qu'en Asie. 

Les seules découvertes relatives à cette question ont été faites en France et en 
Portugal. Mais en admettant que l’anfrropopithèque — c’est le nom appliqué à notre 
ancêtre par M. Gabriel de Mortillet * — appartienne bien réellement à la faune 


tertiaire, on pourra en rencontrer également des traces dans la partie de l’ancien 
Ï 8 


continent que nous étudions. En effet, certains dépôts lacustres de la Transcaucasie 
renferment des flores et des faunes analogues à celles qui se sont développées dans 
l'Europe tertiaire. 

Si l'existence d’un être intermédiaire entre les singes anthropoïdes et l’homme est 


confirmée quelque part, les faits qui auront permis d'établir cette hypothèse devront 


1 Ernesr Renan. Origine du Langage, p. 228 et sq. 
? GABRIEL D 


Morniucer. Revue d'antropologie de Broca, 15 janvier 1879, p.117 — Le Précurseur de l'Homme, 
dans Comptes rendus de l'Association française pour l'avancement des sciences. Lyon, 1873, p. 607. — [Je 
Préhistorique. Bibliothèque des sciences contemporaines. In-89, Paris, Reinwald, 4882, 1'e édition, p. 114. 


ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 39 
se reproduire sur un grand nombre de points comme cela est arrivé pour les preuves 
scientifiques de l’existence d’un homme quaternaire si longtemps contestée. 

Jusqu'à présent aucune découverte relative à cet important problème n’a été faite 


dans cette contrée. Maintenant que l'attention est appelée sur ce sujet, on peut 


supposer que les investigateurs qui s’y succèdent en grand nombre depuis quelque 
temps parviendront à y découvrir des documents paléontologiques où même 


archéologiques propres à éclairer cette grave question. 


En ce qui concerne l’homme quaternaire, quelques recherches ont été entreprises. 


Mais, n'ayant pas été méthodiquement conduites, elles n’ont donné encore aucun 


résultat satisfaisant. Il ne faut point pourtant désespérer de trouver dans les 
alluvions des rivières du Caucase ou dans ses grottes des vestiges paléolithiques 
semblables à ceux que l’on a rencontrés dans d’autres pays. 


Partout en Europe, en Afrique et en Amérique on a trouvé des spécimens de l’in- 


dustrie de cette période pendant laquelle l’activité humaine s’est manifestée d’une 
façon si remarquable. 

I?Asie ne pouvait pas manquer d'en fournir des traces nombreuses : l'Inde 
l'Arabie, la Syrie et l'Egypte ont donné, en effet, de ces outils en pierre grossiè- 


rement taillés, caractéristiques de la civilisation la plus primitive. 


Dans le but de faciliter les études de ceux qui viendront après moi, il m’a paru 
utile de résumer en quelques pages l’état des connaissances acquises sur l’ori- 
gine, le développement et la distribution des terrains quaternaires du Caucase. 

L’isthme ponto-caspien qui, pendant la période tertiaire, avait été soumis à de 
puissantes oscillations, n’a pris son relief actuel que vers le début de la période 
quaternaire. 

Il semble démontré, en effet, par les beaux travaux de MM. Abich‘ et Ernest 
Favre”, que les grands cônes trachytiques constituant les cimes les plus élevées 


de la chaîne ne datent que de cette époque. 


1 ABicH. Prodrome de géologie du Caucase, Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 1858. 


? Favre. Recherches géologiques dans la partie centrale de la chaîne du Caucase. Genève, Georg, 1875. 


40 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Toutefois, cette activité volcanique paraît en partie antérieure à la période gla- 
ciaire, puisque les anciennes moraines renferment de nombreux blocs erratiques 
d’andésite, roche dont sont formés en partie l’Elbrous et le Kazbek. Des érosions 
ont permis de constater dans les vallées du Kouban, du Baksan, du Térek et 
ailleurs, comme en Arménie, des superpositions montrant des alluvions et des 
conglomérats soüs-jacents aux coulées trachytiques, lesquelles sont recouvertes sur 
bien des points par des dépôts plus ou moins morainiques. 

D’après M. Abich, un lac considérable aurait occupé la plaine du nord du Cau- 
case dans larégion de Vladikavkaz, recouverte actuellement parles alluvions du 
Térek et de ses affluents : l’Ardon, le Ghisel-don, le Génal-don, le Fiag-don, ete. 
M.Abich croit ce lac contemporain de la grande extension des glaciers et des grandes 
éruptions volcaniques. Ce savant géologue admet une lutte entre les éruptions et 
les amas de glace de la chaine centrale. L’un des résultats de cette lutte aurait élé 
de produire des débâcles considérables qui auraient transporté au loin les matériaux 
morainiques. 

Le transport des blocs erratiques que l’on voit dans la région de Nikolaïevsk peut 
s’expliquer aussi, d’après le même auteur, par des glaces flottantes. 

Aujourd’hui que lon a étudié et compris l’origine et la vie des glaciers, il n’est 


i 


ble d’accepter cette théorie. Au reste, comme le fait remarquer M. Favre, 


les éruptions volcaniques même considérables ne produiraient, au milieu des glaces, 
que des effets locaux et sans importance, témoin les alternances bien connues 
de laves et de dépôts morainiques à l’Etna et ceux peut-être plus anciens que j’ai 
pu observer entre Bayazid et Igdir, au pied ouest du mont Ararat. 

M. Favre signale, de plus, l'existence d’un groupe de blocs erratiques de trachyte, 
non loin de Smieiskaya, dans la gorge par où s’écoule le Térek. Or, pour qu'ils aient 
été déposés sur ce point par le glacier, il fallait que la vallée füt déjà ouverte, ce 


qui ne permettait pas aux eaux de constituer un lac. Il en résulte, ajoute M. Favre, 


que la grande extension des glaciers est postérieure à l’existence de ce lac 
ainsi qu'aux éruptions trachytiques, puisque les blocs de cette nature abondent dans 
les moraines. 

Il est donc hors de doute que la période quaternaire a été marquée au Caucase 


comme dans les Alpes par une très grande extension des glaciers. M. Abich, 


ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE at 
puis M. E. Favre et d’autres géologues ont reconnu des traces nombreuses et 
importantes de leur passage dans la plupart des vallées ponto-caspiennes. 

L'étude de cette intéressante question, qui, pendant de longues années, a été pour 
moi l’objet d’actives recherches dans le bassin du Rhône’, ne fut pas un des 
moindres attraits de mes deux voyages au Caucase et en Arménie. 

M. E. Favre a fait connaître les moraines des vallées du Baksan, du T' cheghem, 
du Teherek, de l’Ardon et du Térek sur le versant nord, ainsi que celles du centre de 
la chaîne et du versant méridional, où les glaciers ont eu une bien moins grande 
importance *. 


Au pied de l’Elbrouz et dans la haute vallée du Baksan, en amont d’Ourouspieff, 


une très belle moraine montre bien la puissance de ce glacier quaternaire réduit 


actuellement à des névés, encore considérables cependant, recouvrant les hauteurs 


Vallée 
Kazbek Da Lan Balta Viadikavkaz 
Rem ) h 
a î 
Faro À 


l 


Gurs du 
F1G. 1. — Coupe géologique suivant le cours du Térek 


D'APRÈS M. ERNEST FAŸRE 


a, alluvions et moraine: 


— te, ter 


minés. — j$, 


ssique supérieur, 


jt, terrain jurassique inférieur. — 


ch, schistes cristallins. nit. 


qui dominent cette vallée. Dans le bassin de l'Ardon, on observe le terrain erratique 
Jusqu'à 2865 mètres, au col de Khodvtsek. Les vallées de Tsea, de Koban et quel- 
ques autres, qui débouchent dans celle de l’Ardon, sont également remplies de 
matériaux erratiques et le sol des superbes forêts qui couvrent la région repose 
presque partout sur d'anciennes moraines. Le bassin du Térek est un des points du 
Caucase où l'extension glaciaire a laissé les traces les plus remarquables. Ce qui 


4 A. FaLsan CtE. CHANTRE. Monographie géologique des anciens glaciers de lu partie moyenne du bassin du 
2 


Rhône, 2 vol. in-8°, avec un atlas de G cartes. 
2E. Favre. — Loc. cit., p. 101. 


CAUC ue 6 


EE 


42 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

reste de glaciers sur les pentes du mont Kazbek et leur activité permet de conce- 
voir ce que devaient être ceux de l’époque quaternaire. Dans la vallée de Devdorok, 
les roches ont été moutonnées jusqu'à une grande hauteur, et j'ai rapporté de 
cette localité de très beaux échantillons de roches polies et rayées. On rencontre, 
sur la rive droite du Térek, de puissants amas de matériaux morainiques et dallu- 


vions formant des terrasses à trois niveaux différents. La terrasse inférieure, 


essentiellement composée aviers, atteint une épaisseur de près de 100 mètres. 


Les blocs erratiques sont fort nombreux à la jonction des vallées de Devdorok 
et du Térek; le plus remarquable, de nature granitique, git dans le lit du Térek, 
près de la station de Lars et porte le nom de Pierre de Yermolov ; il mesure 
5,655 mètres cubes. On trouve, à 200 mètres au-dessus de Lars, une moraine 
renfermant, surtout des matériaux trachytiques venus du Kazhek. Quant aux stries, 
on peut en observer jusqu'à 150 mètres au-dessus du fond de la vallée. 


À mesure que l’on s'éloigne du défilé du Darial et que l’on se rapproche de la 


S 


plaine, les blocs erratiques diminuent en nombre et les moraines, disparaissant au 


delà de Balta, sont remplacées par de puissants amas d’alluvions ou de moraines 
remaniées qui s’étalent dans le bas bassin du Térek jusqu'à Vladikavkaz où les 
locs erratiques sont fort nombreux; quelques-uns y atteignent encore 10 mètres 
cubes. 

Ces dépôts rappellent ceux que nous avons signalés en France sur le plateau 
bressan et dans la plaine d’Ambérieu, en face du défilé de Saint-Rambert en 
Bugey. 

Sur le versant méridional, c’est en Svanie que les dépôts glaciaires présentent 
e plus grand développement; mais les 


gr 


glaciers ne paraissent pas être descendus 


© 


bien bas de ce côté-là. Les vallées de lIngour et de la Tskenis-Tskali dont les 


auteurs possèdent encore des glaciers, sont couvertes de matériaux erratiques 


de nature surtout granitique. 


D’après M. Favre, les glaciers de la Svanie ont été une fois plus considérables 


qu'ils ne le sont aujourd’hui. 


Les terrains tertiaires 


dans lesquels le Ksan, la Lakhva, l’Aragva ét la Koura 


1 A, Fazsan et E, CHanTRE, loc, cit., p. 201 et suiv. 


ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 13 l 
ont creusé leur lit, sont recouverts partout, dans la partie supérieure du cours 
de ces rivières, de dépôts quaternaires d’origine très probablement glaciaire. Il en 
est de même de la vallée du Rion, avec ses terrasses d’alluvions, dépôts de sable et 
de cailloux aux environs d’Oni et près du confluent de la Djodjora avec ce fleuve. 
À Sakao se trouvent des blocs anguleux de roches cristallines provenant de la 
chaîne centrale et dont la nature erratique ne laisse aucun doute ; plus bas, à Ghebi, 


la moraine est superbe. 


D’après les observations des géologues qui ont parcouru le Caucase, observations 
que nous avons résumées dans les lignes qui précèdent, il est démontré que la distri- 
bution des glaciers a été très inégale sur les deux versants de cette chaîne. Ils ont 
oceupé sur le versant nord une surface beaucoup plus considérable que sur le ver- 
sant sud. Ils descendent écalement plus bas au nord qu'au sud. 

Les vallées du versant septentrional de la grande chaine ont dû en effet être 
envahies par les glaciers dès l’aurore dela période quaternaire, alors que des volcans 
multiples ébranlaient encore le sol, le recouvrant de matériaux ionés. 

Ces phénomènes géologiques ne devaient pas plus permettre aux animaux qu'aux 
populations primitives de s’établir dans ces régions qui, plus tard, sont devenues 
le refuge de tant de peuples différents. 


Cest donc dans les alluvions et dans les grottes des vallées de la partie méridio- 


nale du Caucase que l’on devrait découvrir des vestiges paléontologiques et anthro- 


pologiques de l’époque paléolithique, bien plutôt quedans celles de la chaîne centrale 
et dans celles du nord. 


Les quelques spécimens de la faune quaternaire que l’on possède au musée de 


Tiflis, les seuls, je crois, qui aient été découverts au Caucase, proviennent pourtant 
J 9 QI 

presque tous des dépôts de transport du versant septentrional. Ce sont d’abord deux 

molaires inférieures d'Æephas antiquus : Vune a été trouvée à Argo, en Daghestan, 


l’autre à Nourskodji sur le Terek, puis trois molaires d’Ælephas primigenius : Vune 


a été rapportée de Alkhan Jourkofki, en Daghestan, l’autre de Vedeno, également 
en Daghestan, et la troisième d’Abkhazie, non loin de la Mer Noire. 
Il convient d'ajouter à ces découvertes celles que signale M. Felitzine dans sa 


carte, encore inédite, des stations archéologiques de la province du Kouban. 


A4 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES, DANS LE CAUCASE 
l’une a été faite près du rivage septentrional de la presqu'ile de Taman ; deux 
autres sur la rivière Psekoups, affluent du Kouban, non loin de Saratovskaya ; 
une dernière enfin sur le Kouban lui-même, au nord-est d’Armavir. Le même 
document signale, de plus, entre Chapsough et Sadoyoï, une caverne à ossements 
sur laquelle, du reste, nous ne possédons aucun autre renseignement. 

Le versant méridional, au contraire, n’a fourni à la préhistoire du Caucase 
aucun document bien sérieux. Une seule grotte, incomplètement fouillée il y a peu 
de temps par un riche propriétaire de la région, le prince Mossa Chvili, a donné 
quelques vestiges humains pouvant appartenir à l’époque paléolithique, c’est la 
grotte de Rgani‘. 

Cette localité est située en aval de Satchéri, à 5 kilomètres environ de la rive 


droite de la Kvirila, sur un ruisseau qui baigne pour ainsi dire l'entrée de l’exca- 


vation où les recherches ont été effectuées. Une forte dalle brute en fermait 
l'ouverture, encombrée de stalagmites et d’éboulis. On pénètre dans cette grotte par 
un couloir voûté conservant, sur une longueur de 12 mètres, la largeur moyenne 
d'environ 0",72, puis élargi, s’infléchissant à droite et aboutissant à une première 
salle d'environ 2 mètres de côté sur une hauteur de 3 à 4 mètres. En face du 
couloir, la salle rétrécie, donne accès par une pente assez raide dans un second 
compartiment un peu plus grand que le premier; c'est là qu’eut lieu la décou- 


verte d’ossements non encore déterminés, mais parmi lesquels on a cru pouvoir: 


affirmer la présence de l’Ursus spelæus. 


D’après M. Bernatsky à qui l’on doit la connaissance de ce fait important, la 
faune de cette grotte ne doit pas se borner à cette seule espèce. Une étude plus 
complète des produits des premières fouilles, déjà fort considérables, permettra 
sans doute d’y trouver des débris de la plupart des autres vertébrés qui accompa- 
gnent ordinairement l’hôte des cavernes : hyène, cerf, renne, grand bœuf, rhino- 
céros, éléphant, cheval, etc. 

Il n’y à pas de raison, en effet, pour qu'une faune quaternaire analogue à celle 


de toute l’Europe ne se soit pas développée dans la vallée de la Kvirila et même 


dans tout le Caucase. Cette contrée a subiles mêmes vicissitudes climatériques que 


1 Journal du Caucase du 14 novembre 1884. 


ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE 45 
celles qui se sont succédé en Occident, ainsi que le montre l'étude des terrains 
tertiaires et quaternaires. 

Aux débris d'animaux sauvages étaient associés, sans ordre, des ossements 
humains appartenant à plusieurs individus d’âges différents. Presque tous ces 
ossements aussi bien que ceux des ours et des autres espèces avaient été fendus et 
avaient subi l’action du feu ; beaucoup portaient des traces de dents de carnassiers, 


peut-être de hyènes. 


Ces détails font songer à des repas de quelques tribus anthropophages, repus 
dont les débris auraient servi plus tard de pâture à des hyènes ; mais à quelle 
époque faut-il faire remonter ces traces de peuplades sauvages ? 

Aucun outil en silex n’a été recueilli, les explorateurs s'étant attachés, presque 


exclusivement, à la recherche des restes paléontologiques. L’exploration de la grotte 


de Rgani, actuellement bouleversée, est donc à reprendre de fond en comble et au 
plus tôt. 


Cette grotte a été découver 


e, il y a dix ans, par des chercheurs de manganèse 
qui exploraient, à ce moment-là, les gorges de la Kvirila où, paraît-il, ce minéral 
est assez abondant '. On n’avait pu y pénétrer tout d’abord, et, pendant près de 
trois semaines, l’excavation était restée inabordable à cause des gaz délétères qui 
l’emplissaient et éteignaient les lumières dès qu’on essayait d’en franchir l'entrée. 
Cette circonstance avait singulièrement impressionné les paysans des environs, 


mais la cupidité eut bientôt pris le dessus et l’air s’étant peu à peu renouvelé 


dans la grotte, ils la visitèrent en foule, dans l’espoir bien naturel d'y rencontrer 
des filons du précieux métal. 

Les débris mis au jour par les premiers coups de pioche ne tardèrent pas à 
rendre ces pauvres gens à leurs terreurs. Nul n’osa dès lors fouler ce sol défoncé 
et pétri d’ossements. On abandonna les salles souterraines de Rgani aux lutins 
qui les habitaient, disait-on, et comme l'Occident n’a pas la spécialité des reliques, 
des charlatans et des superstitions, il se trouva dans la vallée de la Kvirila des 


4 « Sur la rive droile de la Kvirila, les calcaires sont puissants; ils alternent avec des sables et des argiles et 


l'on trouve au milieu d'eux un dépôt de manganèse terreux... Le minerai de manganèse est en masses irré 


loc. cit., p. 13). Ce dépôt avait été étud 
(Mélanges physiques et chimiques. Académie de Saint-Pétershourg, 1858, t. III, p. 32 


gulières, 


en rognons et en grains fins » (Ernest F galement par M. Abich 


46 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


Imères moins crédules qui exploitèrent le plancher de la grotte et vendirent comme 


ommerce, signalé dès novembre 1883 


une panacée les os qu'ils en tiraient. Ce 
par M. Bernatsky, menace d’épuiser complètement cet abri, si ce n’est déjà fait, 
et de priver la science des fruits les plus impoïtants de la seule trouvaille faite 


ance, attribuer avec quelque 


dans le Caucase que l’on puisse. à ma connais 
certitude à l’époque quaternaire. 

Si ces découvertes ne présentent au point de vue paléoethnologique qu'un 
intérêt médiocre, elles montrent du moins qu’il est possible de rencontrer au Caucase 
des grottes habitées pendant les temps quaternaires et elles prouvent aussi existence 


dans ces montagnes d’une partie de la faune de cette époque. Mais il y a loin de cette 


hypothèse que quelques trouvailles à peine aperçues viennent revêtir d’un certain 
air de vraisemblance, aux affirmations de certains auteurs basées sur le dire de 
Strabon!. Ceux-ci parlent des Troglodytes du Caucase comme d’un fait en contra- 
diction avec la haute antiquité de la civilisation caractéristique en Europe de la fin 
des temps quaternaires. Nous consacrerons aux cavernes de Pisthme ponto-caspien 
un prochain chapitre de cet ouvrage. 

Il ne nous semble pas que l’on puisse établir un parallèle, quel qu'il soit, entre ces 
arottes creusées de main d’homme pour la plupart, et nos abris naturels de l’Aqui- 
taine et des Pyrénées, si féconds en découvertes, et dont les habitants magdalé- 
niens nous sont relativement si connus, nous dirions presque si familiers. Les 
grottes caucasiennes ont élé occupées de tous temps, n’ont pas été fouillées et 


n’ont fourni, par conséquent, aucun vestige de leurs hôtes passés. 


506, 769 et 776. 


de Strabon est corroboré, du reste, pourraient-ils ajouter, par une légende géorgienne que 


1 STRABON, pages 225 
Le témoignag: 


rapporte Dubois de Montpéreux *. D'après cette lézende, les Géorgiens auraient habité des grottes jusqu’au 


vue siècle avant Jésus-Christ, époque d'une grande invasion des peuplades seythiques. C'est ve 


ce temps qu'un 


gouverneur persan du nom d'Ardam leur aurait enseigné l’art de construire une muraille en pierre et en chaux. 


+ pusois pe Monrréreux, loc. eit., t. II, p. 23. 


Les v 


ment, 


en trè 


iges de la civi 


ne pouvaient pas 


s grande abondance 


départ de l’idée de cons 


lithiques. D’autre part, si l’on regarde l'Asie méridi 


cette civilisation dont le 


de l'E 


ont 


et sans doute aussi cthnologique. 


Une partie des animaux domestiques apparus en 


néolit 


du Caucase et de l'Arménie, il est peut-être logique c 


urope, il est nature 


ù participer tout « 


hique étant considérés par beaucoup de paléoe 


, puisque l’on a voulu placer, 


Il 


ÉPOQUE NÉOLITHIQ 


isation néolithique, répandus 


faire défaut au Caucase. Ils € 
ruire des habitations sur pi 


développement est si remarc 


de penser que les contrées si 


‘abord aux bienfaits de cet 


male comme 


UE 


en quelque sorte universelle- 


evaient même s’y rencontrer 


dans cette région le point de 


otis et des tombeaux méga- 
le berceau de 
uable dans le nord et l’ouest 
tuées entre l’Inde et l’Europe 


e expansion ethnographique 


Occident avec la civilisation 


hnologues comme originaires 
8 g 


’admettre que les populations 


qui, les premières, se sont adonnées à la domestication devaient avoir une vitalité 


cons 


érable et jouir d’un état de civilisation relativement déjà très avancé. 


Jusqu'à ce jour, le nombre des découvertes pouvant confirmer cette manière de 


48 RECHERGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
voir n’esk pas encore très grand; la plupart ne sont dues qu’au hasard, car les 
recherches méthodiques ont été presque nulles. 

On connaît actuellement une petite série d’objets trouvés isolément; quelques 
groupes de monuments mégalithiques, dolmens et pierres à lévendes ; puis des 


traces de pilotis sur les lacs où la tradition semble indiquer des palafittes. 


OBJETS TROUVÉS ISOLÉMENT 


Ce sont, comme dans toutes les régions où la civilisation néolithique s’est déve- 
loppée, des haches, des marteaux en pierres dures, polies et de natures diverses, 
plus ou moins étrangères à la localité, puis des lames, couteaux, grattoirs en silex 
ou en obsidienne et enfin, des pointes de flèches faites des mêmes roches. 

COUTEAUX, GRATTOIRS ET POINTES DE FLÈGHES. — Une série nombreuse d’éclats, de 
grattoirs et de lames en obsidienne a été trouvée entre 
Elenovka et Ordaklia (pl. II, n° 1 à 4). 


Plusieurs pointes de flèches en obsidienne et en os con- 


servées au Musée caucasien de Tiflis proviennent des 
fouilles de M. Bayern dans la nécropole de Samthavro, 
où elles étaient associées à un marteau en bois de cerf 
(pl: I, n® 6 et 7). 


Deux autres superbes pointes de flèches en obsidienne ont 


F1G.2. — GR. NaT. 
Hbc cn oo ttonne été recueillies dans les tombeaux de Redkine-Lager près 
Redkine- er. (Arménie) 


coli. Weyssenotfämirlis. Delijan, en Arménie ; elles font partie de la collection de 
M.le colonel Weyssenoff à Tiflis (LI, n°3 et 5, et fig. 2). 
On voit dans le Musée caucasien quelques lames et une flèche en silex découvertes 
dans les environs de Koutaïs en Mingrélie et à Sadji (Trialètes) (pl. I, n° 2et 4). 
Citons encore plusieurs flèches en silex de la station Petrassowska, non loin de 
Zelentchouk et conservées dans la collection de M. Bernchtam. 
Puis une lame en silex blanc recueillie dans l’aoul de Galiate, district du Terek ; 


elle fait partie de la collection de M. le comte Ouvaroff. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 19 

1 faut remarquer enfin deux splendides couteaux en silex, longs de 0,15 environ 
provenant du rivage oriental de la mer Caspienne et conservés au Musée de l’Aca- 
démie de Saint-Pétershoure 


Hacues £r Marreaux. — Les haches, instruments si communs partout, n’ont 
été recueillies qu’en très petit nombre au Caucase; elles n’ont sans doute pas encore 


attiré l'attention. 


F1@. 3. — 1/2 GR. NAT. F1G. 4. — 1/3 GR. NAT. . — 1/3 GR. NAT. 
Marteau en basalte. Mozdok. Marteau en diorite. Barakoff. en diorite. Bohème. 
Coll. Olchewski, à Vladikavkaz. Muséum de Lyon. 


Citons cependant un exemplaire provenant de Rianzanzk, dansle gouvernement 
du Kouban. Il m'a été affirmé à Tiflis qu'il existe dans plusieurs collections des 
haches découvertes dans la vallée du Térek, mais jen’en ai vu aucune. 

Les marteaux sont plus fréquents; M. Olchewski en possède deux de la 


Ciscaucasie. L'un d’eux, en basalte, a été trouvé près de Mozdok, dans le gou- 


vernement de Stavropol (pl. T, n° 13 et fig. 3). Un autre en diorite verte provient de 


Barakoff, sur la rive droite du Terek, dans la petite Kabarda (pl. I, n° 8 et fig. 4).On 


voit au Musée de Tiflis un marteau en diorite grisâtre découvert à Ouroup sur 


(e] 


Kouban. 


D’autres pièces du même genre, mais non percées d’un trou comme le 


À 


précédentes sont conservées dans les Musées de Tiflis et de l’Académie € 


© 


Saint-Pétersbourg ainsi que dans plusieurs collections particulières, telles que cel 
de M. Virouboff, ete. 


CGauc. I. 


œ 


= 


50 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Ces marteaux, faits pour la plupart de galets de roches dures rappellent ceux des 
anciennes mines de cuivre de l'Espagne ainsi que ceux des Caraïbes et d’autres peu- 
ples américains, c’est-à-dire que, vers la partie opposée au tranchant, se trouve une 
rainure cireulaire permettant de les fixer à un manche (fig. 6 et 7). 

Le plus grand nombre de ces marteaux, dont la dimension varie entre 0,10 
et 0n,20 de longueur sur 02,05 à 0,10 de largeur, proviennent des mines de sel 


gemme de Koulpe, sur l’Araxe, en Arménie, exploitées depuis la plus haute antiquité. 


F1G. 6. — 1/4 GR. NAT. Marteau en diorite FiG. 7. — 1/4 Gr. nat. Marteau en diori 


>s de sel de Koulpe. Amérique du Nord. 


Musée archéologique de Tiflis. Muséum des sciences naturelles de Lyon 


D'autres ont été recueillis dans le district de Nakhitchevan, souvernement 
d'Érivan, en Arménie. Presque tous ces marteaux sont en diorite ; sur vingt et 
quelques spécimens que je connais, douze sont en diorite, six en porphyre vert, et 
deux en basalte. 

L'aspect grisâtre et orenu de la plupart de ces marteaux à fait dire par erreur 


qu'ils sont en grès; en les étudiant de plus près on reconnaît bien vite la nature 


réelle de ces roches, dont la surface est altérée par l’action des agents atmosphé- 
riques. 

M. Ernest Favre a rapporté de Nakhitchevan une hache-marteau non trouée, 
en porphyre vert, d’une forme assez spéciale rappelant certaines haches plates en 
bronze (pl. II, n° 9 et 10)1, 


1 Ernest Favre. Recher 


es géologiques duns la partie centrale de la chaine du Caucase, p. 108 et 109, fig, 32. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 51 

Je dois enfin à l’obligeance de M. l'ingénieur Léger la connaissance d’une collec- 

tion de haches et de marteaux en diorite découverts à Bakmont dans les anciennes 
mines de cuivre de Krinovski-Outara, bassin du Donetz. 

Il est intéressant de remarquer que la plupart des haches-marteaux du Caucase 


se rapprochent quant à leur forme de ceux de l’Europe centrale. 


MONUMENTS MÉGALITHIQUES 


Dozuexs. — L'existence au Caucase de nombreux dolmens avait été signalée il y 
a fort longtemps, mais ce n’est que depuis quelques années que Pon a commencé à 
les étudier. Je n’ai pas eu l’occasion, durant mes deux voyages au Caucase, de 
voir moi-même des dolmens, je n’en parlerai donc que d’après les auteurs qui les 
ont fait connaître. 

IIS furent indiqués tout d’abord par Taitbout de Marigny dans son Voyage au 
pays des Tcherkesses *, en 1818, comme fréquents dans la vallée de la Pchada, en 


Abkhazie, où il a fouillé l’un d’eux. 


Bell les observa également vers 1830 et dessina un de ces monuments”; mais il 
n’en donna aucune description. 
Trois ans après, Dubois de Montpéreux visitait les dolmens de la haute vallée de 


V’Atakhoum, qu'il décrivit, dans son Voyage autour du Caucase, sous le nom de 


Pierres levées 


Plus tard, en 1865 et en 1870, durant ses voyages géologiques, Bayern“ ren- 


contra des dolmens près de la stanitza de Beregovoï, étudia de nouveau ceux de la 


Pchada, et en signala un autre groupe dans le pays des Chapsoughs, sur le Kouban. 


À cette époque il en avait noté 36, mais depuis on en à trouvé un bien plus 


orand nombre. 


1 Édition Klaproth, p. 343. 
2 Journal d'une résidence en Circussie de 1837 à 1839, p. 146. Paris, 1841. 
Loc. cit., t, 1, p. 43. 


i Annuaire statistique du Caucase, 1872. 


| 
| 
| 


D? RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Tout récemment, enfin, M. Felitzine, d'Ekaterinodar, a fait connaître une série 
importante de dolmens, située près de la stanitza Bagovsk, dans le district du 
Kouban et l’arrondissement de Maïkop'. Sa carte des stations archéologiques de 
la province du Kouban comprend, en outre, un certain nombre de localités à 
dolmens appartenant également au bassin du fleuve circassien. Cest donc seule- 
ment dans l’ouest de la chaîne que lon a signalé jusqu'à ce jour des monuments 
mégalithiques proprement dits dans la région caucasienne. 


Ils constituent deux groupes principaux : celui de la mer Noire et celui du 


Kouban. 


F16.8. — Dolmen de la vallée de la Pchada 


D'APRÈS BAYERN 


Dans le groupe de la mer Noire se trouve le dolmen de Pchad signalé par T'aitbout 
de Marigny; il était composé de quatre grandes dalles rectangulaires recouvertes par 
une autre plus grande. L’une des dalles latérales était percée d’un trou de la 
grosseur de la tête d’un homme, à un pied du sol environ. 

Les fouilles qu'y fit opérer cet explorateur donnèrent peu de résultats. On décou- 
vrit à deux pieds de profondeur une longue et forte épée placée en croix avec le fer 


d’une pique; plus profondément en terre, on rencontra un vase renversé contenant 


1 Compte reïdu des travaux de l'Exposition et du Congrès d'anth ropologie de Moscou, 1879, t. III, p. 26. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 53 
des cendres, des boutons de cuivre et quelques autres objets en partie décomposés 
et indéterminables. 

Les dolmens que Bayern a étudiés sont situés entre Gelendjik et Pchad, sur les 


hauteurs boisées qui dominent la rivière Tzoutzouk ; puis entre Pchad et Djouba 


dard 
Fig. 0, — Dolmen de la vallée de la Pchada. 


D'APRÈS BAYERN 


(fig. 8 et 9). Sur ce point, il en indique quatre, y compris celui que Taitbout et Bell 
ont signalé. 


Un dolmen situé dans la gorge de la Djouba a particulièrement attiré l’attention de 


F1G.40, — Dolmen de la gorge de la Djouba. 


D'APRÈS BAYERN 


Bayern par ses dimensions considérables; il couvre une superficie de dix mètres 
carrés. Ce monument paraissait être double et était recouvert d’une immense pierre 
dépassant de beaucoup les dalles formant les parois latérales du tombeau (fig. 10). 


Il servait jadis de poste d'observation aux Tcherkesses Chapsoughs. 


54 RECHERCGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

D’après la plupart des observateurs, ces dolmens, bien que n'ayant fourni aucun 
objet archéologique pouvant donner des notions sérieuses sur l’époque de leur 
construction, doivent remonter à l’âge de la pierre. On se base, pour les dater, 
sur leur ressemblance avec ceux du nord et de l’ouest de l’Europe ainsi qu'avec 
ceux de l’Inde; mais la date de ces derniers est encore discutable. 

On doit remarquer que ces dolmens se rencontrent dans les gorges nord-ouest du 


Caucase, où se trouvent des matériaux propres, par leur nature, à de semblables 


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Distribution géographique des dolmens de la partie N.-0. du Caucase. 


D'APRÈS DUBOIS DE MONTPÉREUX, BAYERN ET PELITZINE 


constructions. Ces matériaux appartiennent en partie aux formations inférieures du 
crétacé et au flich. 

Le groupe du Kouban, beaucoup plus considérable que le précédent, a été 
aussi beaucoup plus étudié. On peut en diviser les mégalithes en quatre séries prin- 
cipales. 

La première se compose des dolmens signalés par Dubois de Montpéreux sur 
les bords de l’Atakhoum, non loin du fort de Saint-Nicolas (fig. 11 et 12), auxquels 
il convient d'ajouter le petit eroupe de Vladimirska, un peu plus à Pouest. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 55 
La seconde s'étend entre les rivières Abin et Khable, aux environs de Chapsougs- 
kaya et d'Erivanskaya. 


La troisième a pour centres Dakhovsk, au confluent de la rivière Dako et de la 


Fi. 11 et 12. — Dolmen de Saint Nicolas, sur l’Atakhoum 


D'APRÈS DUROIS DE MONTPÉREUX 


Belaya, afluent du Kouban, et Tzarskaya, sur le Fars, Les dolmens de cette série 
s'étendent autour de ces deux localités et le long de la Belaya jusqu'en aval d’Abad- 


zèkhzkaya, au nord, et jusqu’à Khamitchki, au sud (fig. 13, 14, 17, 18 et 19). 


.— Dolmens de la Belaya, près Dakhovsk. 


D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FERITZINE 


Enfin, la quatrième série est disséminée autour de la stanitza Bagovsk, au con- 
fluent du Khodz, tributaire de la Laba, et de la rivière Gourmaï. Ces dolmens ayant 
été l’objet d’une étude très détaillée de la part de M. Felitzine, et pouvant être consi- 


dérés comme types de ceux que l’on rencontre dans le groupe du Kouban, nous 


14 56 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


| nous étendrons un peu plus sur leur description que sur celle des séries précé- 
dentes, d’ailleurs semblables à peu de chose près quant à la forme des monuments 
et aux légendes qui s’y rattachent. 
| Ces monuments sont généralement placés par groupes, mais beaucoup sont 


isolés. On les voit le plus souvent sur des pentes déboisées et près des précipices, 


| quelquefois aussi dans les clairières des forêts. 


| On compte dans la région de Bagovsk vingt-neuf dolmens, mais ce nombre doit 


| être plus considérable, car beaucoup se trouvent sur des points actuellement diffi- 


LL clement accessibles et la plupart n’ont été découverts que par hasard, le pays 


n'ayant ni routes, ni sentiers. 


Ces dolmens peuvent être divisés en trois groupes; le premier, composé de douze, 
est situé sur le versant de la montagne de Lubikoy ; le second groupe, composé 


| de onze, occupe le plateau de Zatzepine et le troisième, formé de trois seulement, 


és, on les rencontre sur le 


surmonte le plateau de PAoul. Quant aux dolmens isole 
plateau de Gourmaïsk, sur la montagne près de la prairie de Mitchine et enfin 


dans la forêt, à droite du chemin du cimetière. 


Fi. 14, — Dolmen de Dakhovsk. 


PRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZIN 


La plupart de ces constructions sont élevées sur des tortres et plus ou moins 
recouvertes de terre; beaucoup sont à deux pieds de la surface du terrain. 


Le sol des dolmens est généralement dallé, et lorsque le dallage est fait de plu- 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 


57 
sieurs pierres, celles-ci sont jointes avec soin, à la facon d’un carrelage où d’un 
pavage. Ë 

Le plus grand nombre de ces monuments affectent la forme quadrangulaire et 
constituent une véritable caisse recouverte d’une ou de plusieurs pierres dépassant 
ordinairement les montants ou parois verticales, de manière à rappeler une 


toiture. : 
M. Felitzine fait remarquer que les côtés internes de chacune des pierres consti- 
tuant ces tombeaux sont parfois retouchés avec soin. Quant aux matériaux em- 
ployés pour leur construction, ils proviennent des gorges voisines et appartiennent 
à des schistes cristallins ou à des dolomies. 
L'ouverture de ces dolmens se trouve généralement au sud, orientation qui fait 


songer à l’existence d’un culte spécial chez les populations qui les ont érigés. Sou- 


vent la dalle qui fermait la caisse était percée un peu au-dessous de son centre d’un 
trou rond ou ovale comme ceux de l’Abkhazie et de l’Inde ainsi que quelques-uns 


de nos dolmens français (fe. 15). 


Dolmen de Trye-le-Ghâteau (Oise). 


D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE D'ADRIENDE MORTILLET, 


Sur les vingt-neuf dolmens signalés à Bagovsk, sept seulement sont encore dans 
leur état primitif; les autres sont en partie ruinés ou manquent de quelques-unes 
de leurs dalles. On attribue cette destruction aux Cosaques du pays; il est juste 
pourtant de reconnaître que le temps y est pour beaucoup. À Bagovsk, comme 
en Bretagne et dans le sud de la France, les dolmens sont devenus des abris 


pour les bergers, et ceux-ci se gardent bien de les détériorer. Au reste, les mon- 


Cave. I. 


k 


58 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
tagnards de tous les pays gardent un certain respect pour ces antiques constructions 
auxquelles sont attachées des légendes parfois intéressantes, 


Pourles Bagovski, ces monuments, qu’ils considèrent comme très anciens, seraient 


F1G. 16, — Dolmen de Dakhovsk. 


D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZINE 


les demeures d’un peuple de nains qui habitaient jadis la région, et l’œuvre d’un 


peuple de géants, leurs voisins qui, par pitié pour leur faiblesse, leur auraient élevé 


Fic.17.— Ruines du grand dolmen, près Dakhovsk. 


D'APRÈS UNE PNOTOGRAPHIE DE FELITZINE 


ces solides abris. Le trou percé dans l’une des dalles était l’entrée de l’habitation. 


D’après cette légende, ces géants étaient doués d’une force si grande qu'ils avaient 


pu transporter sur l'épaule chacune des pierres constituant ces édifice 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 59 

Dubois rapporte la même légende, ainsi que Pallas, à propos des dolmens de 
la Crimée et de l'Atakhoum. 

De même que dans toutes les régions où l’on rencontre de semblables construc- 
tions, ce sont bien des tombeaux que l’on voit à Bagovsk et à Pchad. Ce ne sont 
pas plus des monuments de sacrifice que des maisons de nains ou des tombes de 
géants. 

M. Felitzine a pratiqué des fouilles dans plusieurs de ces dolmens et ce n’est que 
dans deux seulement qu'il a trouvé des débris de sépulture. Depuis fort longtemps 
les autres avaient été vidés, soit pour agrandir l'abri que l’on a voulu s’y créer, 
soit par des chercheurs de trésors qui existent au Caucase comme dans les autres 
contrées. 


Dans l’un de ces dolmens, ruiné du reste, M. Felitzine a trouvé enfouis dans la 


do Î 
2 Pre UNS 
li AN 1 


F1G. 18. Dolmen des Tzarskaya. 


D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE DE FELITZINE 


terre divers fragments de squelette humain; dans un autre, également ruiné, il a 
recueilli trois crânes dont un seul était entier; l’un appartenait à un vieillard, 
Vautre à un jeune homme de 18 à 20 ans. Aux ossements de ces individus se 
trouvaient mêlés deux perles en terre en forme de demi-sphères irrégulières percées 
d’un trou (fusaïoles), une autre perle, sans doute de verre bleu, et un vase en 


terre brisé. 


60 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Ce vase a 0,16 centimètres de hauteur sur 0",31 de circonférence et 0,10 de 
diamètre. Sa forme est cylindrique à la base et sur les côtés; à la place des anses 
sont gravées deux lignes parallèles. 

La terre dont le vase est fait paraît être la même que celle des perles et cela 
semblerait démontrer leur contemporanéité. Quant au grain de verre, on n’est 
pas bien certain qu'il appartienne à la même époque que les autres pièces, qui 
doivent dater de la construction du tombeau. La position des crânes et des autres 


osseménts fait supposer que les corps étaient placés assis les uns à côté des autres. 


C'était donc, d’après M. Felitzme, un tombeau de famille. 

Lè crâne entier est brachycéphale, comme la plupart des crànes néolithiques, et 
es os en sont très épais. 

Ces caractères anatomiques, quoique constatés sur une seule pièce, entraînent 
M. Felitzine à rattacher ces tombeaux à lépoque de la pierre polie, époque à 
aquelle remonte l’origine de la plupart des dolmens dans tous les pays. M. Felitzine 
pense aussi que les objets trouvés avec ces ossements humains sont néolithiques, 
et, par conséquent, il se croit autorisé à rapporter les dolmens de Bagovsk à cette 
période préhistorique, la plus ancienne dont on ait retrouvé des vestiges au 
Caucase. 


Les résultats des fouilles entreprises jusqu’à ce jour dans ces dolmens ne permet- 


ent pas assurément de rien affirmer de définitif à cet égard. Le nombre des monu- 
ments mégalithiques inexplorés est encore considérable soit au nord, soit au sud du 
Caucase et je ne doute pas que des fouilles méthodiques nousimettent prochainement 
en mesure d’avoir une opinion solidement établie sur l’âge et l’origine de ces 


curieux tombeaux. 


Les dolmens du Caucase doivent appartenir au même peuple et à la même 
époque que ceux de la Crimée, leurs voisins. En effet, les régions des dolmens du 
Caucase (Kouban et Abkhazie) sont celles qui sont les plus rapprochées de la 
Crimée méridionale, où l’on en connaît un certain nombre depuis Pallas ‘ et Dubois 
de Montpéreux ?. Les trois groupes les plus importants sont ceux du littoral, à 


Gaspra et à Alouchta, puis celui de la belle vallée de Baydar. 


1 PaLLas, Voyage dans les gouvernements méridionaux de la Russie t. I, p. 345. 
? Dusoi pe MonrPéReux, Voyage autour du Caucase, t. IV, p. 3283 t. V, p. 46, 321 ; t. VI, p. 73. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 61 


Ce dernier, le plus considérable, à été étudié par M. Filimonoff en 1878 ‘ au 
nom de la Société d’Anthropologie de Moscou. 


Fi: 49. — Dolmen de Kosseir (Syrie). 


D'APRÈS UN GHOQUIS DE L'AUTEUR 


Ainsi que j'ai pu m'en convaincre en 1879*, ces dolmens présentent les plus 


grands rapports avec .ceux des régions classiques, Inde, Syrie (fig. 19), Palestine, 


.R0.— Dolmen de Fontanaccia (Corse). 


D'APRÈS UNE PHOTOGRAPHIE D'ANRIEN DE MORTILLET 


Algérie, Corse (fig. 20), Espagne, Portugal, France, Angleterre et Scandinavie ; 


d'autre part, leur forme et leurs dimensions concordent avec la description que 


M. Felitzine et les autres auteurs ont donnée de ceux du Caucase. 


1 Compte rendu de l'Exposition de Moscou, en 1879, &, III, p 
2 Recherches anthropologiques dans la Russie méridionale 


62 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Comme eux, ils sont toujours construits avec de grosses dalles brutes; le fond est 
également pavé et la pierre qui forme le plafond dépasse toujours les dalles laté- 
rales. La plupart ont été recouverts de terre et émergent actuellement à 0",50 
du sol comme à Bagovsk; il en est cependant, comme celui de Gaspra, qui sont 
entièrement hors de terre (fig. 21). 

Souvent ces dolmens sont entourés d’un cercle de pierres ou cromlech, circons- 
tance qui les distingue de ceux du Caucase, région où ces cercles n’ont pas été 


signalés. 


Skele, dans la vallée 


M. Filimonoff a observé près d’un groupe de dolmens à 


de Baydar, des monolithes dressés, sans doute des menhirs. 

Les dolmens fouillés par le savant russe ont donné presque tous des ossements 
humains; deux cependant, complètement ruinés, n’en ont fourni aucun. On n’a 
pu recueillir aucun crâne complet. 

Quant au mobilier funéraire, il comprend des pointes de flèches, des anneaux et 
des perles de bronze, puis des perles en verre bleu, des canines de sanglier et 
des morceaux de corail percés. M. Kilimonoff signale encore quelques fragments 
d'objets en fer indéterminés et croit devoir rapporter ces monuments au premier 
âge du fer. 

De même que pour les dolmens du Caucase, je ne suis pas en mesure de contre- 
dire cette manière de voir, n'ayant pas pu faire de fouilles dans - ces tombeaux. 


Mais il me semble que cette conclusion ne saurait être définitive. Sans vouloir pré- 


juger des soins qui ont été apportés aux recherches faites jusqu'ici, je crois que de 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 63 


nouvelles investigations prouveront qu'ils remontent à l’âge de la pierre et non 
à l’âge du fer, époque à laquelle on a pu les utiliser de nouveau. 

On a, en France, de nombreux exemples de fouilles, quelquefois superficielles, 
qui après n’avoir donné que quelques objets relativement modernes ont été reprises 
et ont fait découvrir des mobiliers funéraires néolithiques qui avaient passé 
inaperçus. 

De l’étude des dolmens du Caucase, comme de celle de la plupart des autres 
groupes de ces monuments connus en Europe, en Afrique et en Asie, il ressort ce 
fait important : c’est qu'ils présentent tous de telles ressemblances que l’on peut 
logiquement leur attribuer une même origine. 

Les opinions les plus diverses ont été émises au sujet du point de départ de cette 
architecture funéraire spéciale. 

L'idée d'élever aux morts une demeure n’a pu prendre naissance, a-t-on dit, 
que chez un peuple qui croyait à la continuité de l’existence après la mort. Mais 
rien jusque-là n’indique quel est ce peuple. 

Suivant quelques archéologues, le problème serait en partie résolu. Le dolmen, 
la demeure des morts, aurait été élevée dans le principe sur le modèle de la 
demeure des vivants et on trouverait ce modèle chez certaines peuplades troglo- 
dytiques du Caucase ainsi que chez certaines populations du Groënland et de la 
Laponie norvégienne. 

La théorie qui fait venir les dolmens des contrées hyperboréennes, vers laquelle 
e savant Suédois Sven Nilsson ! avait été entraîné par ses études d’ethnographie 
comparée n’est pas plus soutenable actuellement que celle qui place leur origine au 


Caucase. Aucun dolmen n’a été découvert dans les régions de l’extrême nord où 


‘on voudrait voir leur point de départ et dans les parties du Caucase où l’on a 


observé des dolmens, il y a peu ou point de grottes. 


Au reste, la théorie caucasienne, proposée par M. Howorth?, n’est basée sur 


aucune observation et les faits qu’il a cités à l’appui ne présentent pas les éléments 


d'une dise 


sion scientifique. 


1 Nirsson. Les habitants primitifs de la Scandinavie, taduit du suédois. Paris, Reinwald, 1868, p. 176. 
? Congrès de Stockholm, 1874. Compte rendu, p. 210. 


GA RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

Nous aurions plus de raison d’assioner aux dolmens une origine occidentale. 
En Portugal, en France et ailleurs en Europe, il ne manque pas de grottes 
naturelles qui ont servi de demeure aux morts après avoir servi d'habitation aux 
vivants. Pourquoi les populations néolithiques de ces contrées, sous l'influence 
d'un. développement physique et intellectuel déjà considérable, n’auraient-elles 
pas eu cette pensée d’élever des tombeaux néolithiques où de creuser des grottes 
rappelant les excavations naturelles devenues insuffisantes pour y déposer leurs 


morts ? 


FiG. 22. — Dolmen de Rajun Kolbory (Deccan) 


OË. MEADOUS TAYLOR. 


Cependant, si l’on s’en tient à cette thèse d’après laquelle l'idée primitive de la 
construction des dolmens et surtout la présence de l’ouverture latérale dénotent 
un certain état de religiosité, nous serons portés à jeter encore nos regards vers 
l'Orient plutôt que vers le Nord ou Occident. 

De l'Inde, en effet, où sont nées les plus importantes religions de l'antiquité a 
pu partir également le culte des morts, une des plus importantes man'festations 
religieuses qui aient résisté aux vicissitudes de l’évolution des sociétés humaines. Ce 
culte nous aurait été apporté en Europe avec tout un cortège d’usages et de mœurs 
inconnus de nos ancêtres paléolithiques. Il convient d’ajouter que l’Inde renferme 


le groupe le plus oriental des dolmens et que la plupart des monuments de ce 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 65 
groupe sont percés d’un trou rond à l’une de leurs dalles. Les efforts des 


paléoethnologues devront done à l’avenir se tourner dans cette direction. 


PIERRES À LÉGENDES. — A la suite des dolmens, constructions dont le but est bien 
défini et dont l’âge est probable, il convient de décrire quelques pierres à légendes 
garnies parfois de ces cupules que l’on a appelées écwelles. 

D’après Bayern et le général Komaroff, on peut citer l'existence de plusieurs 
pierres de ce genre dans une dizaine de localités; nous parlerons des plus connues. 


Non loin du défilé du Darial entre Lars et Balta et près du fortin de Djerakhousk 


et de Tchmi, existe la pierre PAeaphdour ou pierre des bergers. 


Près de la grande route de Géorgie, à six verstes de Mtzkhet du côté de Tiflis, 
on connaît la pierre de Devis-Napekhowr ou pierre du Diable, 

Sur la rivière Tcherde, affluent du Kouban, on signale un bloc assez volumineux 
qui passe pour avoir l'empreinte des pieds du cheval de Soseirouka, personnage 
lésendaire des Ossèthes. 


On en cite une autre moins importante près de l’aoul Tcheghem, sur la rivière 


e ce nom, affluent du Baksan. 


Une pierre du nom de Zchoban-Dobun-Dach, c’est-à-dire pierre jetée par 
; d E 


es pasteurs de moutons, se trouve dans la gorge Boumsk, plus haut que l’aoul de 


Boum. 
On cite enfin, près de Derbent, la pierre dite Duldule-Ati, c’est-à-dire la pierre 
d'Al. 


La plupart de ces pierres sont des blocs erratiques dont la position ou la forme 


plus où moins étrange ont attiré l’attention des habitants de ces régions sauvages, 


ès la plus haute antiquité. 


Il est curieux de trouver au Caucase les mêmes légendes que les habitants 


de la Suisse, du Jura, de la Savoie et du Dauphiné racontent au sujet des méga- 


lithes de leur pays. 


CAIACARIR 9 


66 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


GROTTES ET SOUTERRAINS 


Dubois de Montpéreux et Bayern, durant leurs nombreuses pérégrinations dans 
le Caucase, ont signalé une quantité considérable de grottes naturelles ou arti- 
ficielles ayant servi d’asiles et peut-être aussi de tombeaux à des populations 
d’époques diverses. 

Bien qu'aucune découverte archéologique ne nous permette de considérer les 
grottes et souterrains caucasiens comme néolithiques, je crois devoir, cependant, en 
parler à la suite des monuments mégalithiques, car dans beaucoup de pays les 


populations de cette époque ont utilisé les arottes où ont creusé des souterrains au 


lieu d'élever des dolmens. 

Les grottes naturelles sont rares au Caucase et la plupart des souterrains ont été 
taillés dans des calcaires ou tuffeaux à des époques assez différentes; quelques-uns 
même sont encore habités. 

En attendant que des observations méthodiques viennent indiquer si parmi eux 
un certain nombre remontent à l’âge de la pierre, il me semble utile de les faire 
connaître afin de faciliter les recherches. 

Les grottes du Caucase peuvent se diviser en quatre groupes principaux : 

1° Le groupe du Ratcha, comprenant tout le haut bassin du Rion, à partir de 
Koutaïs. 

2° Le groupe de l’Aragva et du Terek. 

3° Le groupe de la Koura, formé par tout le versant caucasien de ce fleuve depuis 
Gori jusqu'à Chemaka. 

4° Le groupe du Gok-tchaï, composé du plateau qui circonscrit le grand lac 


arménien, des vallées supérieures de l’Araxe et de la Koura et de leurs affluents. 


Parmi les grottes du premier groupe nous citerons, en remontant le cours du 
Rion, celle de Jason, près de Koutaïs ; celle de Ghelati, près du monastère de 


ce nom, au nord-est de Koutaïs; celle de Rgani, sur la Kvirila, que nous avons 


décrite précédemment ; celle des environs de Nikortzminda, autre monastère à 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 67 


mi-chemin de Koutaïs à Oni, sur la Charaoula; celles de Gvimi, sur la Kvirila, 


en aval de Satekhali ; trois de ces localités ont été explorées par Dubois de Mont- 
péreux!; celles de la rive gauche de la Djodjora, à Tsidisi, entre Tzona 
et Oni; et enfin entre Oni et Chkmeri, où ces excavations sont creusées dans 


le calcaire corallien. Les hautes vallées de la Kvirila, de la Dziroula, et de la 


Tskenis-Tskali sont également parsemées de nombreuses grottes. 


Sous le titre de groupe du Terek, nous désignons toutes les excavations 


comprises dans le haut bassin de ce fleuve, dans les gorges de PArdon, du 
Baksan, de l'Argoun, du Soulak, dans les, montagnes de l’Avarie, ainsi 
que sur la route centrale du Caucase, dans les gorges du Terek, entre Kobi et 
Lars. 


Beaucoup plus étendu que les précédents, le groupe de la Koura n’est pas 


moins riche en cavernes. La région comprise entre Ananour, Gori et Mtzkhet, 


entre autres, en compte un très grand nombre. Parmi les plus curieux exemples, 


il nous suffira de citer le village souterrain d’Ouplis-Tsikhe, à l'est de Gori, 


tout entier taillé dans le roc, et dont Dubois a donné une description 


ès 
complète ?, Le bassin moyen de la Yora et celui de PAlazan en possèdent beaucoup 
aussi. Signalons dans le premier, Tioneti et Gombori; dans le second Tourdo, 
Signakh et Telaf. D’après Bayern, les grottes de ces deux vallées ne doivent leur 


existence qu’à l’exploitation du sel, abondant dans cette région. Nous verrons plus 


loin l'application que le même auteur fait de cette idée d’après Dubois de Montpé- 
reux, aux grottes du groupe du Gok-tchaï. Il convient de citer également celles 
de Marazoff, district de Chemaka. 

Tandis que la plupart des grottes que nous venons d’énumérer, à l'exception 
de Tioneti, Gombori, Tourdo, Signakh et Telaf, étaient pour la plupart taillées 
dans le crétacé supérieur (Ratcha) ou dans la molasse (Ouplis-Tzikhé), une grande 
partie de celles de Somkhetie, particulièrement dans la vallée de l'Alghet, ne sont 
que des fentes naturelles plus où moins élargies dans les tufs basaltiques ou les 


domites. Le plus grand nombre de ces fentes ont dù servir d'habitation aux 


1 Voyage autour du Caucase. Paris, chez Gide, 1839, £. IT, p. 199 et 379, et t. Il, p. 163. 
® Ta, t. II, p: 203: 


68 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


peuplades minières qui exploitaient, dès la plus haute antiquité, les gisements de 


sel, de cuivre et de fer de cette région riche en minerais. 
Bayern croit qu’elles ont abrité les ÆAalybes dont Homère et Hérodote ont 
vanté l’activité industrielle et que Strabon, commentant un verset du chant 


des vaisseaux dans l’Iliade, tend à placer en effet sur le plateau arménien. Dubois 


de Montpéreux a tenté l'identification du nom Æouwlpe (en arménien Gogph), qui 


désigne trois localités arméniennes célèbres par leurs mines, avec celui des Kha- 


lybes, et il a montré avec autant de certitude qu’en peuvent offrir des textes aussi 
torturés, que les Halisoniens, ces voisins des Khalybes, tiraient leur nom de la 
rivière Alazan. Peut-être quelques tribus de ces anciens peuples ont-elles reposé 


dans les grottes de l’Alazan et de la Yora, dont nous parlions plus haut, ou dans 


celles de Dachkessana et de Baïna sur le Kachkara-tchaï, affluent de la Koura, près 
d’Elisavetpol, de Tchovtara (mines de cuivre), Kousch-Kenda et Zeklika, sur le 
Chamkor et ses affluents, où, d’après Bayern?, on doit avoir trouvé beaucoup 


d’objets en bronze ; du massif Ghevartzin-dagh, surla Djoga, affluent de la Koura ; 


e la gorge de Bolnisk (Somkhetie), du haut bassin de l’Araxe qui n’en possède pas 
moins queles régions que nous venons d’énumérer. Nous citerons, parmi les plus 


dignes d'attention, celles des environs des mines de sel, à Koulpe, et, au sud-ouest 


de cette localité, un village souterrain creusé dans les flancs du Tachal-taou, puis, au 
nord de l’Ararat, le village de Gorgan, formé de grottes taillées dans la montagne 
sainte et inhabitées aujourd’hui, le monastère de Gkegvart près de la rivière Giarn 
(district d'Érivan) qui a remplacé un groupe de cavernes ayant servi de refuge 
à des populations antérieures à l’ère chrétienne. 

Les montagnes qui, au sud de Gkegvart, descendent vers l’Araxe, sont aussi 
parsemées de grottes très nombreuses, ainsi que, plus au nord, larégion de l’Alagüz 


et, sur les confins de la Perse, celle du Zanguezour. 


A Loccit.; t. IV, p. 140, 
? Bayern. Contribution à l'archéologie du Caucase. Lyon, 1883. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 69 


CONSTRUCTIONS LACUSTRES 


Les mêmes présomptions d'ordre historique qui ont conduit quelques archéologues 
à chercher au Caucase l’origine de la civilisation dolménique, les ont entraînés à y 
voir aussi celle des constructions lacustres ou palañittes. 


C’est en se basant sur le dire d'Hippocrate!, parlant des habitants des rives 
[ 


du Phase (Rion) ou Mingrélie actuelle, que l’on est arrivé à cette conclusion. « Leur 


pays est marécageux, dit-il, et couvert de forêts. Il y tombe en toute saison des 


pluies abondantes et impétueuses ; les hommes y habitent dans des maisons faites 
de roseaux et construites sur les eaux mêmes. Ils vont de l’une à l’autre sur des 
barques creusées dans un seul tronc d'arbre. » 

Cette description est encore exacte de nos jours en ce qui concerne l’état hydro- 
logique de la partie inférieure du Phase. La ville de Poti et plusieurs villages 
situés à l'embouchure de ce fleuve, bien que construits sur les parties les plus élevées 


de son delta, sont en effet souvent inondés soit au moment de la fonte des neiges, 


soit au moment des grosses pluies d'automne, L’inondation est encore accentuée 
quand le vent du N.-O0. chassant les vagues à l'encontre du courant du Rion, 
s’oppose à l'écoulement de ses eaux dans la mer. Il résulte de là que la plupart des 
habitations de ce pays sont construites sur des pilotis ou des massifs de maçonnerie, 


de façon à placer les rez-de-chaussée à au moins un mètre au-dessus du sol de la 


route, qui est souvent recouvert d’eau, quoiqu'il soit plus élevé que les terrains 
environnants. 


L'usage des bateaux pour communiquer d’un carrefour à l’autre est encore en 


vigueur, pendant ces périodes de submersion; ce ne sont plus des barques creusées 
dans des arbres, il est vrai, mais des bateaux à fond plat faits de grosses planches, 


rappelant ceux des étangs de la Bresse ou du lac de Paladru ?. 


4 Porocki. Fragments, p. 40. 
? Je me suis trouvé à Poti pendant une de ces inondations, à la fin du mois d'août de 1881; pendant une semaine 
j 
barquement, j'ai ainsi pu étudier en détail la vie de ces lacustres ou plutôt de ces paludée 


é condamné, ainsi que mes compagnons de voyage, à attendre la fin du vent deN.-O, qui empêchait notre em- 


J'ai vu à cette époque 
la place du marché elle-même envahie par les eaux : marchands et acheteurs 


avaient pas l'air inquiet ou étonné le 


70 RECIIERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


Scientifiquement, l'existence des palafittes du Caucase a été affirmée par Bayern. 
Je ne crois pas qu'aucun autre explorateur moderne en ait fait mention avant lui. 


Ses premières observations datent de 1849, c’est-à-dire d’une époque où VPattention 


des savants, si fortement excitée par les découvertes qui se sont succédé en 
Suisse, en France et en Italie depuis 1853, n’était pas encore fixée sur ce mode 
d'habitation. 

C’est dans le lac Gok-tchaï, non loin de Novo-Bayazid, que le vénérable archéo- 
logue a rencontré des pilotis placés sur deux rangs, qui supportaient peut-être 
jadis, un pont conduisant à un groupe de cabanes lacustres, où réunissant 
deux hameaux voisins. Bayern ignorant encore, comme tout le monde, la signifi- 
cation que pouvaient avoir ces vestiges d’ailleurs isolés, ne poursuivit pas ses 
recherches en cetendroit. Mais il n’en croit pas moins à la présence de nombreux 


groupes semblables dans le lac Gok-tchaï et rattache même à ces constructions la 


série d'objets en bois de cerf dont nous avons signalé la découverte près d’Elenovka. 


Le même auteur signale également des palafittes laissées à sec par l’abaissement 


des eaux du lac de Toporovan, près du village Choucha (district d’Akhaltzikhe), 
ainsi que dans les marais de l'embouchure de la Koura (Minghetchaour, Berda) et 


sur les rives des lacs du littoral de la mer Noire. 


J'ai voulu, lors de mon dernier passage à Poti, constater par moi-même les 
traces des palañittes signalées par Bayern au lac Paleostrom, situé non loim 
de l'embouchure du Rion; mais frappé déjà par les premières atteintes de cette 
fièvre terrible que tout Européen contracte rapidement dans ce delta pestilentiel, j'ai 
dû renoncer à mon projet et m’en tenir au récit des pêcheurs qui fréquentent ce 


lac extraordinairement poissonneux. Il existerait sur plusieurs points du rivage de 


cette nappe d’eau des lignes de pilotis dont la construction est attribuée aux Turcs. 
Ces rangées de pieux seraient les restes d’une ville engloutie suivant les uns, et, 
d'après les autres de simples débris d’estacades modernes tombes en ruine depuis 


fort longtemps. 


moins du monde de cet état de choses; les marchandises étaient placées sur des tréteaux surélevés et quelque 
planches, faisant office de ponts volants, donnaient accès aux clients, 


Un système de locomotion plus pratique que les bateaux, même à fond plat, pour circuler sur ces terres inondées 
inégalement, était le chariot que j'ai employé pour me rendre sur les divers points du delta où une chasse aux 
afittes, 


oiseaux aquatiques m’attirait non moins que la recherche des vestiges de pe 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE 71 

Ces explications sont à peu près celles que l’on retrouve sur les bords de la 

plupart des lacs où l’on a découvert des palañittes. Mais les faits que nous venons 

d’énumérer, s’ils n’infirment en rien la description d'Hippocrate, s'ils semblent 

même la confirmer dans une certaine mesure, nous paraissent insuffisants pour 
affirmer l’origine colchidienne des cités lacustres. 

C’est pourtant la thèse qu'a soutenue, à l’École du Louvre, M. Alexandre Ber- 


trand, professeur d'archéologie nationale. 


€ Vous sentez, Messieurs, dit-il dans sa cinquième lecon, toute la valeur de ces 
renseignements ; vous comprendrez encore mieux leur importance si vous voulez bien 


vous rappeler que la vallée du Danube a été de tout temps la grande voie de commu- 


nication entre l’Orientet l'Occident, depuis l’expédition des Argonautes, lévende qui, 
suivant Strabon, couvre des faits historiques dont il avait constaté la réalité, jusqu'à 
nos jours, où les grandes puissances font de la navigation du Danube une question 
de premier ordre. Or, Messieurs, je n’ai pas seulement à vous apporter, touchant 
l’origine colchidienne des cités lacustres, de simples conjectures ; remontez avec moi 
le cours du Danube et de ses affluents. De Belgrade au lac de Constance d’un 
côté, au lac de Garde de l’autre, où ont été constatées des stations lacustres, 


nous ne comptons pas’ moins de sept lacs portant témoignage que sur leurs rives 


habitaient des populations ayant les mêmes mœurs que celles des rives du Phase, 
du lac Prasias et des lacs de l'Helvétie, à savoir : le lac de Neusiedel, en Hongrie, 
au sud de Presbourg ; l’Attersée (avec cinq stations); le Traunsée, les lacs de Mund 


et de Gmund au sud de Salzbourg ; en Carinthie, sur la Drave, le lac de Keut- 


schach, et enfin le lac de Laybach, en Carniole, une des stations légendaires des 
Argonautes, le Nauportus des anciens. » 


. M. Bertrand appuie son argumentation en rapprochant des palañittes 
néolithiques les terramares italiennes qu’il considère comme intermédiaires, chro- 
nologiquement parlant, entre les stations lacustres de la pierre et les stations du 
bronze. Puis il poursuit en citant l’opinion de Larcher qui, dans sa traduction 
d’AHérodote, parle d'habitations sur pilotis existant encore sur les bords du Don 


ou Tanaïs, et conclut, à l’origine colchidienne des palañittes. Sans contester 


1 ALEXANDRE BERTRAND. La Gaule avant les Gaulois, p. 128: 


| 


n 


2 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

l'exactitude du fait affirmé par Larcher, il est permis de croire que le savant 
helléniste, s’il revenait au monde, serait bien surpris de voir son innocent témoi- 
gnage devenir un document concluant dans la recherche du point de départ de ce 


genre d'habitation, au même titre que les cités lacustres de la Suisse et de 


l'Italie, si patiemment, si laborieusement explorées par nos archéologues les plus 
compétents. 

Comme l'affirmation des auteurs anciens ne nous suffit pas pour établir l’existence 
d’une civilisation ou d’un peuple dans une contrée, moins hardi que les archéologues 
classiques, nous attendrons que des investigateurs courageux entreprennent, au 
mépris des microbes paludéens, des fouilles dans ces eaux dangereuses et 
nous révèlent en GColchide la présence de vestiges certains de constructions sur 


pilotis antérieures à nos premières palañttes européennes. 


ORIGINE DES ANIMAUX DOMESTIQUES 


Il semble démontré actuellement que c’est pendant la période néolithique que se 


sont montrés en Europe la plupart des animaux domestiques et les céréales. 


Aussi il est intéressant de rechercher si les idées que l’on se fait de leur 


origine concordent avec celles que l’on a émises au sujet du point de départ de 
cette civilisation. 

Les hommes paléolithiques qui vraisemblablement se sont développés sur place 
pendant toute la période quaternaire, n’ayant à lutter que contre les difficultés 


souvent considérables de la vie matérielle, n’ont dû subir cette transformation si 


radicale de leur industrie et de leurs mœurs que sous linfluence d’une importation 
sans doute lente et pacifique, mais décisive. 


C'est assurément un événement de la plus haute importance dans l’existence de 


ces populations occidentales que cette révolution dans leur outillage et leur genre de 
vie. Presque simultanément en effet, ils reçoivent la hache polie, la poterie, les 
animaux domestiques, les céréales, les monuments mégalithiques, les idées reli- 


gieuses et le culte des morts, toutes choses inconnues à l'époque palé 


olithique. 


ÉPOQUE NÉOLITHIQUE ne 

Rien ne s'oppose pourtant à ce que l’on admette que les populations paléo- 

ithiques, continuant leur évolution lente et progressive, soient arrivées d’elles- 

mêmes à la pratique de la domestication des animaux utiles. Celle-ci a pu être 

perfectionnée plus tard sous l'influence de nouveaux venus, experts depuis plus 

ongtemps, sans doute, dans cet art qui ne devait pas manquer de difficultés dans 
e principe. 


Les perfectionnements considérables accomplis dans la fabrication des armes et le 


développement successif qui s’était opéré dans la manière de s’en servir avaient cer- 
ainement rendu de plus en plus fructueuses les chasses des hommes de l’époque du 
Renne. 

Les chasses quaternaires devaient être d'autant plus productives que, pendant cette 
ongue période, le climat était généralement doux, humide et assez régulier, On sait 


que ces conditions sont essentiellement favorables au développement des végétaux et 


par suite à celui des herbivores dont Paccroissement doit favoriser à son tour celui 
des carnassiers. 

Mais, après le retrait des glaciers, au moment où le climat commençait à 
devenir ce qu'il est de nos jours, la végétation dut se modifier et la multiplication 


des populations animales dut en souffrir. Les vigoureux chasseurs de Renne, 


menacés de mourir de faim, furent forcés’ de changer leurs habitudes. 

C’est alors que simultanément, sans doute, les peuplades les mieux douées et les 
plus capables de se plier aux nouvelles conditions d'existence commencèrent la 
domestication de quelques animaux qui les entouraient et qui paraissaient les plus 
sociables . 

Au contact des émigrants orientaux nos paléolithiques ont dû vaincre cette 
répugnance bien naturelle à abandonner leurs anciennes coutumes. Il devait être, 


en effet, très pénible à ces chasseurs, comme cela arrive à tout homme sauvage et 


vraiment indépendant, de renoncer à cette vie d’aventures : peu à peu, ils devinrent 
pasteurs plus où moins sédentaires ; puis, s’abritant dans des demeures fixes, ils 
se firent agriculteurs. - 

Les animaux domestiques qui passent pour avoir apparu avec la civilisation 
néolithique sont le chien d’abord, le mouton, la chèvre, le bœuf, le cochon et enfin 


le cheval. 


Gauc. I 10 


| 


a 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


Quant aux céréales qui les accompagnent ce sont le blé ou froment, l'orge et le 


seigle, puis une plante textile, le lin. 


En ce qui concerne le chien, l’animal domestique le plus anciennement connu, il a 


pu précéder les migrations néolithiques, car il est, de 


ous le 


s serviteurs de 


lhomme, le plus indispensable au chasseur primitif. Il est le seul aussi qu’il n’est 


pas nécessaire de surveiller et L 


> meilleur gardien de la hutte ou 


de la tente. Le 


chien existe de nos jours chez des peuples sauvages qui n’ont aucun autre animal 


domestique. Les races canines 


sont si nombreuses que l’on est porté à leur 


assigner des origines différentes. On leur a donné pour ancêtres tantôt le renard, 


le chacal ou le loup, tantôt certains chiens vivant actuellement encore à l’état 


sauvage dans l'Inde centrale ; 
peut-être jamais démontrées. 
C’est entre l'Himalaya et la cô 
des chiens domestiques primiti 
le Colson et le Buansu, qui ont d 
les chiens néolithiques. On do 
sauvage de l’Abyssinie, qui a é 
dynastie. On a prétendu aussi c 


chercher l’ancêtre du chien néc 


ces origines, encore très discutal 


dans ces régions vivent deux € 
es ressemblances ostéolosiques très 
it citer aussi le Caberu, sorte de 


té domestiqué par les Kevptiens « 


foss 


es pour résoudre ce prob 


lithique, mais on a encore trop 


ème On possède, au contraire, « 


les, ne seront 


e de Coromandel, que-lon doit trouver le prototype 


1iens Sauvages, 
marquées avec 
grand lévrier 


ès la troisième 


ue &est parmi les chiens quaternaires qu'il faut 


peu de restes 


es éléments de 


comparaison suffisants pour rattacher le chien néolithique à ceux de l’Inde. 


De tous les animaux domestiques, le cheval est sans contredit celui dont l’histoire 


se trouve le plus intimement liée à celle de l’humanité primitive. Après avoir été 


mangée par les populations paléolithiques, cette espèce est devenue en Europe un 


des plus précieux auxiliaires de l’homme néolithique, peut-être bien avant l’arrivée 


des importateurs asiatiques de x 


nouvelles races chevalines. 


Un cheval sauvage semblable à celui des palafittes vivait en nombreux troupeaux 


durant l’époque quaternaire non seulement en Europe, mais dans toute l'Asie 


mineure et parcourait les bassins de la'mer Caspienne, de la mer Noire, l'Arménie 


et le Caucase. 


Moins répandus que le cheval, les deux types des Dœufs quaternaires étaient 


cependant très nombreux en Europe et dans l’Asie occidentale. 


ÉPOQUE NÉOLITIHIQUE 75 

Pour M. Sanson’, le berceau du Bos asiatieus, que l’on rencontre dans la 

Camargue et surtout en Hongrie doit se trouver dans l'extrême Orient, non loin des 

rivages de la mer de Chine, d’où il serait venu dans les steppes de la mer Caspienne, 

chez les Kirghiz, puis dans la vallée du Danube et enfin en Italie et sur le delta du 
Rhône. 

Le cochon domestique qui, pour tout le monde, descend du sanglier, se trouve 


en Asie comme en Europe ; mais ce n’est même qu'en Cochinchine que se trouve 


uu pore se rapprochant de celui des tourbières. 
Le mouton descend vraisemblablement du mouflon, qui présente actuellement 
des formes peu différentes les unes des autres, depuis la Corse, Chypre, l’Asie 


mineure, l'Arménie, le Caucase, jusqu’à l'Himalaya et au Thibet, où il se rencontre 


encore sous le nom d’Arga 

La chèvre peut être un dérivé du bouquetin ou de l’égagre de l’île de Crète, de 
l'Arménie, de la Perse et du Caucase. Dans ces pays la chèvre domestique s’unit 
spontanément à ces deux types et produit des métis féconds. 


L’aire géographique dans laquelle sont répandus les types ancestraux sauvages 


d’un grand nombre de ces animaux domestiques occupe, comme on le voit, des 


étendues considérables sur la surface terrestre. 


Il résulte de ce qui précède que tous nos animaux domestiques ne viennent pas de 
cette vaste région comprise entre la Méditerranée, la mer Noire, la mer Caspienne, 
VArarat et le Caucase, c’est-à-dire des hauts plateaux de l'Arménie y compris les 
grandes montagnes qui les entourent. Cette opinion admise encore par quelques 
auteurs, en souvenir sans doute de la légende de l'arche de Noé, n’est donc plus 
soutenable. 

À la suite des animaux domestiques dont l'introduction est attribuée à des 
importations asiatiques, trois céréales : le blé, le seigle et l’orge auraient égale- 
ment apparu. 

C’est donc une agriculture complète venue ainsi de toutes pièces, qui n’a pas 


non plus pris naissance dans nos pays. Ces trois céréales n’ont pas d’ancètre en 


1 Sanson. Zootechnie, t. IV, p. 1 


| 
1) 
| 


76 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
Occident, et leurs descendants échappés à la culture y disparaissent rapidement. 
Vers le Caucase, au contraire, ces individus spontanés ou sporadiques, outre 
qu'ils sont plus fréquents, se perpétuent souvent plusieurs années. Ceci tendrait 
à prouver que ces végétaux sont, au Caucase, très près de leur lieu d’origine, 
s'ils ne s’y trouvent pas en réalité. 

Quant au lin, dont les néolithiques ont fait un grand usage, comme le prouvent 
les découvertes des palafittes, il paraît avoir à peu près la même provenance. 

Nous sommes done conduit à admettre que les animaux domestiques, comme les 
céréales, ont été apportés chez nous par les importateurs de l’industrie de la pierre 
polie, de la céramique et des dolmens. Partis vraisemblablement de divers points 
de l’Inde ou simplement des'régions iraniennes, ces initiateurs ne sont parvenus 
en Europe qu'après avoir fait un séjour prolongé sur les plateaux de l'Arménie, 
dans les vallées du Caucase et en Asie mineure, c’est-à-dire en Asie occidentale 
mais non exclusivement dans les régions caucasiennes. 

C'est là que des investigations nouvelles devraient être dirigées, elles auraient 
beaucoup de chances de faire entrevoir les divers phases de cette civilisation si mal 
connue encore dans ces pays et qu'il importe cependant de suivre pas à pas, car 
elle a, dans sa marche d’orient en occident, tracé en quelque sorte la route aux 


importateurs du bronze. 


AGE DU BRONZE 


Il paraît vraisemblable que lnde a transmis à l'Occident les premières 
notions de la métallurgie; pourtant aucune trouvaille importante n’a permis 
jusqu’à ce jour de relier d’une façon certaine les vestiges de l'Age du Bronze euro- 
péen aux civilisations anciennes de lOrient. 

En classant dans chaque pays les pièces importées et les produits locaux de 
cette industrie, on est arrivé à tracer quelques réseaux indicateurs conduisan 
les uns de l’ouest et des régions méridionales de l'Europe en Grèce et en Asie 


mineure, les autres du nord-ouest et du nord vers la mer Noire par le Danube et 


e Dnicper. 

Au dela de ces contrées, l'archéologie positive n’a fourni qu'un bien peti 
nombre d’observations. Le Caucase, en particulier, n’a encore donné lieu 
qu’à des découvertes en partie discutables. Cependant quelques antiquaires n’on 


pas craint, malgré linsuffisance évidente des recherches et des résultats acquis, 


de faire des montagnes de la Transcaucasie un foyer métallurgique très primitif 
d’où le bronze aurait rayonné à la fois sur l'Europe et sur l’Asie occidentale. À 


défaut de preuves archéologiques, cette théorie s’étaye sur une série d’identifications 


| 
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78 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
plus où moins heureuses dont Dubois de Montpéreux a donné le premier exemple‘, 
et où les textes sacrés jouent un rôle capital. 

François Lenormant?, l’un des représentants les plus autorisés de l’école clas- 
sique, attribuant à Tubalcaïn l'invention de la métallurgie, a montré d’après le 


baron d’Eckstein ? l’importance presque exclusive que cette école accorde au récit 


de Moïse pour éclairer le sujet qui nous occupe. 

« Tubal, dit-il, nom de tribu, nom probable de corporation, est l’équivalent des 
Telchines de la Grèce primitive. Nous rencontrons, au dixième chapitre-de la Genèse, 
ce nom qui s'applique à une race caucasienne, à celle des Tibaréniens, voisins des 
Chalybes, aborigènes des montagnes qui avoisinent le Pont-Euxin, forgeant le fer, 


travaillant l’airain, fameux du temps des Argonautes. Chez Ézéchiel, Tubal est 


au nombre des tribus vassales du commerce de Tyr, cité à laquelle elles livraient 
V'airain de leurs montagnes. » f 
Même s’il était possible d'admettre sans réserve l'identification de Tubal et 
Mes’ek avec certaines tribus caucasiennes, les affirmations des auteurs que nous 
venons (le citer ne sauraient servir de base à aucun système quelque peu scienti- 
fique touchant l'introduction du bronze en Occident, En effet. aucune découverte, 
aucune preuve archéologique n’est venue nous révéler l’état industriel des métal- 


lurges auxquels il est fait allasion. 


1 Dusors pe MonrPéREUx. Voyage autour du Caucase, t. II, p. 17, note 2 : « Le nom de Meskhes est 


nom doit être de toute & 


sien pour les peuples de la Moskhike où Moschique. 


ciennetc chiel l'emploie 
(chap. xxvir, v. 13) quand, faisant la description du grand commerce de Tyr, il dit : « Tubal et Mesekh 
« ont été tes facteurs et t'approvisionnent d'esclaves et de vases * d'airain. » — Tome IT, p. 336 : « Mesekh.…., 
« occupe la pointe qui s'étend entre la Colchide et la Géorgie, c'est-à-dire tout le pays compris entre les sourc 
« de la Kvirila et celles du Cyrus (Koura). — 1d., p. 338 : « L'identité de Tobel on Tubal et des Géorgiens est 
ge entre Tubal et Iberia est le Tibarèni d'Hérodote,.. Je prouve que l'airain 
« de Tubal venait des riches mines du Somkheth, et que le fer des Khalybes était forgé tout près de là, dans les 
« fonderi 


€ aujourd’hui reconnue ., Le pa! 


nombreuses de Koulpe et d'autres lieux voisins. Et de quelle antiquité ne devait pas être le renom 
« de ces établissements de mines, puisqu'avant le déluge on voit déjà Tubal-Cuïn être l'inventeur et le forgeron 
« de toutes sortes d'instruments d'airain et de fer! » 

? Les monuments de l'époque néolithique l'invention des métaux et leurintroduction en Occident, Gasette des 
Beaux-Arts. Décembre 1867. 


5 Athenæum français du 19 août 1854. 


* Le professeur Reuss, dont la version fait actuellement autorité, ne parle pas de vases d'a 
ainsi : « J: k (l'Ionie, le Pont et la Colchide) trafiquaient avec toi; avec des 
0 uARD Reuss. La Bible, traduction nouvelle, av. 
chiel, xxvn, 13). 


rain dans ce 


raphe, qu'il traduit 
claves et des objets d'airain, ils 
introduction et commentaires, Les P7 ophèles, t. II: 


n, Tou 


faisaient l'échan: 
ch, xx 


AGE DU BRONZE vis) 

Les données dites historiques, pour nous conduire à travers les civilisations pri- 
mitives seront toujours, en Orient plus que partout ailleurs, des guides très peu sûrs. 
De l’aveu même de Lenormant !, l’histoire de linvention des métaux est entourée de 
fables chez tous les peuples de l'antiquité. Ce n’est pas à ces fables — et nous ne 
ferons point, comme lui. une bienveillante exception en faveur de celle de Tubal- 
Caïn — que nous demanderons le secret de cette invention « si merveilleuse et si 
bienfaisante que l'imagination populaire y voyait un présent des dieux ». Pré- 
férant des faits susceplibles de contrôle à tous les commentaires de légendes 
ou de traditions, nous nous efforçcons de réunir les quelques documents positifs 
que l’on possède sur ces temps obscurs et si peu étudiés encore en Asie. 

Les découvertes permettant d'établir l'existence d’un âge du bronze au Caucase 
sont de deux sortes : les dépôts ou stations dans lesquels on trouve des traces d’ha- 
bitation ou de fonderie, puis les objets isolés. 

La présence d’un certain nombre de moules accompagnés de lingots est un 
indice des plus précieux pour démontrer le séjour plus ou moins prolongé d’une 
peuplade de l’âge du bronze, mais la provenance du métal reste le plus souvent 
introuvable. 

Un élément des plus considérables pour l’étude de l’origine de la métallurgie, 
et qui a été négligé par ceux-là même qui prétendent la trouver au Caucase, devra 
attirer notre attention : c’est la connaissance des gisements de cuivre et d’étain de 


cette vaste région. 


MINES DE CUIVRE 


Les mines de cuivre sont fort nombreuses au Caucase et leur importance commence 
à être connue en Europe. 

M. Davidoff, propriétaire de mines en Kakhetie, dans une étude * qu'il vient de 
publier sur les gisements de cuivre de l’isthme caucasien, les divise en cinq groupes 


principaux, qu'il classe d’après l'ancienneté de leur exploitation, savoir : 


4 Fr. LENORMANT. Les premières civilisations, t. I, p.86. 


? Davinorr, L'industrie du cuivre dans la Transcrucasie. Odessa, 1884. 


80 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

4) Groupe du Tchorokh, fleuve côtier de la mer Noire, dont l'embouchure se 
trouve à Gounich, au sud et non loin de Batoum, et dont les principaux centres 
cuprifères sont situés entre la frontière turque et Artvin, à Khod-elia, Melo, Ortjok 
et Goumich-Khane. 

2) Groupe du Zanguezour, au nord de PAraxe, en aval de Nakhitchevan. 

3) Groupe du Bortchalo, affluent de la Koura, comprenant les gisements 
d’Akhtala, de Chamblouk et d’Alaverd ainsi que, plus à l’ouest, celui de Dambloud, 
sur la Chrama. 

4) Groupe d’Elisavetpol formé principalement des exploitations de Kedabek et 
de Kalakent sur la Chemkoura, affluent de la Koura. 

5) Groupe de la Kakhétie, situé dans la région de Telav, sur la rive gauche de 
V'Alazan. 

Outre ces gisements de premier ordre, Bayern m’en signale un certain nombre 
de moindre importance en Abkhazie, en Tzebelda, en Somkhetie, en Digorie 
et sur l’Akstafa. Il croit aussi que la région granitique des sources de la 
Kobanka (Ghisel-don) n’est pas dépourvue de cuivre et de plomb. Il a trouvé des 
traces de ce dernier métal dans le granit près de Darial et de la pyrite de cuivre 
dans la vallée de l’Ardon‘. 

Enfin je dois à M. l'ingénieur Léger, de Lyon, qui a fait plusieurs voyages dans 


la grande chaîne et dans les ré 


gions voisines, la connaissance d'anciens puits de 
mines de cuivre. Ces puits, fort nombreux aux environs de Krinovski-Outara, près 
de Backmont (bassin du Donetz) atteignent une profondeur de quatre à cinq mètres 
sur un mètre de diamètre. La disposition des attaques et la découverte au fond de 


ces cavités d’un certain nombre de haches et de marteaux en roches dures (diorite, 


quartzite) montrent des exploitations fort primitives. Elles consistaient dans l’ex- 
traction de malachite et d’azurite faciles à traiter et dont les belles couleurs avaient 


dû de bonne heure attirer l’attention. 


On retrouve sur les parois de ces puits des entailles en échelons sur un côté, 
tandis que la face opposée est polie et lisse. Les ouvriers qui exploitaient sans 


boisages et se transportaient ailleurs dès que l’excavation atteignait une certaine 


1 Bayern. Notes manuscrites. 


AGE DU BRONZE 81 
profondeur, devaient descendre et monter les charges en appuyant le dos contre la 
paroi. 

Il serait intéressant de faire des recherches aux environs de ces gisements. 
Peut-être y découvrirait-on des traces de fonderies qui sans doute nous renseione- 


raient sur les procédés des anciens métallurges de ces rl 


ions, ainsi que sur les 


diverses époques pendant lesquelles on a utilisé ces minerais. 


Nous avons à faire remarquer la ressemblance des instruments en pierre décou- 
verts dans les anciens puits de Krinovski avec ceux qui ont été employés dans les 
antiques gisements de l’Angleterre, de l'Espagne, ainsi que par les Peaux-Rouges, 
jour l'exploitation du cuivre natif dn lac Supérieur. 


Les mines de cuivre du Caucase sont tout au: 


considérables que celles de la 
Hongrie et de Chypre, régions qui ont été signalées comme centres ‘de produc- 


ion initiale du bronze. Il n’est cependant pas probable que l'invention de cet 


alliage en soit sortie. En effet, une grande richesse en minerai de cuivre ne suffisait 


as aux Caucasiens pour produire le bronze; il fallait encore avoir à proximité 


‘étain, élément indispensable à sa fabrication; or, ce dernier minéral est rare au 


Caucase, si toutefois même il y existe. 


MINES D’ÉTAIN 


D’après M. Dufréné’, l’étain des premiers bronzes égyptiens proviendrait du 
Caucase, et dès lors ce métal y aurait été exploité depuis la plus haute antiquité. 
M. Dufréné appuie cette opinion sur la parenté possible entre les mots Æazbek, 
nom de l’un des pics les plus élevés du Caucase, et Æhespet, mot qui servait à 
désigner l’étain chez les anciens Égyptiens. 

Cet argument étymologique, si ingénieux qu'il soit, ne saurait prévaloir contre 
l'absence, scientifiquement constatée, de tout gisement d’étain au Caucase. 
M. Dufréné n’est pas le premier, d’ailleurs, qui, séduit par l’ensemble des traditions 


bibliques et profanes, ait fait des montagnes de l’Ibérie un centre stanifère de la 
[ ] $ 


1 Durréné. Étude sur l'histoire de la production et du commerce de l'étain, p. 22, in-8. Paris, Lacroix, 1881. 


Cauc. I. 11 


28 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
plus haute importance. François Lenormant!, dans son mémoire déjà cité sur l’inven- 
tion des métaux, est tombé dans la même erreur avec une confiance obstinément 


ante école. Cherchant quel pays à étain peut avoir 


partagée par toute une puis 
donné naissance au bronze, le brillant érudit écarte successivement la Grande- 
Bretagne, l'extrême Orient et les péninsules méridionales de PAsie. « Restent, dit- 
il, les gisements de l Ibérie caucasienne et ceux du Paropamisus. 


« Les uns et les autres ont été activement fouillés dès un temps bien plus reculé que 


celui des voyages des Phéniciens aux îles Cassitérides. Dans la Géorgie actuelle, on 


découvre les traces d'exploitations d’un caractère extrêmement primitif dans les filons 


de minerai d’étain, et le silence absolu que gardent au sujet de l’extraction de ce métal 
chez les Ibères, les écrivains grecs et latins de l’époque impériale, et l’historien armé- 
nien Moïse de Khorène, semble indiquer que les travaux dont les vestiges attestent 
un assez grand développement d'activité minière, étaient déjà abandonnés vers le 
temps de l’ère chrétienne. » 

Il y avait pourtant une excellente raison pour que niles Grecs, ni Moïse de Khorène 
ne parlassent de l'extraction de l’étain chez les Ibères du Caucase: c’est que cette 
chaîne, non plus que les plateaux de l’Arménie et les monts Mesques — ancien 


habitat des Mes’ek de la Bible — n’en a jamais contenu. C’est du moins le résultat 


des recherches géolosiques de MM. Abich, Bayern, Radde, Favre et d’une fou 
d’autres auteurs aussi compétents et consciencieux. 


Cette preuve négative devrait dès à présent mettre hors de discussion l'hypothèse 


adoptée par M. Dufréné. Néanmoins, s’il était démontré que l’Oural possède « 


l’étain, un des côtés les plus importants de ce système, la direction nord-sud du 
commerce primitif de ce métal, voiremême du bronze, serait garantie de tout reproche 
d’invraisemblance. À l'appui de cette théorie, on pourrait citer une intuition très 
hardie de Bayern, qui se rapporte, il est vrai, dans la pensée de son auteur, 
à une époque plus récente, mais qui ne perd rien de sa valeur lorsqu'on l’applique 
à la première phase de la métallurgie : 


L’étain, m’écrivait-il en octobre 1883, venait de l’Oural aux ports de la Caspienne, 


puis remontait le cours des grands fleuves du nord du Caucase, Terek, Kouma et 


1FR. LeNoRManT. Loc. cit.,t. I, p. 128. 


AGE DU BRONZE 83 
Maniteh. Par ce dernier il se rendait à la mer d’Azov, puis dans la mer Noire et de là 
dans les provinces centrales et méridionales de l’Europe, Par le Terek dont le lit 
était alors, d’après Bayern, un golfe de la mer Hyrcanienne, l'étain pénétrait au 
Caucase et, par le centre de la chaîne, la route médique et la vallée de PAkstafa, il 


gagnait l'Arménie, la Perse, la Syrie, l'Arabie, la Phénicie, l'Egypte, ete. ete. 


L'absence de l’étain au Caucase une fois reconnue, ilne s'ensuit pas que l’on doive 
refuser à cette contrée un certain développement métallurgique pendant l’âge du 
onze. L’incomparable civilisation manifestée à Koban, civilisationque nous aurons 
à étudier prochainement, témoigne d’une industrie trop avancée et, malgré de nom- 
reuses et saillantes affinités, trop vraiment indigène, pour n'avoir été précédée 
d'aucun essai moins parfait. Si peu fréquents que soient les vestiges attestant 
cette manière de voir, il ne semble pas improbable que quelques objets aïent été 


abriqués sur place bien avant le premier âge du fer, il est vrai, mais alors que 


a diffusion de la métallurgie avait déjà atteint en partie l'Occident. 


A cette époque, les populations des vallées du Térek, de la Koura et du Kouban 
étaient certainement en relations constantes avec l'Orient qui fournissait de Pétain 
à l’Assyrie et à l'Égypte. — Il serait en effet difficile de dire, en dehors de ces 
relations, d’où provenait l’étain employé par les métallurges caucasiens pour la 


fabrication de leurs objets de bronze. 


On ne peut admettre qu’il ait été transporté du Nord ou de l'Occident de l’Europe 


durant ces temps primitifs, comme on l’a prétendu pour la Phénicie, où le fait peut 
être exact pour une époque plus rapprochée de la nôtre que le commencement de 
âge du bronze. 


Faut-il, avec Lenormant’, le faire venir de PAsie centrale, par exemple des mines 


très anciennement exploitées que M. von Baer a signalées au Khorassan *? Ou de 
l'Inde, c’est-à-dire du pays auquel on peut attribuer jusqu'ici avec le plus de vrai- 
semblance l'invention du bronze? Je ne reviendrai pas sur les raisons que M. Gabriel 


de Mortillet a fait valoir en faveur de cette dernière opinion. Elles sont très nette- 


1 Loc. cit., p. 9 et suiv. 
2 Von Bazr. Archiv für Anthropologie, t. IX, 4e liv., 1876. 


| 
| 
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84 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 

ment formulées dans la Revue d’ Anthropologie (n° 4, 1875) et je les ai résumées 
moi-même dans mon Age du Bronze. Rien ne s'oppose du reste à ce que les 
gisements de l'Asie centrale aient fourni, mais à une époque plus tardive, leur 
contingent d’étain à mesure que l'expansion du bronze en nécessitait des quan- 
tités de plus en plus grandes. Les marchés de l'Inde n’auraient, d’ailleurs, rien 
perdu de leur célébrité pendant cette concurrence, puisque c’est de là que les 


Phéniciens ont tiré tout d’abord leur étain ?. 


Les objets trouvés à Koban prouvent que les relations du Caucase avec la Chaldée 
et sans doute aussi avec l’Asie centrale élaient considérables. car, à côté des nom- 
breuses traces d’une influence orientale que l'on observe dans les sujets décoratifs, 
on trouve des ornements en étain pur et quelques pièces d’un bronze particuliè- 
rement riche en étain. 

C’est écalement avec une civilisation analogue à celle de Koban, si bien carac- 


térisée par la spirale, le swastika, et les représentations animales que l’on rencontre 


en Europe l’étain employé isolément où comme incrustations. 

Pendant cette période de progrès, l’étain, ainsi utilisé en Occident et au Nord. à 
pu provenir des gisements signalés en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France 
où en [talie; mais alors on est bien loin de ces temps primitifs pendant lesquels 


l'usage du bronze s’est infiltré peu à peu au milieu de la civilisation néolithic ue. 
8 I 


Un fait curieux mérite encore de fixer l’attention, c’est l'absence, au Caucase, 


d'objets en cuivre affectant les formes de l’âge du bronze. Il serait pourtant 


naturel d’en rencontrer dans ces régions riches en cuivre au 


si bien qu’en 


Égypte, à Chypre”, dans l’Inde et en Hongrie où pareils objets ont été signalés en 
grand nombre. On sait que l’on attribue les haches et les marteaux de cuivre pur, 
découverts dans ce dernier pays, à une période de disette d’étain et qu'ils appar- 
tiennent vraisemblablement à la fin de l’âge du bronze. 


On a parlé aussi plusieurs fois d’un àge du cuivre en Espagne et en Portugal. 


1 T. II, p. 805 et 806. 
* Historische Fragen mit Hülfe der Naturiwissenschaften beantwortet. Saint-Pétersboure, 1873. 


# Franks, congrès de Stockholm, 1874 p. 346, 


AGE DU BRONZE 85 
M. Vilanova s’est fait, au Congrès international d'anthropologie de Lisbonne‘, le 


champion de cette idée : « Dans un pays, dit-il, où le cuivre abonde considéra- 


blement, et l'on peut citer à l’appui le grand nombre de mines en exploitation depuis 


les temps les plus reculés, je trouve bien plus naturel que l’homme ait commencé à 
se servir d’abord du métal simple et que seulement après de longs et pénibles essais 


il ait appris à mêler le cuivre avec l’étain dans des proportions convenables pour 


obtenir le bronze. Cela ne veut pas dire, Messieurs, que dans des temps bien posté- 
rieurs l'Europe n’ait pas reçu, dans la fabrication du bronze, l’influence des races 


asiatiques; ce que je voulais soumettre à votre jugement, c’est seulement que le 


cuivre en Espagne a précédé le bronze et que cette branche de l’industrie a été tout 


à fait indigène. » 


Ainsi présentée, la question n’a qu’un intérêt purement local et dépend tout entière 


des analyses auxquelles furent soumis les objets qui ont donné lieu à cette hypothèse, 


du type de ces objets et de leurs rapports avec celui des pièces analogues trouvées 


hors de la péninsule ibérique. Ce sont ces rapports, en effet, qui permettront de 


fixer la date relative des découvertes auxquelles M. Vilanova a fait allusion et par 


suite de discuter le problème de l’âge du cuivre espagnol. 


Au sujet des analyses j'ai présenté ailleurs, quant à la manière de les opérer, des 
réserves expresses justifiées déjà antérieurement? et que je crois devoir: maintenir. 


Relativement à la forme des antiquités et à la date que l’on doit leur attribuer, 


je rappellerai ici l'opinion émise à la suite de la communication deM. Vilanova par 
M. G. de Mortillet : « Les haches plates, qui sont souvent en cuivre, il faut l'avouer, 
paraissent bien plus récentes que les haches de bronze affectant d’autres formes. Je 
nepuis done accepter Fhypothèse de M. Vilanoya. » Il semble que, même en 


admettant que ces haches soient réellement en cuivre, la question se réduirait 


1 Consrès international ‘anthropologie et d'urchéologie préhistorique de Lisbonne, 1880, page 192. 


? Parcilles prétentions ont été élevées autrefois en faveur de certains petits objets métalliques trouvés dans les 


dolmens du midi de la France * et surtout à propos des pièces en brouze recueillies par M. Schliemann dans les 


s ont prouvé l’existence de 


fouilles d'Issarliek** et que cet explorateur soutenait être en cuivre pur. Des anal 


J'étain dans la composition de ces antiquités. 


je du bronze, 1875, t. 11, p. 36. 
1874, traduit de l'allemand pa 


* ERNgst CHANTRE. 


Ramgabé. Appendice. 


+ Rapport sur les fouilles de Troie. Leip 


86 REGHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
aux mêmes termes en Espagne et en Portugal qu’en Hongrie. Nous considére- 
rions ces instruments comme dus à une disette momentanée d’étain. 

L'absence au Caucase de ces pièces en cuivre pur prouverait une fois de plus 
la continuité des rapports qu'il entretenait avec des régions pouvant lui fournir 
l'étain qui lui manque, c’est-à-dire l'Inde et l’Asie centrale. 

Les premiers bronzes du Caucase semblent y avoir été importés des contrées 


productrices, comme ils l'ont été tout d’abord au Nord et à l'Ouest. On à pu fondre 


quelques pièces en Abkhazie, mais rien ne prouve que l’alliage ait été tout d’abord 


opéré sur place. 


I1 faut donc revenir pour le Caucase comme pour lOccident, à la théorie 
[ 


de la diffusion lente et progressive de la métallurgie par des commerçants ou 


fondeurs nomades (Tziganes, Tzengaris, Gitanos, Bohémiens, Gypsies, Calderari 
Le) 5 ; YE 


venant de la région où le bronze a pu être inventé. 


Ce n’est point la une hypothèse sans fondement. Outre les arguments qui ont été 
irés des caractères de certains produits industriels de l’âge du bronze, les migrations 
et l’origine des hordes Tziganes, aujourd’hui sérieusement étudiées, semblent venir 


en confirmer la réalité. Le rôle de ces fondeurs ou forgerons se dégage en effet de 


lus en plus des ténèbres dont l'imagination des anciens s’était plu à l’entourer. 


= 


Sigynes, Sinti, etc., d’une part, et les 


Les rapports existant entre les Tziganes 


corporations mystérieuses des Telchines, Dactyles et Gabires des Grecs, le passage et 
mêm le séjour, à diverses époques, dans les régions qui nous occupent, de ces bandes 
de métallurges ainsi que leur point de départ presque invariable pour tous les 
auteurs sont autant de faits que les travaux de MM. Vivien de Saint-Martin, 
Fournet ?, Rossienol* et bien d’autrest ont puissamment contribué à faire con- 
naître. 

Il est fort probable que le rôle de ces tribus était déjà beaucoup diminué à l’époque 


où ont été composés les textes qui ont permis de le reconstituer. La connaissance 


1 Études de géographie ancienne et d'ethnograplie asiatique. 


? De l'influence du mineur sur les prog 
t. XII, 1860. 
3 Les métaux dans l'antiquité. Paris, 1869. 


ès de la civilisation. Mémoires de l'Académie de Lyon, classe des sciences, 


4 Baron d’Eckstein, Paul Bataillard, etc. 


AGE DU BRONZE 87 “ 
de leurs procédés industriels avait dû, malgré le secret dont ils s’entouraient, se 
répandre peu à peu jusqu'au moment où les Phéniciens les supplantèrent dans 
le commerce des objets métalliques. Mais à l’époque de l'introduction du bronze 
en Occident, ces dangereux concurrents n’existaient pas encore et les Cal- 
derari devaient avoir une importance dont ne peuvent donner aucune idée 
les bandes misérables et vagabondes qui errent actuellement en Europe sous le 


nom de Bohémiens, 


En ce qui concerne le Caucase, des Tziganes l'ont parcouru à diverses reprises 
et ont peut-être séjourné longtemps dans quelques-unes de ses vallées. 
M. Vivien de Saint-Martin‘ dans son Caucase d’ Hérodote, et à propos de l’hypo- 


thèse qu’émet l'historien d'Halicarnasse au sujet de l’origine égyptienne des Colches ?, 


a cherché à prouver que les caractères anthropologiques qui avaientinspiré cette idi 


à l’auteur grec peuvent se rapporter à une tribu Tzigane que le poème orphique ? 


montre établie sous le nom de Sigumnes (Zvov ou mieux Zvwa, Sigunnes) dans 


le nord de la Colchide et qu'Hérodote avait prise pour une colonie égyptienne. 


Cette méprise paraît d’autant plus vraisemblable qu'Egyptiens, d'où l’on a tiré 


Gitanos et Gypsies, est une des nombreuses appellations que lon donne parfois 
à ces nomades. 

Au temps d'Hérodote, du reste, les Sigunnes * avaient déjà pénétré dans la vallée 
moyenne du Danube; Apollonius de Rhodes, quatre siècles plus tard, place des 
Sigunes (2) à l'embouchure même de ce fleuve ?. 

Quoique les historiens qui ont suivi Hérodote n’aient plus mentionné en Colchide 
ni Égyptiens, ni Sigunnes, il est facile de suivre les tribus de ces derniers et de 
déterminer leur situation au temps dont nous parlons. 

Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici cette étude qui a été très bien 
conduite, en ce qui concerne le Caucase, par l’éminent géographe auquel nous 


empruntons ces détails. Nous signalerons seulement parmi les faits curieux qu'il a si 


r-Marrix. Études de géographie ancienne et d'ethnographie asiatique. Mémoire historique sur 
la géographie du Caucase, p. 244 à 276. 
2 Henonorg. Lib. II, p. 158. Édition Saurar et Tarsor. Paris, Blois, 1864. 


3 Orpael. Argonautica, p. 754 (d'après M. V. de S.-M.). 


4 Vivien DE SA 


Herovors. Lib. V, p.362, 
5 Arorronu Ron. Argonaut. IV, p. 302. Trad. Caussin de Perceval (d'après M. V. de S.-M.) 


88 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 
bien mis en lumière, une particularité qui, si elle ne prouve rien quant à la diffusion 
des outils de bronze, montre cependant que les hordes errantes auxquelles on a été 
amené à attribuer cette diffusion n’ont jamais abandonné complètement l’isthme 
ponto-caspien. C’est l’existence dès une époque très reculée, sur les rives asiatiques 
du Bosphore Kimmérien, d’une peuplade que ses mœurs et ses lécendes rappor- 
tées par les anciens permettent d’assimiler aux Tziganes. Ces Sindit de l’extré- 
mité occidentale du Caucase ont été signalés par tous les autéurs antérieurs à 
Hérodote ?. 
Il serait aisé de multiplier ces exemples, d’en induire que le Caucase qui, dès le 
temps d'Homère, était le théâtre des mouvements de ces peuplades a pu, bien avant 
cette époque, en être déjà visité et profiter ainsi des bienfaits de leurs connaissances 


métallurgiques. Mais ces inductions maloré leur vraisemblance n’auront de valeur 


qu’autant que des découvertes réitérées auront permis de mettre hors de doute la 
participation du Caucase aux premiers courants importateurs du bronze. 
Les pages qui suivent montreront dans quelle mesure on peut affirmer quant à 


présent cette participation. 


DÉPOTS OÙ STATIONS 


La plus importante de ces stations a été découverte, il y a fort longtemps, à Novo- 
Rossisk, sur la côte abkhazienne de Ja mer Noire. Elle a fourni en un orand nombre 
de haches plates et de faucilles à boutons, puis quelques moules de pierre dure 


pour fondre des pièces semblables. 


Ces moules sont taillés sur les faces latérales de blocs rectangulaires en o 


erès dur 


ou en pierre olaire et des boutons tantôt en creux, tantôt en relief permettaient 
le repèrage des deux valves. Les n° 1 et 2 de la planche II montrent ces dispositions 


pour une hache à douille et à anneau. Le n° 1 et 2 dela planche IV donnent les 


1 Sinte est un des noms que se donnent traditionnellement les Tziganes et qui fut connu, bien avant Apollonius et 
ITérodote, par Homère. Odyssée, VIII, 294 et Iiade, I, 594 (d'après M. V. de S.-M.). 
2? Vivien DE Saint-Marin. Loc. cit., 272 et suiv. 


AGE DU BRONZE 89 
empreintes complètes pour un poignard et un ciseau, puis pour un couteau dont la 
contre-partie se trouve au bas de la planche HI. 

Ces pièces sont parfois irrégulières et ne présentent qu'une valve comme celles 
de la planche V dont le n° 1 montre l'empreinte d’une hache à talon, et le n° 2 celle 
d'une faucille. 

Beaucoup de moules rappellent d’une façon remarquable ceux que l’on a trouvés 


en Hongrie (fig. 23) ainsi que dans les terramares du Regoianais et du Modenais. 


Fi. 23. — Moule trouvé en Iongrie. 


MUSÉE DE HUDA-PESTI 


La 


uns ont été déposés et conservés dans les musées d'Odessa et de Moscou. 


lupart de ces objets sont dispersés depuis bien des années ; toutefois, quelques- 


Cette découverte peut être rapprochée de celles qui ont été faites à Guilei près 
du village de Mali-Kopani, à Kersonskaï, sur les rives du Schouta et à Perltana, 
sur le Dnieper, qui ont donné des objets analogues. 


On aurait également trouvé sur les rives du Konka et non loin du Dnieper, dans 


le village du prince Gregorew plus de cinquante haches accompagnées de limgots. 


Cauc 


(ll 
| 


90 RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


OBJETS ISOLÉS 


On a souvent confondu les objets de l'âge du bronze primitif avec leurs analogues 
de la période qui lui a succédé. I est cependant facile de les distinguer les uns des 
autres. 

Ces instruments sont des haches, des poignards et des faucilles. 

Hacnes. — Les haches sont de deux types principaux : les unes sont plates. 


sans rebord aucun, les autres sont à douille plus où moins ronde. 


Haches plates du Portugal, en bronze 


MUSEUM-DE LYON 


Des haches plates sans ornement ont été trouvées en Daghestan, en Kabarda 
et en Abkhazie (n° 2, pl. VI); on en voit au musée historique de Moscou et dans 
celui de Tiflis. Ces haches sont identiques à celles que lon a trouvé en Europe 
depuis le Portugal (fig. 24 et 25) jusqu'à la mer Noire et en Asie-Mineure. Elles 


26) et dans 


se rapportent aussi aux types découverts dans l'ile de Termia (f 


lnde, à Gungeria. 


Il faut encore citer trois haches à légers rebords conservées au musée de Tiflis et 


provenant de Ouroup, sur le Kouban. 


Quant aux haches à douille, qui pourraient être d’une époque moins ancienne, 


AGE DU BRONZE 91 
elles sont plus rares; on en a trouvé pourtant quelques-unes en Daghestan et en 
Abkhazie. Il en existe des spécimens au musée de Tiflis. Elles se rapportent aux 


formes de la Crimée et du bas Danube où elles sont également assez rares. 


. — Hache à douille de la nécropole de Koban. 


MUSÉE DE SAINT-GERMAIN 


F16. 26. — Hache plate en bronze F16. 3 @. x. — Hache à douille. Géorgie 
Ilede Termia GOLLEGTION DU GÉNÉRAL KOMAROFF 


BRITISH MUSEUM 


s.— Épingle de la nécropole de Koban 


MUSÈE DE SAINT-GERMAIX 


Deux types de haches assez particuliers, avec la douille transversale, doivent 
encore être signalés. L'un (fie. 27) provient de la nécropole de Koban, où il est 
fréquent, et l’autre (fig. 28) a été trouvé plusieurs fois en Géorgie; ce dernier 
est également représenté dans l’ornementation d’une épingle de Koban (fig. 29). 
Tous deux appartiennent au premier âge du fer et non à l’âge du bronze. 


FavuarzLes. — Les faucilles sont toutes du même type et grossièrement travaillées ; 


| 
| 


92 RECHERGHES ANTHROPOLOGIQUES DANS LE CAUCASE 


la plupart proviennent de la Kabarda et plusieurs sont conservées au musée de 


e en bron 
izavetpol 


MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU 


Moscou ; beaucoup malheureusement ont été perdues depuis leur 
dé 


Danube. 


ouverte. Elles se rapprochent de celles de la Crimée et du 


Porenarps. — Les poignards de forme primitive peuvent être 
facilement séparés de ceux du premier âge du fer: ils sont fort 
rares par suite probablement du petit nombre des fouilles mé- 
hodiques opérées jusqu’à ce jour dans ces régions. 

On peut signaler cependant quelques-unes de ces pièces con- 
servées au musée de Moscou et provenant sans doute de la Ka- 


jarda, où elles auraient été découvertes avec les faucilles et les 


haches plates dont il a été question plus haut. 

Une belle épée du musée de Moscou, découverte à Élisa- 
vetpol, et considérée comme de l'âge du bronze (fig. 30) doit 
être rapportée à l’époque hallstattienne. 

Divers. — Pour terminer cette série de pièces isolées il faut 
citer des bracelets en bronze, à tige ronde, trouvés dans la vallée 
de Bortchalo en Somkhetie; ces objets sont conservés au musée 


de Tiflis. 


Si nous cherchons maintenant des rapports entre les types que 
nous venons de décrire et ceux des autres pays, nous aurons à 
constater quelques faits intéressants. 

Il faut d’abord renoncer à rattacher ces Lypes à ceux qui se 
sont développés plus tard dans toute la région du Danube et du 
P6, ainsi que dans le Nord britannique et scandinave. On doit 
encore moins songer à les assimiler aux formes si spéciales des 


groupes ouralo-altaïque e sibérien. L'origine première de celles- 


ci est peut-être la même que celle des types du Caucase, mais la 


civilisation à laquelle sont dus ces derniers a suivi des voies toutes différentes et 


paraît antérieure. 


1 Wonrsaag. Des âges de la pierre et du bronze dans l'ancien et lenouveau monde. Mémoires des Antiquaires 


du Nord, 1880, p.187. 


AGE DU BRONZE 98 

Les vestiges de l’Age du Bronze ponto-caspien ne constituent point une industrie 
originale et propre à la région qui nous occupe. Ils appartiennent vraisembla- 
blement à la primitive importation orientale dont on retrouve les traces irrécu- 
sables sur le bas Dnieper et le bas Danube; puis dans le bassin de la Méditerranée, 
en Asie-Mineure, en Grèce, en Italie, en France, en Espagne et en Portugal. Le 
prototype de cette importation semble exister dans les découvertes de lInde 


centrale. 


Ce n’est donc pas du Caucase qu'est partie la découverte du bronze, et si l’existence 
d’un certain nombre de produits métallurgiques pouvant se rapporter à l’âce du 
bronze a pu être constatée dans cette région, rien ne permet de penser qu’elle a pu 
même avoir une influence sur l’expansion de cette industrie en Europe. 

Le Caucase comme l’Asie-Mineure a participé au premier flot importateur, mais 
on n’y trouve pas les preuves d’un développement de la métallurgie du bronze, 
malgré la richesse de ses mines de cuivre. 

On doit remarquer cependant que certains objets et surtout les moules montrent 
que l’industrie locale a eu des tendances à se faire jour. Mais les vestiges de cette 


industrie locale ne peuvent pas être confondus avec les produits du grand âge du 


bronze qui s’est développé lentement, remplaçant peu à peu les premiers modèles 
importés chez les populations néolithiques. 


En somme l’âge du bronze ne paraît pas avoir atteint un grand développement au 


Caucase; de même que dans les contrées méditerranéennes, il a été rapidement 
remplacé par cette nouvelle civilisation qui a, sinon inventé, du moins répandu 


timidement la connaissance du fer au Nord et à l'Ouest, en même temps qu’elle 


contribuait pour une si large part à la transformation des idées artistiques des habi- 


tants de ces pays encore presque sauvages. 


FIN DU TOME PREMIER 


TABLE DES MATIÈRES 


PRÉFACE. I à XXXVI 


LINTRODUOTION AR AR D es Le Rs A EE RON Ne CE NE NOIRE | 


AGE DE LA PIERRE 


ÉPOQUE PATLOLITEIQUE MP NO MEN EE EP RE EE NC Re Er 
HROQUE NÉOLITEIQUE ee le ECO I UT UNS DEAN PIN EME 
(OPTELSALTOUVESHSOIÉMENT SE CE 
Monuments mégalithiques. RER Te Te CI SSI EEE CR 1 
Grottes et ESOUter Trains NT A NC EU CRT OP RTE D ECO 
Constructions lacustres PR NN 0e RE DRE AE RS TR TN A EE ER LS 69 


OT MEdeSSanMAUMUIOMESIQUES EE NE 


AGE DU BRONZE 


NGHIDUPBRONZO CRC Re RTS nl + EN SO ON ES Re pee ON Puf} 
Mines de cuivre. TE. A PE ER EN RUN TRES LS TER RO) 
Mines d’étain. PE LME En ES URL DE UE EEE ES 1: 
DÉPOISIOUSAUODS CCR PRET eh LU CRC M ARE OU FRERE ERC ES 
Objets ISOLÉ EE ON re DR QU TE LR TEE Of) 


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Re. 


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A ee See Re ee 


PLANCHE I 


2 et 4 — Pointes de flèches en silex découvertes près de Koutaïs (Musée de Tifis). 
3 et D — Pointes de flèches en obsidienne découvertes à Redkine-Lager. 


1, 6 et T — Pointes de flèches en obsidienne découvertes près de Mtzkhet. 
8 et 9 — Marteaux en diorite trouvés sur la rive droite du Térek, à Barakof 


(Petite Kabarda). 


| 10 — Vue de face du n° 9. 
11 — Marteau en basalte trouvé en Géorgie. 
| 12 — Marteau en diorite trouvé en Géorgie. 
| 13 — Marteau en basalte trouvé près de Mozdok. 


GRANDEUR NATURELLE 


1, 2, 4, 6, 7, 12, MUSÉE DE TIFLIS 
3 sr 5, COLLECTION WEYSSENOFF 


8, 9 2r 13, COLLECTION OLCHE WSKI 


| 
Il 


D PE UE ed E Ep tee État GR ADS Dm 


AGES DE LA PIERRE ET DU BRONZE. 


@bsets néolithiques trouvés isolément. 
VALLEES DU TEREK & ARMENIE RUSSE. 


DI 
ï 


I 


ne gere Es = me RE ——————— 


PLANCHE II 


1, 2, 3, 4 — Eclats d’obsidienne trouvés entre Elenovka et Ordaklia (Arménie). 

5, 6, 7 et 8 — Marteaux en diorite trouvés dans les mines de sel de Koulpe 
(Arménie). 

9 — Hache en porphyre vert trouvée près de Nakhitchevan (Arménie). 


10 — La même, vue de profil. 


GRANDEUR NATURELLE 


1 a 8, MUSÉE DE TIFLIS 


9, COLLECTION ERNEST FAVRE 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


dans le Caucase 


ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE. 


PLII 


Grandeur naturelle 


Lunel,lith Imp. Jules Rey: E. Chantre,direxit 1888 


Objets néolithiques trouvés isolément. 
AVR MUBINODE RO SSE. 


Ile 


4 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des haches à doui 


carrée, et l’autre pour des poignards. 
2 __ Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des haches à douille 
carrée, l’autre pour des couteaux. 


Trouvés à Novo -Rossisk (Abkhazie). 


GRANDEUR NATURELLE 


MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


dans le Caucase 


ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE. 


ns 


Lunel,lith EF CI t ere 
E. Chantre  direxit 1883 


Moules. en. $rés pour haches et couteaux. 
NOVOROSISK (ABKASIE) 


PLANCHE IV 


1 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées, l’une pour des couteaux, 
O Lo] 2 r.) 


l'autre pour des ciseaux et des poignards. 


| 2 — Moule rectangulaire en grès, à deux faces creusées pour des poignards et des 


ciseaux. 


Trouvés à Noyo-Rossisk (Abkhazie). 


| GRANDEUR NATURELLE 


MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU 


Lunel,lith 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


dans le Cauc. 


ACES DE LA PIERRE ET DU BRONZE 


Grandeur naturelle 


Rey. Gen 


Imp dul 


(02e) 


en rés pour couteaux 


NOMOINOISISEMERE EE 


2 — Moule en gre 


PLANCHE V 


1 — Moule en grès, à une seule face creusée pour haches à talon. 
à une seule face creusée pour faucilles. 


Trouvés à Novo -Rossisk (Abkhazie). 


GRANDEUR NATURELLE 


MUSÉE HISTORIQUE DE MOSCOU 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 
dans le Caucase 


AGES DE LA PIERRE ET DU BRONZE. 


Grandeur naturelle 


Lunel,lith Imp Jules Rey Genève E. Chantre, direxit 1883 


Moules en grés pour haches et faucilles 
NOMOR OSSI CAB KR AS TE) 


(Ça 


1 


PLANCHE 


_ Faucille en bronze trouvée en Kabarda. 
— Hache plate en bronze trouvée en Abkhazie. 


— Lame de poignard à soie courte et à deux rivets, trouvée en Kabarda 


GRANDEUR NATURELLE 


MUSÉE PUBLIC DE MOSGOU 


RECHERCHES ANTHROPOLOGIQUES 


dans le ( 


TE IST CEE ETC TTC 


Grandeur naturelle 


Lunel lit Imp. Jules Rey. Genève E. Chantre, direxit 1883 


COLE MEN MbINONzE trouvés isolement. 
KABARDA & ABKASIE. 


GETTY RESEARCH INSTITUTE 
UN 
| | LL Il Il | | | 

3 3125 01033 2134 


PUBLIGATIONS DE M. ERNEST (HANTRE 


NOTES SUR DES CAVERNES A OSSEMENTS ET A SILEX TAILLÉS DU 
NORD DU DAUPHINÉ (P£rioDE QUATERNAIRE). BJ. Soc géol. de France. 
1855, 

L'AGE DE LA PIERRE (érubes PALÉOETHNOLOGIQUES DANS LE NORD DU DAU- 
PHINÉ ET LES ENVIRONS DE LYON). Lyon, 1867.1 vol. in-4 avec 15 planches. 

FOYERS-SÉPULTURES NÉOLITHIQUES (nouveces Érupes PALÉOETHNO- 
LoGiques), In-4, avec 2 planches. Lÿon, 1868. 

NOTICE HISTORIQUE SUR LA VIE ET LES TRAVAUX DE J.-J. FOURNET, 
professeur de géologie à la Faculté des sciences de Lyon, correspondant 
de l'Institut, Lyon, 4870. 

L'AGE DU BRONZE DANS LE BASSIN DU RHONE ET PASSAGE DE L'AGE 
DU BRONZE AU PREMIER AGE DÙ FER. In avec planches (extrait 
du Compte rendu du Congrès inteYnational d'anthropologie et d'ar- 
chéologie préhistoriques de Bologne, 1871). 

DÉCOUVERTE D'UN TRÉSOR DE L'AGE DU BRONZE, À RÉALON (HaUTES- 
auPes). In-8, avec 3 planches, Annecy, 1872. 

NOTE SUR LA FAUNE DU LEHM DE SAINT-GERMAIN AU MONT-D'OR 
(RHÔNE) ET SUR L'ENSEMBLE DE LA FAUNE QUATERNAIRE (Comptes 
rendus de l'Académie des Sciences, 3 décembre 1873). 

ÉTUDES PALÉONTOLOGIQUES DANS LE BASSIN DU RHONE ({réR100E 
QUATERNAIRE), par MM. le D' Lonret èt E, Cavrre (Archives du Mu- 
séum d'histoire naturelle de Lyon. În-4, 1, avec 45 planches. Lyon, 
4873 el 1874). ie 

LES FAUNES MAMMALOGIQUES TERTIAIRES ET QUATERNAIRES DU 
BASSIN DU RHONE (Compte rendu dé la deuxième session de l'Asso- 
ciation française pour l'avancement des sciences, Lyon, 1874). 

CARTE ARCHÉOLOGIQUE D'UNE PARTIE DU BASSIN DU RHONE, POUR, 
LES TEMPS PRÉHISTORIQUES À L'ÉCHELLE DE 1 siçoo LYON, 1874. 


L’AGE DE LA PIERRE ET L'AGE DU BRONZE EN TROADE ET EN GRÈCE. 
In-8. Lyon, 1874. 

SUR L'AGE DU BRONZE ET LE PREMIER AGE DU FER EN FRANCE 
(Compte rendu du Congrès de Stdéhhotm, 1874). 

BAPPORT AU CONGRÈS DE STOCKHOLM SUR UNE LÉGENDE INTER- 
NATIONALE POUR LES CARTES PRÉHISTORIQUES Compte rendu du 
Congrès, 1974). 

LES PALAFITTES OU CONSTRUCTIONS LACUSTRES DU LAC DE PALA- 
DRU, PRÈS VOIRON (Isère). In-4 et un album in-folio de 14 planches. 
Chambéry et Grenoble, 4874 

LeéMêse, Deuxième édition, in-folio et in-8. Lyon, 4874. ° 

AGE DU BRONZE (érues ee ne DANS LE BASSIN DU RHONE, 
RECHERCHES SUR L'ORIGINE DE LA MÉTALLURGIE EN FRANCE), 3 vol, in-3 
ayec 3 cartes en chromo et un album de 80 planches in-folio. Iyon, 
48 

CARACTÈRES DES AGES pu BRONZE ET DU FER DE LA FRANCE {Compte 
rendu du Congrès international d'anthropotogie de Buda-Pesth, 1876), 

LÉGENDE INTERNATIONALE DÉFINITIVEMENT ADOPTÉE POUR LES 
GARTES D'ARCHÉOLOGIE PRÉHISTORIQUE (Matériaux, 1876). 

OBSERVATIONS SUR LES SÉRIES PRÉHISTORIQUES DE QUELQUES 
MUSÉES AUTRICHIENS {Matériaux pour l'histoire primitive et 
naturelle de l'hoïme, Toulouse, 1876). 

COMPTE RENDU DE L'EXPOSITION PRÉHISTORIQUE DE BUDA-PESTH 
EN AOÛT 1876 (Matériau, 1877). 

LES NÉCROPOLES DU PREMIER AGE DU FER DES ALPES FRANÇAISES 
(Matériau, 1878). 

MONOGRAPHIE DES MASTODONTES DU BASSIN DU RHONE, par MM. Lon- 

n et CuaNrRE (Archives du Muséum d'histoire nalurelle de Lyon 
m-4; t. IN, avec 47 planches. Lyon, 1870). 

NOTES ANTHROPOLOGIQUES. DE L'ORIGINE ORIENTALE DE LA MÉTALLURGIE, 
In:8, avec planches. Lyon, 4870. 

NOTES ANTHROPOLOGIQUES. RELATIONS ENTRE LES SISTRES 8OUDDHIQUES 
ET CERTAINS OBJETS LACUSTRES DE L'AGE DU BRowze..In-8. Lyon, 1879. 
AGE DU FER (éruves PALÉOETHNOLOGIQUES DANS LE S4SsIN DU RHONE, 
NÉCROPOLES ET TUMULUS). 1 Vol. in-4 avec un albumin-folio de 52 plan- 

ches, Lyon, 1880, 


MONOGRAPHIE GÉOLOGIQUE DES ANCIENS GLACIERS ET DU TERRAIN 
ERRATIQUE DE LA PARTIE MOYENNE DU BASSIN DU RHONE, par 
M. A, Farsan et L. CiraNrRe, 2 volumes in-8° avec un atlas do 6 feuilles 


2 1 7 188 
AU too: LYON, 18751880. 


L'AGE DU BRONZE EN ITALIE. (Communication au Congrès de Reims, 
4880). 

OBSERVATIONS SUR UN CRANE GREC PRÉSENTANT LA DÉFORMA: 
TION FRONTO-BREGMATIQUE (Communication au Congrès de Reims, 
1880). 

L'AGE DU BRONZE AU CAUCASE ET DANS LA RUSSIE MÉRIDIONALE 
(Matériaues, 1880). 

LES NÉCROPOLES DU PREMIER AGE DU FER RENFERMANT DES CRA- 
NES MACROCÉPHALES (Communication au Congrès de Lisbonne, 
1880). 

OBSERVATIONS SUR L’AGE DES NÉCROPOLES PRÉHISTORIQUES DE 
LA CHAINE CENTRALE DU CAUCASE (Communicalion au Congrès 
de Lisbonne, 1880). 

NOTES ANTHROPOLOGIQUES. RECHERCHES PALÉOETHNOLOGIQUES DANS La 
RUSSIE MÉRIDIONALE ET SPÉCIALEMENT AU CAUCASE ET EN CRIMÉE. In-8 de 
27 pages avee 12 planches. Lyon, Geork, 4881. 

NÉCROPOLES- PRÉHISTORIQUES DU CAUCASE RBENFERMANT DES 
CRANES MACROCÉPHALES (Matériauæ, 4881). 

LA NÉCROPOLE DE KOBAN, EN OSSÉTHIE, CALCASE (Matériaux, 
1882). 

APERÇU SUR LES CARACTÈRES ETHNIQUES DES ANSARIES ET DES 
KURDES (Communication à la Sociélé d'anthropologie de Lyon. 
Bulletin, t. I”, fasc. 2, 1882). 

L'AGE-DE LA PIERRE ET L'AGE DU BRONZE DANS L'ASIE OCCIDEN- 
TALE (Bull. Soc. anth. Lyon, t. 1®, fase. 2, 1882). 

APERÇU SUR LES CARACTÈRES CÉPHALOMÉTRIQUES DES OSSÈTHES 
(Bull, Soc. anth. Lyon, t. 1, fase, 1, 1883). 

USTENSILES EN SILEX ACTUELLEMENT EN USAGE EN ROUMANIE 
(Bull Soc. anth. Lyon, t. IL, fase. 1, 1883). 

VISITE AU MUSÉE D'ANTIQUITÉS DE BOLOGNE (Bull. Soë. aninr. Lyon, 
t. II, fase. 1, 1883). 

OBSERVATIONS ANTHROPOMÉTRIQUES SUR CINQ ZOULOUS DE PAS- 
SAGE À LYON (Bull. Soc. antho. Lyon, t IL, fasc. 1, 1883). 

DÉFORMATION ARTIFICIELLE DU CRANE AU CAUCASE (Bull. Sc. 
anthy. Lyon, t. Il, fase, 2, 1863). 

RAPPORT SUR UNE MIS-ION SCIENTIFIQUE DANS L'ASIE OCCIDEN- 
TALE ET SPÉCIALEMENT DANS LES RÉGIONS DE L'ARARAT ÉT DU 
CAUCASE (Archives des Missions seientifiques, 8° sèr., t. X, 1883). 

ÉTUDE SUR QUELQUES NÉCROPOLES HALLSTATTIENNES DE L'ITALIE 
ET DE L'AUTRICHE (Matériaux, 3° sèr., t. 1, 4884). 

LES NÉCROPOLES GRÉCO-ROMAINES DU NORD DU CAUCASE (Bull. 
Soc. anthr. Lyon, t. IL, fasc. 1, 4884). 

LES NÉCROPOLES HALLSTATTIENNES DU CAUCASE (Comiuuication 
à l'Association française pour l'avancement des sciences, Congrès dé 
Blois, 188 

NOTE SUR LA DISPOSITION DES MATÉRIAUX MORAINIQUES DES EN- 
VIRONS DE LYON ET SUR LA PRÉTENDUESFAUNE* PRÉGLACIAIRE 
DE SATHONAY {Matériaux 2 sèr., t II, 488 ). 

LES MENHIRS DU CHAMP DE LA JUSTICE OÙ ALIGNEMENT DE SAINT- 
PANTALON, PRÈS AUTUN(SAONE-ET Loire) (Matériau, 1885). 

LES DOLMENS DU CAUCASE (Matériaux, 1885). 

UN NOUVEAU GISEMENT CHELLÉEN DANS LA DROME (Communication 
à l'Association française, Congrès de Grenoble, 4885). 

LE DAUPHINÉ PAÉHISTORIQUE (Congrès de Grenable, 4885). Avec une 
carte en chromo. 

FOUILLES DANS LA GROTTE DE GIGNY, PRÈS DE SAINT-AMOUR, 
(uurs) {Congrès tte Grenoble, 1585). 

FOUILLES DANS LES TUMULUS DU DAUPHINÉ (Congrès de Grenoble). 

NOUVELLES DÉCOUVERTES DANS LES PALAFITTES DU LAC DE PA- 
LADRU (Isère) (Congrès de Grenoble, 48 


RYON. — INPRIMERIE PIXRAT AINÉ, RUE